Cela fait quasiment quatre ans que mon conjoint et moi-même roulons en Model 3. Nous l’avons récupéré flambant neuve chez Tesla Nantes le 22 mai 2021 et cet anniversaire est l’occasion de compléter la série sur cette voiture, avec un point de parcours moins enthousiaste qu’aux débuts. Ce qui était à l’époque une toute nouvelle expérience est devenu notre quotidien, ce qui a inévitablement influencé notre ressenti. Difficile toutefois d’ignorer l’éléphant orange au milieu du garage : rouler en Tesla en 2025 n’a plus tout à fait la même saveur qu’en 2021. Quatre ans, c’est aussi la fin de la garantie initiale du véhicule et le prétexte parfait pour ce bilan d’étape.

Je ne vais pas reprendre tout ce qui a déjà été publié sur ma voiture, qui a fait l’objet d’une longue série en huit articles quelques mois après son achat, puis d’un premier bilan rédigé après deux ans d’utilisation. Si vous voulez en savoir plus sur mes premières années d’expérience, je vous renvoie vers ces articles :

Six mois en Tesla : huit articles pour tout savoir sur Tesla

Deux ans en Tesla : une affaire qui roule
Si vous préférez l’audio, je vous renvoie aussi vers cet épisode de Kernel Panic où j’avais déjà évoqué quelques points de l’article en compagnie de mes deux collègues également en Tesla, Cédric et Greg.

Kernel Panic : après 4 ans en Tesla, c’est l’heure du bilan !
L’amertume de rouler en Tesla en 2025
Mettons directement les pieds dans le plat, si vous le voulez bien. Même s’il n’a pas fondé l’entreprise contrairement à ce qu’il essaie de faire croire1, Elon Musk a toujours été très étroitement associé à Tesla. Bien qu’il n’ait en aucun cas inventé la voiture électrique, il a indéniablement sauvé la petite start-up californienne de la faillite à la fin des années 2000 grâce à sa fortune et ses connexions. Sa personnalité a aussi longtemps permis de mettre en valeur la marque et de la faire connaître, en particulier auprès des geeks comme moi. Par la même occasion, il a réussi à prouver au monde et surtout aux constructeurs traditionnels que l’on pouvait vendre des voitures électriques performantes et désirables. L’industrie aurait fini par le réaliser tôt ou tard, Elon Musk a sans doute accéléré le calendrier.
Quoi qu’il en soit, cette image positive a été méthodiquement détruite par une bascule de plus en plus franche et ouverte vers l’extrême droite. Impossible de nier les symboles si évidents ni d’ignorer son importance dans l’élection du président américain actuel et encore moins son action dans le gouvernement de Trump, avec tous les effets humains et écologiques du DOGE. Le milliardaire est devenu toxique aux yeux de beaucoup, moi le premier. Cela joue forcément sur ma perception de la voiture, que je regarde d’un œil bien différent aujourd’hui. Je me rappelle encore de la joie qui était la mienne en récupérant notre voiture en mai 2021 ! J’avais l’impression de monter dans la voiture du futur et j’avais hâte de tester toutes les fonctionnalités et même de la conduire, moi qui détestais pourtant plus que tout passer derrière un volant.

Quatre ans plus tard, l’ambiance est plus morose. Voir ma voiture dans mon garage ou dans la rue ne provoque plus autant de joie qu’avant et il m’est difficile de ne pas penser à Elon Musk, à toutes les horreurs qu’il organise lui-même, cautionne ou permet : oui, je ressens une pointe de honte à l’idée de rouler avec cette Model 3. Je me demande si mes voisins et tous les habitants de mon petit village breton savent que je ne soutiens pas l’homme et que j’ai acheté la voiture avant de réaliser qu’il était le méchant d’un Marvel, pas Iron Man. Si j’ai naturellement pensé à plusieurs reprises d’ajouter un autocollant, je ne l’ai pas fait parce que je n’aime pas coller des autocollants, parce que le message ne me plait pas tellement2 et puis parce que je trouve cela un peu hypocrite.
Je n’aime plus la voiture, alors autant la revendre ? Si seulement c’était aussi simple… On n’abandonne pas sa voiture comme un réseau social. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous en passer et il est hors de question de rouler autrement qu’en électrique. La revente de notre Model 3 devrait financer un achat et c’est là que les choses se compliquent vite, avec un prix de revente qui pose problème. Sans aller jusqu’à écrire que notre voiture ne vaut plus rien, les prix de l’occasion sont loin de la folie de la fin de l’été 2021, quand notre exemplaire valait plus que ce que l’on avait payé à l’achat. Face à un parc bien plus large, à une offre plus étayée sur le marché et surtout une marque devenue repoussoir pour la majorité des acheteurs potentiels, vendre notre Model 3 aujourd’hui nous obligerait à casser les prix et nous bloquerait pour la suite.

En plus de ces sentiments complexes vis-à-vis de ma propre voiture, suis-je inquiet pour de potentielles dégradations ? Un petit peu, mais pas vraiment plus qu’avant. Il faut dire que notre Model 3 a reçu un coup de clé sur tout le côté gauche quasiment un an après son achat, alors même qu’elle était garée devant chez nous. Si la réparation prise en charge par l’assurance a permis d’oublier l’incident, cela nous a rendus davantage paranos, au point de faire de la présence d’un garage exploitable un critère de choix pour notre maison actuelle. Au quotidien, la voiture est ainsi bien protégée et je ne suis pas si inquiet que ça dans notre campagne bretonne où la marque reste une rareté.
Quelle que soit votre position sur Elon Musk, impossible de nier que la perception de Tesla a totalement changé en quatre ans. Lors de notre achat, le constructeur avait vendu environ 1,6 million de véhicules depuis le lancement du premier Roadster en 2008. Rien qu’en 2023, l’entreprise a écoulé plus de 1,8 million de voitures, ce qui donne une idée de la croissance fulgurante de la marque, qui devrait dépasser les 8 millions de véhicules produits au total d’ici la fin de cette année. Les Model 3 et Model Y n’ont peut-être pas envahi nos routes, mais elles sont devenues deux voitures presque banales, surtout dans les grandes villes, et cela fait bien longtemps que les conducteurs ne se saluent plus en se croisant, comme c’était encore le cas pour nous les premiers mois.

Je n’avance pas un argument élitiste, au contraire même, je suis plutôt ravi de me fondre dans la masse avec ma voiture… du moins, jusqu’à ces derniers mois. C’est un simple constat qui explique aussi la situation actuelle du constructeur : Tesla est passée de la start-up californienne un peu folle qui essaie de survivre en produisant uniquement des voitures à batterie au numéro un mondial de l’électrique. Comme pour Apple d’ailleurs, ce statut ne lui permet plus de jouer la carte de l’outsider en difficulté à qui l’on pardonne des écarts. C’est d’autant plus le cas depuis que son capital sympathie s’est effondré pour bon nombre de ses supporters originaux.
La douceur d’un bilan qui reste extrêmement positif
Ce sentiment amer est presque uniquement lié à la présence d’un seul homme, parce que la voiture elle-même n’appelle pas du tout autant de critiques. Bien au contraire, le bilan après quatre ans et plus de 64 000 km reste toujours aussi enthousiaste. Notre Model 3 a été remarquablement fiable, elle ne nous a jamais inquiétés sur la route et son coût d’utilisation bat des records. Il faut bien le dire : s’il n’y avait pas cette ombre qui planait au-dessus, je recommanderais sans hésiter notre voiture à (presque) n’importe qui.
