Uber dépensait sans compter pour avoir 75 000 taxis autonomes en 2019

Nicolas Furno |

On en sait un petit peu plus sur le programme de conduite autonome d’Uber qui a été brutalement interrompu par un accident fatal survenu l’an dernier. L’entreprise de VTC reste plutôt discrète sur le sujet depuis cet incident et même si les essais ont repris quelques mois après, c’était en mode manuel exclusivement. Il faut dire qu’Uber a joué avec le feu en faisant rouler des véhicules techniquement pas à la hauteur et en embauchant des conducteurs mal formés pour les contrôler.

La voiture autonome Uber impliquée dans l’accident, pendant l’inspection des autorités.

Uber préférerait rester discret sur le sujet, d’autant que la firme doit entrer en bourse dans les prochains mois. Mais un document écrit dans le cadre de son procès avec Waymo — l’initiative de Google sur la conduite autonome — a été rendu public par la justice américaine. Il décrit la naissance du projet « Rubicon » au sein d’Uber : en 2016, l’entreprise spécialisée dans les VTC se lance dans la conduite autonome.

Travis Kalanick, créateur et CEO d’Uber, juge alors que la conduite autonome est « existentielle » pour le futur de l’entreprise. À cette époque, d’autres acteurs sont déjà bien avancés dans le domaine, notamment Google qui a lancé son programme de recherche en 2009 et Uber veut rattraper son retard. À cette fin, le projet devient une priorité absolue et la firme dépense sans compter.

Le document dévoile qu’Uber était prêt à payer plus de 20 millions de dollars par mois. La firme a aussi payé 200 millions de dollars pour acheter Otto, une start-up constituée d’anciens de Waymo qui travaillait aussi sur le sujet. Uber espérait rattraper ainsi son retard, mais le document publié aujourd’hui prouve que cela n’a pas été le cas. Au contraire même, l’acquisition a ralenti les avancées du projet, notamment parce qu’il a fallu gérer les nouveaux employés et cela s’est manifestement mal passé.

Malgré cela, Uber lance son programme de conduite autonome sur les routes dès le mois de mai 2016. Le document publié aujourd’hui révèle que les ambitions de l’entreprise étaient énormes, pour ne pas dire folles. En janvier 2016, la firme estimait que l’initiative serait rentable dès 2018. En mai, un rapport interne imaginait qu’Uber ferait rouler 13 000 voitures autonomes sans chauffeur en 2019. Quatre mois plus tard, un autre rapport donnait une estimation de 75 000 véhicules sur les routes et autre document évoque un service opérationnel dans 13 villes en 2022.

La cabine d’un prototype de conduite autonome Uber.

Des témoignages des dirigeants de l’époque montrent que ces estimations étaient purement spéculatives. L’accident mortel de l’an dernier a prouvé à quel point elles étaient éloignées de la réalité. Malgré tous ses efforts et tous les moyens mis en place, Uber n’a pas de programme de conduite autonome fiable et les taxis sans chauffeur ne sont pas prêts de rouler.

Au dernier trimestre de 2018, Uber a signalé des pertes à hauteur de 865 millions de dollars. En dix ans d’existence, l’entreprise californienne n’a jamais été rentable.

avatar fornorst | 

C’est difficile à comprendre mais c’est le mode de fonctionnement de beaucoup de startup en hyper croissance : cramer beaucoup de capitaux sur des projets risqués (ie : des chances de fonctionner mesurées). La complexité ici, c’est que ce projet était risqué pour les capitaux certes mais surtout et essentiellement pour des humains !

avatar Picaweb | 

On vit dans une drôle d’économie quand même... 10 ans sans être rentable, et avec de sacrés pertes... et des investisseurs qui continuent de miser dessus (de manière purement spéculative ?)

avatar Paquito06 | 

@PicaWeb

C’est le propre du private equity (qui prend le dessus petit a petit sur le public equity) et des ventures capital de parier/speculer sur l’avenir par le financement de startups.
Uber a dix ans, genere un CA de $12Mrds, emploie 10,000 personnes sur site (corporate) aux US, et reduit sa dette petit a petit, avant meme d’etre entré en bourse, donc ca peut rapporter gros. Ils se sont vautré avec les voitures autonomes (alors que Lyft s’en sort tres bien, y a des BMW sans chauffeur a Vegas qui circulent depuis un an sans souci) et ont perdu plus d’$1Mrd avec, ils gagnent pas grand chose avec Uber Eats et avec Uber Freight ils galerent un peu, mais avec un peu de temps ca va rentrer dans l’ordre ?

avatar marc_os | 

« dix ans sans être rentable ».
Je suis également choqué par cela.
C'est le pire du pire du capitalisme.
D'habitude, les entreprises qui se font concurrence jouent à baisser les prix, jusqu'à ce qu'un concurrent ne puisse plus suivre et fasse faillite ou se voit racheter par le plus gros qui a pu tenir des prix bas, voir vendre à perte suffisamment longtemps. C'est la guerre économique, vendue sous le nom de concurrence qui serait bonne car elle ferait "baiser les prix". Sauf que quand suite à cette guerre la concurrence a été laminée ou réduite à presque rien, les gagnants peuvent remonter les prix. Ah ah c'te bone blague ! (Même l'abo Netflix va augmenter. Hasard ? Non, c'est un bon calcul capitaliste : Quand la clientèle es suffisamment "captive", c'est le moment de remonter les prix. En plus Netflix joue la prudence, on relevant ses prix à tâtons...
Là, ça se passe au niveau de l'économie entière. Une entreprise internationnale est maintenue artificiellement en vie pendant dix ans, le temps de détruire tout ce qui lui fait concurrence, les taxis et VTC classiques, en pratiquant un énorme nivellement tarifaire par le bas, et en supprimant toute sécurité du travail pour ses esclaves "volontaires" (c'était souvent être chauffeur Über ou le chômage.) Mais par chance Über a les yeux un peu plus gros que le ventre, et ça coince. De plus ils ont montré leur vrai visage : A terme, bénéfices über alles (même s'ils se font attendre), avec remplacement de ces être humains râleurs par des machines (les voitures autonomes). Tiens, ça me rappelle curieusement certaines pratiques industrielles....
Et pendant ce temps là, le deux poids, deux mesures règne, les banques n'ayant aucune compassion avec les PME en difficulté.

avatar guigus31 | 
avatar Abudah (non vérifié) | 

@nicolasfurno ??❓

avatar Sindanarie | 

Bien amoché le xc90 ?
Le système Volvo de protection piétons avait été désactivé par uber, où les modèles américains en sont dépourvus ?
Si c’est pas le cas, ça serait quand même con de faire fonctionner deux systèmes en même temps sans qu’ils interagissent et qui risquent de se contredire. J’ai l’impression que ce type de bricolage sur ce type de véhicule risque surtout de le rendre encore plus dangereux.
Existait il une collaboration entre le constructeur et uber ?

avatar pagaupa | 

Des Volvo pas à la hauteur! Comme on y va...
Disons que c’est la recherche uber qui n’est pas au point, non?

avatar dgaultie | 

Ils vont se planter, la techno n’est pas prête et ne le sera pas en 2019

avatar Paquito06 | 

@dgaultie

Elle existe deja pour d’autres constructeurs, et est deja en service.

avatar Al_Copett | 

Pas rentable pendant 10 ans, mais bon en communication. On voit bien qu'il y a une bulle technologique, les investisseurs injectent de l'argent dans des startups en se disant que le jour où se sera rentable, ce sera un déluge de Dollars ou d'Euros. C'est de la spéculation pure et dure sur le futur.
Tout le monde applaudit ces recherches sur les véhicules autonomes, c'est très tendance, la Solution aux problèmes de mobilité et blablabla.
Mais le capitalisme sauvage est passé par là, car Uber n'est pas un bienfaiteur de l'humanité, mais juste des businessmen qui veulent que cela rapport un max.

avatar Nixam | 

@Al_Copett

Je suis tout à fait d’accord avec vous, je nuancerai en disant merci à Uber pour cette idée très disruptive et intelligente du déplacement personnel, ça a fait bouger les choses et ce n’est pas un mal !
Maintenant, les actionnaires savent que même s’il y a des pertes, ils ne cessent de croître et de gagner du terrain, la question n’est plus de savoir si les dolls vont tomber mais quand

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