Enfin ! Tesla a commencé à livrer les Model 3 à ses premiers clients véritables, et pas seulement à ses propres employés. La nouvelle voiture exclusivement électrique du constructeur circule sur les routes américaines depuis la toute fin du mois de décembre. Ce qui veut dire aussi que l’on commence à avoir les premiers retours hors du contrôle strict du département presse de l’entreprise.
Alex Roy, journaliste automobile pour le site The Drive, a ainsi eu l’opportunité de traverser les États-Unis à bord d’une Model 3 flambant neuve et d’écrire sur son expérience. Sorti d’usine le 27 décembre, ce véhicule a battu au passage le record de temps pour une électrique en reliant la Californie à New York en 50 heures et 16 minutes.
En parallèle, le site spécialisé Electrek a publié son test de la Model 3, avec un exemplaire rouge réceptionné le 29 décembre, soit également parmi les tout premiers disponibles pour le grand public.
Qu’ont-ils pensé du dernier modèle de Tesla ? Le journaliste de The Drive n’y va pas de main morte : « C’est une œuvre d’art, un concept-car commercialisé, plus révélateur que la Model S et historiquement encore plus important. » Rien que ça, et alors même qu’il a plusieurs critiques à formuler… on fait le point !
Un retard qui s’allonge pour la Model 3
Avant toute chose, difficile d’ignorer l’éléphant dans la pièce, comme on dit de l’autre côté de l’Atlantique : la firme d’Elon Musk est à la traine en ce qui concerne la production de la Model 3. Et c’est encore peu de le dire : alors que le constructeur devait produire 20 000 véhicules en décembre, il n’a réussi à en assembler que 2 400 environ… en tout depuis son lancement.
Est-ce que Tesla pourra enfin accélérer la cadence comme il ne cesse de le promettre depuis la fin de l’été ? Il serait grand temps, car le constructeur avait reçu plus de 500 000 précommandes dans le monde entier à l’automne et il va falloir en produire considérablement plus pour satisfaire tout le monde. C’est encore la plus grosse inconnue concernant le constructeur et son avenir.
Si la marque parvient à résoudre ses problèmes de production, ces retards initiaux seront vite oubliés et on se concentrera sur la voiture : le premier modèle électrique de masse. Dans le cas contraire, Tesla pourrait bien avoir du mal à se relever, surtout si l’on pense qu’il a facturé chaque précommande 1 000 $/€. La Model 3 est un énorme pari pour l’entreprise, bien plus que son camion ou sa supercar annoncés en novembre et qui ne seront jamais produits en grandes quantités de toute manière.
Un véhicule qui s’approche de ses concurrents haut de gamme
En attendant de connaître le fin mot de l’histoire, que valent ces Model 3 fraîchement sorties d'usine ? Bonne nouvelle, les premières conclusions sont positives.
Alex Roy est ravi de la cinquantaine d’heures passées à l’intérieur du véhicule. Le journaliste juge l’aspect extérieur élégant, mais pas aussi « sexy » que la Model S, notamment à cause de l’avant jugé « légèrement gênant ». Tout en ajoutant dans la foulée qu’il se fiche pas mal de l’aspect de la voiture et que c’est l’expérience qui l’intéresse avant tout.
Du côté d’Electrek, une galerie de détails de la carrosserie et notamment de l’assemblage des différents composants montre qu’il n’y a pas de défauts majeurs. Comme toute voiture de série produite en volume, il y a quelques petits défauts esthétiques ici ou là, mais rien de vraiment gênant, on y reviendra.
À l’intérieur, le design minimaliste, quasiment épuré de tout bouton physique, reçoit les éloges d’Alex Roy. Tesla a fait mieux que Volvo et le constructeur a proposé « la plus pure interprétation de design scandinave dans l’histoire automobile » d’après lui. Manifestement, il a un avis très marqué contre les tableaux de bord traditionnels, jugeant qu’il s’est senti libéré de leur « tyrannie » (sic).
En particulier, il a apprécié l’intégration de l’écran de 15 pouces, parfaitement assemblé avec le reste du cockpit. Et le système innovant de ventilation, avec une seule longue sortie d’air qui traverse tout l’habitacle, est une vraie réussite, à l’efficacité saluée par tous les premiers tests. Voilà un domaine qui n’avait pas besoin d’être bouleversé, note Electrek, mais que Tesla a totalement modifié.
Et cela paye : après quelques heures passées avec ce système, aucun testeur n’a envie de revenir à une configuration traditionnelle. C’est intuitif et surtout cela permet de refroidir et réchauffer une partie plus précise de l’habitacle que dans d’autres voitures. C’est un détail, mais l’un de ces détails qui montrent que Tesla a beaucoup investi de temps et de réflexion dans le véhicule, juge le site spécialisé dans l’électrique.
En termes de confort, les premiers retours sont excellents aussi. La place à l’intérieur a surpris le journaliste de The Drive qui dépasse le mètre quatre-vingt et qui a eu toute la place nécessaire, autant à l’avant qu’à l’arrière. Il y a même plus de place en hauteur que sur la Model S, ce qui lui a permis de s’asseoir avec un chapeau de cow-boy sans encombre (un critère essentiel aux États-Unis, comme chacun sait).
Plus sérieusement, il est plus facile d’entrer et de sortir de la Model 3 que de la berline précédente de Tesla et on a trois vraies places à l’arrière, même si la centrale sera juste pour un adulte pendant de longs trajets. La qualité du matériau vegan utilisé par Tesla à la place du cuir a été saluée, mais le test d’Electrek note que les suspensions sont assez fermes. Ce n’est pas nécessairement un problème, même si certains voyageurs peuvent être gênés par ce profil plus sportif.
En matière de place, le coffre est moins grand que celui de la Model S (et évidemment de la Model X), mais il est plus généreux que ce que les journalistes imaginaient. D’un côté, on a réussi à placer un vélo en plus de trois personnes à bord. De l’autre, un matelas deux places, mais cette fois avec le conducteur et un passager seulement. À l’avant, on a aussi un petit peu de place, de quoi mettre quelques sacs de course ou bien une valise taillée pour les cabines d’avion.
De manière générale, Tesla a retenu les leçons de ses précédents modèles et il y a plein de rangements intérieurs. La Model 3 propose (enfin !) des rangements dans toutes les portes, une fonction de base qui était étonnamment absente des Model S et X. Sous l’écran de 15 pouces, une sorte d’étagère est dédiée à deux smartphones, avec docks de recharge inclus (USB-C et Lightning par défaut). À l’arrière, on retrouve aussi deux ports USB : cette voiture peut donc agir comme une immense batterie de recharge pour tous les smartphones et autres tablettes.
On continue la liste des bons points avec un système audio d’excellente qualité, qui ne tire pas sur les basses (ce que l’on regrette un petit peu, côté Electrek) et ne multiplie pas les effets sonores, mais qui offre beaucoup de clarté. Les enceintes sont aidées par le silence qui règne à bord, à la fois parce que le moteur électrique ne fait pas de bruit, mais aussi parce que Tesla a soigné l’isolation contre le bruit du vent à vive allure.
Et au fait, que vaut la Model 3 en conduite ? Plus légère que la grande berline de Tesla, elle est aussi plus maniable et agile, mais ce n’est pas une voiture de sport conçue pour la conduite « fun ». Et même si les accélérations réelles sont plus rapides que celles qui sont annoncées par le constructeur, on reste loin des meilleures Model S et X. Ce n’est pas l’objectif non plus et les premiers avis sont positifs, c’est même le point qui a le plus convaincu le testeur d’Electrek sur l’ensemble de la voiture.
Notons que l’accès aux super-chargeurs du constructeur n’est pas gratuit avec la Model 3, contrairement aux autres modèles de Tesla. La recharge reste nettement moins chère qu’un plein, mais c’est une dépense à prendre en compte. La traversée des États-Unis par Alex Roy a coûté une centaine de dollars, six fois moins qu’une voiture à essence équivalente.
Le prix d’un « plein » dépend de chaque station, mais il faut compter à l’heure actuelle moins de 10 $ sur le continent américain. Et il ne faut pas oublier que la charge peut se faire à la maison, ce qui est suffisant au quotidien dans la majorité des cas.
Et puisque l’on parle de charge, qu’en est-il de l’autonomie ? Tesla annonce environ 500 km sur la version grande capacité, la seule actuellement commercialisée. Dans les faits, cela dépend beaucoup des conditions et les tests menés ces dernières semaines mettent à mal ce chiffre (le froid a un impact négatif sur les batteries).
Néanmoins, le constructeur est aussi connu pour promettre moins que la réalité et les premiers retours sont très bons dans ce domaine. Il faudra attendre davantage de testeurs et de kilomètres parcourus pour avoir une idée plus précise, mais il n’y a pas de catastrophe à redouter sur ce point.
En matière de conduite, les premiers tests soulèvent toutefois un problème : la visibilité arrière est moyenne, voire médiocre. Pour compenser, on peut utiliser la caméra arrière et afficher cette vue en permanence sur l’écran, mais la qualité n’est pas toujours suffisante, surtout dans le noir.
Néanmoins, ce n’est pas si gênant si la voiture se conduit toute seule… ce qui nous amène au gros défaut souligné par The Drive.
Une voiture pensée pour le futur, au détriment du présent
Comme toutes les Tesla actuelles, la Model 3 est capable de conduire toute seule dans certains cas, et à condition que le conducteur reste concentré sur la route, les mains sur le volant. C’est un niveau 3 de conduite autonome, celui qui permet au véhicule d’ajuster sa vitesse et sa trajectoire automatiquement, notamment sur autoroute.
Le constructeur n’entend pas s’arrêter là et la conduite de niveau 4 sera activée à terme par des mises à jour. À ce stade, le véhicule pourra conduire seul dans la majorité des cas, sans aucune intervention du conducteur. Tesla a clairement pensé la Model 3 pour ce niveau de conduite autonome et la voiture sera sans doute excellente quand on y sera, mais ce n’est pas encore le cas.
Et en attendant que ce futur soit là, le présent n’est pas idéal pour la Model 3. Alex Roy ne mâche pas ses mots, là non plus : l’autopilote de la nouvelle voiture est médiocre, clairement inférieur à ceux des Model S et X. Pourquoi ce jugement sévère ? Parce que la conduite semi-autonome dans son état actuel nécessite une interaction constante de l’utilisateur et que le tableau de bord simplifié ne la facilite pas.
Tesla a choisi de ne pas placer du tout d’écran face au conducteur, tout est concentré dans le moniteur de 15 pouces au milieu. Résultat, le conducteur doit tourner la tête pour avoir la moindre information, y compris la vitesse actuelle. Est-ce gênant ? C’est une habitude à prendre, pour sûr, et Electrek n’en fait qu’à peine mention, jugeant que l’on se fait très vite à cette disposition. Même s’il faut s’habituer, au début, à rouler de nuit sans aucune lumière autour du volant.
Le problème, c’est que Tesla n’a pas repris les contrôles physiques de la Model S pour sa nouvelle voiture, et ceux de la Model 3 laissent à désirer. Par exemple, il n’est pas possible de régler la consigne de vitesse du pilotage automatique sans passer par l’écran tactile, et donc sans détourner les yeux de la route. Enfin si, c’est possible, mais il faut couper l’autopilote pour accélérer ou freiner et l’engager à nouveau quand la bonne vitesse est atteinte. Impossible aussi de prendre connaissance de certains messages sans regarder l’écran, puisqu’ils ne sont associés qu’à des alertes visuelles et non sonores.
Fort heureusement, les Tesla ne sont jamais bloquées dans le temps et des mises à jour pourraient améliorer les choses. Les avis des différents testeurs se rejoignent pour dire que les deux molettes placées sur le volant pourraient servir davantage : pourquoi pas les associer aux contrôles de l’autopilote ? Les alertes pourraient être aussi systématiquement sonores, pour compenser l’absence d’écran face au conducteur.
Le constructeur a déjà commencé à améliorer les choses. Par exemple, une mise à jour récente a activé les essuie-glaces automatiques (qui ne se limitent pas à l’eau), ce qui est plus important qu’il n’y paraît, puisqu’il n’y a pas de contrôle physique pour cet élément. Vous avez bien lu, les contrôles de l’essuie-glace se font via l’écran tactile et dans un premier temps uniquement via l’écran tactile.
On voit bien la logique du constructeur : à terme, la Model 3 se conduira globalement toute seule et ses passagers apprécieront les choix de design minimalistes. À quoi bon avoir un contrôle dédié aux essuie-glaces, si la voiture se charge en permanence de les gérer ? Mais avant que ce soit le cas, ce minimalisme joue des tours et l’expérience de conduite est pire, du moins d’après le journaliste de The Drive.
Précisons en effet que l’avis d’Electrek n’est pas du tout aussi négatif envers la conduite automatique, tout en notant également que les deux boutons au volant pourraient servir dans ce contexte. Il y a fort à parier que Tesla corrigera rapidement ce point, puisqu’il semble faire l’unanimité contre lui pour le moment. Et puis le site souligne la qualité du pilotage automatique, très indépendant dès aujourd'hui, notamment sur autoroute.
Il manque aussi des fonctions côté conduite et d’autres côté logiciels, le navigateur web est encore aux abonnés absents, tout comme l’interface de contrôle de l’énergie que les autres Tesla proposent. En revanche, et c’est plus important, l’écran tactile est jugé unanimement meilleur que celui des Model S et X, notamment parce qu’il est plus réactif. L’ordinateur de bord est manifestement plus puissant et cela se sent à l’usage, notamment pour naviguer dans la carte et calculer des itinéraires.
Il reste aussi des questions en suspens, notamment l’absence de clé physique. Tesla fournit deux cartes NFC à plaquer contre le montant du véhicule pour l’ouvrir. On peut aussi utiliser un téléphone relié en Bluetooth, à environ six mètres de distance. Les premiers testeurs ne s’en sont pas plaints, sauf qu’une couche épaisse de sel sur la voiture peut empêcher la carte de fonctionner. Là encore, le constructeur est en avance sur l’industrie, reste à espérer qu’il a tout prévu pour ne pas laisser ses utilisateurs sans solution.
Quelques défauts de jeunesse, mais pas de problèmes majeurs
Avant de conclure, les deux tests évoquent quelques bugs et défauts qui sont en général des problèmes de production qui seront corrigés par voie logicielle ou éventuellement par une réparation. Il y a aussi des problèmes de conception un petit peu plus gênants, mais les testeurs sont enthousiastes sur leur faible nombre. Il faut dire que Tesla a mauvaise réputation en la matière, les premières Model S et Model X souffrant de gros problèmes de conception.
Le journaliste de The Drive est monté dans trois Model 3 différentes et il n’a rien repéré de flagrant, même si la qualité de fabrication n’est toujours pas au niveau du premium germanique qui fait souvent figure de référence. Même son de cloche chez Electrek : il ne semble pas y avoir de défauts majeurs de conception comme il y en a eu par le passé, du moins pas sur les exemplaires sortis jusque-là.
Ce qui n’empêche pas l’existence de bugs. Pendant sa traversée des États-Unis, Alex Roy a noté un filet d’air froid qui entrait par les portes avant. Il faut noter toutefois que le voyage s’est fait à des températures extrêmement basses et en limitant au maximum le chauffage pour augmenter l’autonomie. Tesla inspectera quand même la Model 3 en question pour vérifier s’il y a bien un défaut de conception ou d'assemblage.
Dans un autre témoignage, c’est la trappe de recharge qui a posé soucis en restant ouverte, l’un des « bugs » apparemment fréquents sur les premières Model 3. C’est un problème, mais il ne gêne pas l’usage courant toutefois. Chez Electrek, le pare-brise arrière ne chauffe pas comme il devrait pour dégivrer et un rendez-vous chez Tesla est programmé. C’est pénible, mais c’est le lot de la majorité des premières voitures de série à sortir des usines.
Plus gênants que ces défauts constatés sur quelques exemplaires : les problèmes de conception. On a déjà évoqué la mauvaise visibilité arrière et le tableau de bord optimisé un petit peu trop tôt pour la conduite autonome. En voici un autre, passablement ridicule : pour ouvrir les portes, il faut appuyer sur un bouton qui ressemble fort à un contrôle pour baisser les vitres. Pour commencer, ce n’est pas évident, mais pour ne rien arranger il y a aussi une poignée qui semble faite pour ouvrir la porte.
Dans les faits, les deux options sont possibles. Mais Tesla recommande de n’utiliser la poignée du bas que dans les cas d’urgence, notamment lorsque la batterie est totalement à plat, et le constructeur ajoute que son usage trop fréquent pourrait endommager les joints. C’est embêtant tout de même, surtout quand c’est l’option la plus évidente pour quelqu’un qui ne connaît pas la voiture…
La Ford T de Tesla ?
Même si l’on est encore loin de la commercialisation de masse promise par Tesla, les premières Model 3 sont enfin entre les mains de vrais clients. Et le constructeur peut commencer à respirer prudemment, ces premiers exemplaires sur la route ont affronté les pires conditions qui soient et ils ont tenu le coup. L’un des clients a parcouru plus de 11 000 km dans un road-trip entre San Francisco et Montreal, via Miami, et même s’il a repéré plusieurs bugs, essentiellement logiciels, il n’a noté aucun problème majeur.
C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. L’enthousiasme d’Alex Roy est palpable dans sa conclusion et il qualifie même la Model 3 de voiture la plus importante jamais conçue depuis la Ford T, excusez du peu. Sortie en 1908, cette voiture a été la première produite en masse et la première à être abordable pour la classe moyenne.
Est-ce que l’on retiendra le nouveau modèle de Tesla comme la première voiture électrique produite à grande échelle et la première « abordable » (comptez 35 000 $ au minimum, tout de même) pour le plus grand nombre ? C’est une belle promesse, mais Henry Ford a produit et vendu près de 16,5 millions d’exemplaires pendant sa carrière d’une vingtaine d’années.
Comme Elon Musk, il a connu des débuts assez lents, avec onze Ford T sorties des chaînes le premier mois. Commencer lentement, ce n’est pas un problème, mais Tesla doit parvenir maintenant à accélérer sa production pour rester dans la course. Nul ne sait encore si le constructeur y parviendra, mais à tout le moins, ces premiers retours sont encourageants.
Si la Model 3 vous intéresse, vous pouvez toujours en réserver une sur le site du constructeur. Les tarifs en euros ne sont pas encore connus, mais un acompte de 1 000 € est demandé et les premières livraisons en Europe devraient débuter à la fin de l’année. Cela dit, les retards aux États-Unis laissent à penser qu’il faudra probablement attendre au moins 2019… et probablement 2020 si vous réservez aujourd'hui.