Les membres de la CIPA avaient entamé les années 2010 sur les chapeaux de roue, en vendant 121,5 millions d’appareils photo. Ils abordent les années 2020 dans un dérapage incontrôlé, en annonçant avoir vendu seulement 15,2 millions d’appareils l’an passé. Du record historique au plus bas historique, les ventes1 d’appareils photo ont été divisées par huit en dix ans.
Qu’il est loin, le temps où les principaux fabricants vendaient plus de 120 millions d’appareils chaque année, et se partageaient plus de 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires ! L’an passé, les ventes ont péniblement dépassé les 15 millions d’exemplaires. À l’échelle de la décennie, le marché a été divisé par trois, et ne dépasse plus les cinq milliards d’euros.
La principale cause est toute trouvée : les compacts ont quasiment disparu. Leurs ventes ont été divisées par deux entre 2011 et 2013, par trois entre 2013 et 2016, et une nouvelle fois par deux entre 2016 et 2019. Alors qu’ils ont représenté jusqu’à 95 % des ventes d’appareils photo, ils représentent moins de la moitié des achats désormais.
Même si elles sont passées sous la barre des 10 millions d’exemplaires, les ventes des appareils à objectifs interchangeables n’ont pas connu la même chute vertigineuse. Les ventes de boitier reflex ont été divisées par quatre en cinq ans, mais les ventes de boitiers mirrorless se maintiennent autour des 4 millions d’unités. À ce rythme, dès cette année, les ventes de boitier mirrorless pourraient dépasser celle des reflex.
Un symbole qui résume bien l’évolution du marché. Si les ventes ne cessent de baisser, le prix moyen ne cesse d’augmenter. De la même manière que la courbe des ventes de smartphones sont le parfait miroir de celle des ventes de compacts, la courbe des ventes est le parfait miroir de celle du prix moyen. Les fabricants vendent moins, mais vendent plus cher.
Alors qu’il était tombé à 75 € en 2011, le prix moyen d’un compact est remonté à 162 €. Le succès des « compacts experts », comme le Sony RX100 ou le Canon Powershot G7 X, ne se dément pas. Le prix moyen des appareils à objectif interchangeables a augmenté de 40 % en dix ans, pour atteindre 450 € en 2019.
Canon et Nikon ont enfin répondu à la gamme Sony Alpha, et proposent leurs propres boitiers mirrorless professionnels. Même les boitiers moyen format perdent leur miroir avec la gamme Fujilm GFX. Preuve de la vitalité de ce segment, les ventes d’objectifs restent largement supérieures aux ventes de boitiers, et se maintiennent à 14,5 millions d’unités.
La CIPA ne fait aucun mystère : elle ne s’attend pas à un retournement de situation, et prédit que les ventes d’appareils ne dépasseront pas 12 millions d’exemplaires en 2020, deux fois moins qu’en 2017. L’association de fabricants veut toutefois croire que « précisément parce que nous vivons à une époque où tout le monde peut prendre des photos avec son smartphone, il n’est pas déraisonnable d’envisager une augmentation du nombre de gens qui voudraient acheter un appareil […] pour prendre des photos qu’ils n’auraient jamais pu prendre avec un smartphone. »
Ce serait ignorer l’incroyable amélioration de la qualité des photos issues des smartphones, dont les capteurs sont souvent fabriqués par… des membres de la CIPA ! Non content d’être l’un des acteurs les plus dynamiques du marché des appareils photo, Sony est l’un des principaux fournisseurs de capteurs et de processeurs de traitement pour le marché des smartphones. Les fabricants qui souffrent le plus sont aussi ceux qui maitrisent le moins de technologies.
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Les livraisons, techniquement, mais les chiffres de production et le taux de rotation des stocks des principaux distributeurs permet de confondre les deux chiffres sans danger. ↩