Pour les 40 ans du Lisa, le code source de son OS est libéré

Pierre Dandumont |

Il y a 40 ans, Apple lançait le Lisa, un ordinateur assez innovant pour son époque, qui proposait une interface graphique et une souris. Et pour cet anniversaire, le Computer History Museum a décidé de fournir les sources de Lisa OS, dans sa version 3.1. Elles sont distribuées avec une licence spécifique sur le site dédié. Il faut noter que ce code s'est fait attendre : l'annonce de son arrivée date de 2018.

Le code source de Lisa OS libéré en 2018

Le code source de Lisa OS libéré en 2018

Lisa Simpson a utilisé un Lisa (2). (image Disney)

Un ordinateur innovant mais trop cher

Le Lisa est un ordinateur vraiment particulier, mais il avait un défaut dès le départ : un prix trop élevé. Il valait en effet 9 995 $ en 1983, ce qui correspond à peu près à 30 000 $ en 2023. Dans les raisons de ce prix, on trouve un processeur 16 bits puissant — le 68000 —, un moniteur intégré, un double lecteur de disquettes 5,25 pouces et un disque dur de 5 Mo.

Une capture de Lisa OS.

Si l'interface manipulable à la souris était vraiment une avancée à cette époque, elle est finalement assez différente de celle du Macintosh, sorti l'année suivante. En réalité, Lisa OS est plus centré sur les documents que sur les applications, et c'est une voie qui a (un peu) été prise par Apple ces dernières années.

Le Mac l'a tuer

Le prix n'est pas totalement la seule raison de l'échec du Lisa. En réalité, son meilleur ennemi vient de chez Apple, en avril 1984 : le Macintosh. Il possède un écran intégré, une souris, une interface graphique… mais est nettement moins cher (2 500 $ à l'époque). Les raisons viennent de l'absence de disque dur, d'une quantité de RAM plus faible (128 ko contre 1 Mo) et d'un lecteur de disquettes 3,5 pouces.

Le Lisa 2. (Rama, CC BY-SA 2.0 fr)

Le Mac est aussi beaucoup plus mis en avant par Apple, car il s'agissait d'un projet porté par Steve Jobs, au détriment du Lisa. Et c'est ce qui va mener le Lisa à sa perte assez rapidement : un Lisa 2 sort dès 1984 avec le même lecteur de disquettes que le Macintosh (plus fiable), mais même avec un prix divisé par deux, il ne convainc pas.

En pratique, le Lisa va finir sa vie en tant que mauvais Macintosh : Apple a profité des similitudes techniques pour essayer de se débarrasser du Lisa. Le Macintosh XL est un Lisa 2 renommé, parfois modifié avec un écran avec des pixels carrés1, et équipé d'un logiciel appelé MacWorks XL, qui permettait de lancer l'OS du Macintosh.

Une capture de MacWorks XL dans un émulateur.

L'héritage du Lisa

Le Lisa n'est pas pour autant un projet avorté, sans intérêt. Une partie des concepts de l'interface graphique des Mac vient de Lisa OS, tout comme certaines technologies comme QuickDraw. De même, la souris des premiers Macintosh est la même que celle des Lisa ou des Apple II. Enfin, le Lisa a longtemps porté le Mac sur un point : pendant un temps, le seul moyen de développer des applications pour le Macintosh passait par un Lisa.

Un Macintosh XL, soit un Lisa 2 renommé. (Gerhard »GeWalt« Walter)

Et si vous voulez en savoir plus sur le Lisa, nous avons publié une série d'articles sur les débuts des interfaces graphiques d'Apple, avec un article dédié au Lisa.

Xerox, le vrai père du Macintosh ? La naissance du Lisa (2/3)

Xerox, le vrai père du Macintosh ? La naissance du Lisa (2/3)


  1. Assez bizarrement, la version originale a des pixels rectangulaires.  ↩︎

Tags
#Lisa
avatar stefhan | 

Mais qu'est-ce que j'adore les articles rétro qui permettent aussi de comprendre / confirmer les choix d'aujourd'hui !

(Merci @PierreDandumont !)

avatar IceWizard | 

@stefhan

« Mais qu'est-ce que j'adore les articles rétro qui permettent aussi de comprendre / confirmer les choix d'aujourd'hui ! »

Si tu veux du rétro, sache que l’OS du Lisa et du premier Mac ont été écrits en Pascal et non en C. Dommage que l’article n’en fasse pas mention. A une époque le Pascal fut un véritable concurrent du C.

avatar sergiobzh | 

J'ai fait mon stage de fin d'étude en 1986 sur un Lisa . A Sophia antipolis nos profs (qui venaient à peu près tous de l'INRA) nous disaient que l'IA allait tout balayer sur son passage avec les langages Lisp, Prolog, etc. Finalement ils vont certainement avoir raison presque 40 ans après.

avatar DahuLArthropode | 

@sergiobzh

Euh... l’IA d’aujourd’hui, c’est surtout des réseaux de neurones et des algos qui font mangent des données par wagons. Pas grand-chose à voir avec les moteurs d’inférence ou le lambda calcul, je crois. J’ai adoré Prolog, mais la cinquième génération est enterrée, on dirait.
Ce qui reste, en revanche, c’est l’héritage des langages orientés objets et les architectures logicielles inventées alors: smalltalk a disparu, mais il a des héritiers.

avatar appleadict | 

@sergiobzh

l'INRIA non (manque le I) ?

avatar Change | 

@appleadict

Non non l'INRA la recherche agromatique voyons 🤔

Les pommatiques tout ça tout ça quoi 🥸

avatar Lucas | 

Merci pour le voyage dans le temps Pierre ! 🙏

avatar OuaisVoilaQuoi | 

Mignonne, allons voir si la Pomme
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté...

~ Pierre de Ronsard (1524 - 1585), "Les Odes" (1550) ~

(Hem, un tout petit peu, minusculement, atomiquement modifié au début... 😳 😇 )

avatar Matlouf | 

Celui que j'ai récupéré à mon boulot en 2000 a fait le bonheur d'un collectionneur. Et il fonctionnait encore !

avatar Splinter | 

Et Jobs qui prétendait que le nom du Lisa n’était pas un hommage à sa fille (qu’il refusait de reconnaître à l’époque) 😂

avatar OuaisVoilaQuoi | 

Note néanmoins que "Lisa" est aussi le nom d'une variété de pommes, de même que "Macintosh"...

« Fruit qu'on fit, n'amasse pas pesetas » dit le proverbe Ibère... Ou un truc du genre...

....Ehhhmmm, j'ai comme un doute affreux, tout à coup.... Ne fait-il pas un peu trop chaud ?

avatar Splinter | 

@OuaisVoilaQuoi

Ouais Voilà Quoi 😅

avatar MarcMame | 

120 000 Francs hors options à l’époque si je me souviens bien.
Le prix d’une grosse bagnole.
Ça pique.

avatar guibrush | 

« Le mac l’a tuer » sans doute en mangeant du Omar? :-)

avatar XiliX | 

@guibrush 

:D :D :D

avatar occam | 

🤔  « Assez bizarrement, la version originale a des pixels rectangulaires. »

Bizarrement ? Non. Ça s’explique.
L’idée était d’augmenter ainsi la définition horizontale pour améliorer la lisibilité du texte. Ce qui cadre assez bien avec la mission plus centrée sur les documents initialement assignée à Lisa.
Ça vient, comme tant de choses, de la boîte à idées de Xerox PARC, importée en la personne de Tom Malloy, premier embauché, et auteur du word processing embarqué sur Lisa. (Traitement assez avancé pour l’époque, soit dit en passant, et qui soulève énormément de questions quant au mental des personnes qui, 40 ans plus tard, se payent un Mac pour s’infliger Word.)

Pour plus de détails juteux :
https://www.folklore.org/StoryView.py?project=Macintosh&story=Square_Dots.txt

avatar DahuLArthropode | 

@occam

Personnellement, j’adore Word, une fois qu’on a désactivé toutes les options qui servent aux utilisateurs occasionnels.
Je l’ai enseigné à des ingénieurs et les feuilles de styles comprennent tout ce qu’il faut (héritage, surcharge, partagé entre documents), gestion des hiérarchies et des gros volumes en plusieurs fichiers, index, bibliographie, programmable: je ne vois pas ce qui manque. On peut faire des docs extrêmement faciles a maintenir et à réutiliser dans des contextes différents (avec des feuilles de style différentes).
Pour avoir aussi utilisé FrameMaker et diverses solutions Interleaf, ainsi que LibreOffice, je trouve que c’est vraiment excellent. Très mal maîtrisé par ses utilisateurs, du fait qu’il s’adresse à des profils très hétérogènes. Il est vrai que c’est un cauchemar de récupérer des documents mal conçus par d’autres, car il n’est pas assez contraignant.

avatar occam | 

@DahuLArthropode

Merci.
Je n’ai pas l’intention de (re-)lancer un flame war au sujet de Word. Simplement, un détail historique de l’époque, que la plupart des lecteurs ignorent vraisemblablement, et qui illustre la généalogie des problèmes de Word sur Mac.
À l’époque, on utilisait chez Microsoft un environnement particulier de développement pour des logiciels comme Multiplan ou Word, les prémices d’Office : un compilateur C sur un système DEC VAX, ainsi qu’un interpréteur de P-code. L’idée étant que le P-Code ne serait écrit qu’une fois, et des interpréteurs adaptés à chaque plateforme qui l’exécuterait. (Je portais brièvement du P-Code en UCSD-Pascal à partir d’un système SAGE, qui simulait un Apple II sur MC68000, vers Lisa, et je partageais l’approche, mais n’étais absolument pas convaincu par sa réalisation. Elle n’a pas duré, mais causé pas mal de déboires.) Bref, ce qui venait de Microsoft dérogeait largement aux principes de Inside Macintosh, en gros comme en détail, et demandait un traitement particulier dans le Mac OS des premières années, notamment au niveau du Memory Manager.

Le hic, c’est qu’il fallait un régime d’exception pour exécuter un programme qui, dans sa genèse, n’intégrait l’esprit du Mac à aucun niveau, technique comme conceptuel, et qui s’en est encore éloigné au fil des ans. Vous lui trouvez du mérite « une fois qu’on a désactivé toutes les options qui servent aux utilisateurs occasionnels ». Je considère ce trait comme rédhibitoire. Rédhibitoire en soi, rédhibitoire en ce qu’il représente : une corruption des principes de modularité-subsidiarité qui sont le capital légué par Xerox PARC, et la négation de la simplicité d’exécution telle que définie par Jeff Raskin, qui a fait aimer et sauver l’idée du Mac alors même qu’il était à la ramasse.

avatar pat3 | 

@occam

"Traitement assez avancé pour l’époque, soit dit en passant, et qui soulève énormément de questions quant au mental des personnes qui, 40 ans plus tard, se payent un Mac pour s’infliger Word"

😅 j’ai bien ri.

avatar noooty | 

"Le Mac l'a tuer"
Ça me fait un peu penser à une affaire un peu connue
😂

avatar dgianni | 

Le double lecteur de disquettes… tout une époque 🥹

avatar ptous | 

Ne serait-ce pas plutôt: "Le Mac l'a tué" 😂😜🤪

C'est vrai qu'aujourd'hui l'orto'graf... on s'en fout.

avatar Bicus | 
avatar Polyme | 

@ptous

Juste pour être sûr, il s’agit d’une référence à un fait divers, meurtre d’une vieille dame, et sur le mur était inscrit « Omar m’a tuer », désignant le jardinier prénommé Omar. Il est peu probable que la vieille dame ait fait cette fôte car à son époque on apprenait à écrire et à bien écrire, même en arrêtant l’école à 15 ans. Le mystère reste entier.

avatar IceWizard | 

@ptous

« Ne serait-ce pas plutôt: "Le Mac l'a tué" »

Non, c’est une référence à une célèbre affaire de meurtre, où il était écrit en lettre de sang sur une porte « Omar m’a tuer ».

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Omar_m%27a_tuer

avatar oscamps | 

encore des articles de ce genre. j’adore !

avatar Albator1138 | 

@ Pierre Dandumont

"En réalité, Lisa OS est plus centré sur les documents que sur les applications"

Pouvez-vous en dire plus ?

avatar melaure | 

Bon anniversaire Lisa !!! Et merci Pierre pour cet article.

Une machine que je n’au pas dans ma collection et ce serait un peu volumineux. Maisj’ai le Wlac 128 et de l’Apple II ;)

avatar puvilland | 

Comment, 40 ans et il trouve plus le disque dur !

https://share.icloud.com/photos/038XEMK3w-S0Czd9Gj8ozygdQ

Dur, dur. 😀

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