Optimisation fiscale : Apple restera en Irlande quoi qu'il arrive

Mickaël Bazoge |

« Nous avons le sentiment que nous payons ce que nous devons à l’Irlande », a assuré Cathy Kearney, vice-présidente d’Apple en charge des opérations en Europe, devant une commission du Parlement européen hier. Une antienne connue et répétée ad nauseam par le constructeur, qui n’est pas dans son tort : après tout, les pratiques d’optimisation fiscale sont tout à fait légales. Et l’entreprise règle le moindre euro ou dollar dû au titre de son imposition.

Néanmoins, le Parlement européen cherche à en savoir plus sur ces techniques, dont le constructeur est devenu un des champions du monde, comme la plupart des multinationales américaines installées quelque part en Europe. Ikea, McDonald’s et Google ont eux aussi été interrogés hier (lire : Apple, Google et d’autres sur le grill du Parlement européen).

Quoi qu’il arrive, Apple reste « engagée en Irlande » a encore affirmé Kearney, et ce peu importe le résultat de l’enquête en cours. Les services de Margrethe Vestager, la commissaire européenne en charge de la concurrence, tentent actuellement de percer le mystère qui lie le pays à Apple et qui permettrait au constructeur de payer si peu d’impôts. Une décision dans ce dossier — qui concerne aussi le duo Luxembourg et Amazon — n’est pas attendue avant quelques mois.

La commissaire a fait savoir que les montants en jeu iraient bien au-delà des 30 millions d’euros d’impôts impayés qu’ont été obligés de réclamer le Luxembourg et les Pays-Bas auprès de Starbucks et de Fiat Chrysler.

avatar fte | 

Ce ne sont pas les bonnes personnes sur le banc des accusés. Ce sont les ministres des finances de toute l'Europe qui devraient être à cette place.

Il faut une politique fiscale européenne concertée et réfléchie, des taux similaires, une TVA harmonisée, et un système européen de péréquation financière pour redistribuer et aplanir les trop grandes disparités et aider au développement des régions moins favorisées. Ce n'est pas une idée nouvelle et il y a des exemples qui fonctionnent - sans être parfaits pour autant, mais ils servent un objectif de redistribution et de développement.

L'Europe est une belle idée à poursuivre, mais sur le plan politique c'est une vaste blague. C'est plus facile d'accuser les entreprises d'utiliser les moyens légaux et connus de tous que de se concerter et de mettre en place un système réellement communautaire européen. Bah.

avatar zearnal | 

Exactement, dans la plupart des cas, toutes ces activités d'optimisations fiscales sont légales.
Seulement, il est bien plus aisé de jeter l’opprobre sur les sociétés (ces méchantes sociétés qui osent faire des marges) que de créer et se mettre d'accord sur un cadre économique et fiscale européen et mener une véritable politique économique Européenne. C'est pourtant pas les élus Européens qui manquent, seulement, il faut en avoir la volonté et mettre d'accord tous les états membres, chose pas aisée certes, mais en même temps ils sont élus (et rémunérés) pour cela.

avatar Claude Pelletier | 

Toutes ces enquêtes prennent du temps mais on vit à un moment charnière. En espérant que les parlementaires européens et les services de cette commission arriveront à tout mettre sur la table pour que la nécessité d'une solide harmonisation fiscale européenne et d'une meilleure mutualisation des moyens d'action et des compétences des pays du continent européen……
À suivre bien évidemment, à suivre avec un grand intérêt !

avatar Flash | 

@zearnal

Autant l'entreprise qui fait de l'opti que les gouvernement sont coupables dans cette histoire le fanboy.

Ton raisonnement est stupide. C'est comme si tu étais non coupable de torturer des animaux en Chine sous prétexte qu'aucune lois les protègent: "J'ai écrabouillé plusieurs chatons avec mes rangers pour le plaisir mais ce n'est pas de ma faute! C'est la faute au gouvernement chinois qui n'ont pas rédigé de lois en la matière :-( "

avatar ThomasG | 

Le problème n'est pas forcément que l'Irlande, qui impose les bénéfices de sociétés à 12,5% (après tout, c'est à l'Irlande de déterminer l'attractivité de son pays avec un taux d'IS plus ou moins élevés, on impose bien les bénéfices sur les brevets à 15% en France), mais plutôt le schéma qui amène Apple et les autres à déclarer + ou - de bénéfices dans les pays où ses produits se vendent.

Sauf que ce schéma est plus compliqué qu'il n'y parait puisqu'il faut tenir compte :
- Des Prix de transfert, c'est-à-dire le prix payé pour un service ou un bien à une société mère ou filiale, pour influer sur le montant des bénéfices déclarer. Plutôt encadrées, les déclarations et leur détermination seront davantage encadrées avec le projet BEPS de l'OCDE

- Des conventions internationales afin de lutter contre les doubles impositions, qui sont des conventions bilatérales entre pays : une lecture attentive de celles-ci permet parfois de trouver des "trous" afin de bénéficier d'une non-imposition dans les deux pays

- Ensuite l'UE avec l'aide de la Cour de Justice de l'UE s'est tiré une balle dans le pied, car en appliquant les grandes libertés aveuglément, elle a encouragé ces pratiques en interdisant aux états d'établir des retenues à la source ou encore en limitant l'installation dans un pays à fiscalité privilégié. L'intention est louable et réaliste lorsque tous les pays ont une politique telle que la nôtre, sauf qu'en ayant intégré l'Irlande, les Pays-Bas (Google défiscalise un max avec les PB) ou le Luxembourg, on a laissé entrer le loup dans la bergerie.

- Enfin les USA ont leur part de responsabilité, puisqu'ils ont un système ("check the box") qui offre une énorme complaisance envers les sociétés payant peu ou pas d'impôt et favorisant le transfert de bénéfice vers des paradis fiscaux.

Ces différents mécanismes soulèvent surtout une inadéquation de nos législations fiscales avec la prépondérance des biens immatériels de ces sociétés...

avatar False | 

Ton commentaire sur les USA ayant un système qui offre une énorme complaisance de l'optimisation fiscale n'est pas valide : C'est tout le contraire.

avatar ThomasG | 

C'est-à-dire ?
Le système "check the box" permet à l'ensemble du montage fiscal de tenir, notamment celui de Google.
Sans ça, les USA auraient la possibilité d'imposer l'ensemble du bénéfice mondial (taux de l'IS de 40% au USA...), l'interet du montage fiscal en deviendrait franchement limité
Ce qui est particulièrement hypocrite de la part des USA et qui incite les sociétés à optimiser

avatar kadelka | 

@ThomasG :
Juste pour te remercier de la qualité des deux commentaires qui clarifient bien certains points un peu flous dans mon esprit auparavant :)

avatar XiliX | 

@False

Peux-tu développer ?

avatar Claude Pelletier | 

SUPERBE mise au point. Merci.

avatar XiliX | 

@ThomasG

Merci :)

avatar Grug | 

Pas bête d’enquêter pour comprendre comment fonctionnent les système qu'on a mis en place…

avatar zoubi2 | 

+1 @fte et @ThomasG

LE problème, vous le connaissez, c'est que tout ça est parfaitement légal et c'est désarmant de simplicité pour Apple (par exemple) :

- On crée une filiale dans un pays "accueillant"
- Une filiale française (par exemple) achète TRÈS CHER ses produits chez la filiale bien placée
- Du coup la filiale française fait très peu de bénéfices
- Elle paie donc très peu d'impôts
- La filiale bien placée, elle, se fait de c** en or puisqu'elle vend très cher mais comme elle est bien placée elle paie peu d'impôts.

Fastoche, non ? C'est parfaitement "immoral" mais que faire légalement au niveau des entreprises ? Le problème se situe clairement au niveau des états comme déjà dit.

avatar Antony Matué | 

Avec certains, pas facile de trouver le coupable idéal :

La maquereau ? Le(s) ministre(s) des finances

La pute ? Apple

Le client ? Nous qui mangeons des pommes

A qui j'envoie la baballe ?

CONNEXION UTILISATEUR