Apple sur la voie de l'autonomie

Florian Innocente |
Rachats, embauches, réorganisation… Apple prépare la voie aux évolutions de ses produits mobiles. S'il est risqué de trop s'avancer sur ces projets il semble qu'un mot clef se dégage de toutes ces manoeuvres : autonomie.

Celle qui lui donnera les coudées franches pour imposer sa propre cadence de développement de ses prochains appareils. Et l'autonomie au sens technique du terme, alors que ces mêmes produits deviennent de véritables petits ordinateurs de poche et qu'il s'agit d'optimiser leur fonctionnement.

Au printemps dernier Apple rachetait PA Semi, un concepteur de processeurs. Basés sur le PowerPC. Ils étaient réputés pour concilier deux qualités : performances et faible consommation électrique. Peu après Steve Jobs précisait que ces nouvelles ressources seraient utilisées au développement des futurs iPhone et iPod.

Apple et PA Semi avaient été en discussion par le passé, mais le choix d'Intel avait stoppé ces échanges. Toutefois, il y avait chez PA Semi une personne qui avait quelques idées sur l'avenir des produits mobiles.

Développer mieux pour dépenser moins
Dan Dobberpuhl, son fondateur, déclarait en 2003 dans une interview "Je pense qu'à l'avenir nous serons en mesure de prendre une architecture PC standard et de la rendre aussi économe en énergie que les puces basse consommation actuelles - jusqu'à un point où nous aurons des appareils de poche qui peuvent faire fonctionner Windows XP complètement, et où l'on ne sera pas obligé d'avoir un système d'exploitation différent selon qu'on est sur son ordinateur, sur son PDA ou sur son téléphone mobile. Dès lors, tous ces appareils pourront communiquer et faire fonctionner des applications. Je ne me vois pas aujourd'hui lancer une application sur mon mobile. Mais je pense que dans le futur on pourra le faire."

Remplacez Windows XP par iPhone OS, téléphone mobile par iPhone et le tableau est posé. Il imaginait d'ailleurs, à l'horizon 2008, une convergence inévitable entre la voix, les données et la vidéo sur ces téléphones…

Plus tôt dans ce même entretien Dobberpuhl insistait sur un nécessaire changement dans la façon dont on écrit les applications "Je crois qu'il est temps de réfléchir à des outils qui permettent aux développeurs de logiciels d'analyser et d'optimiser leur code afin de réduire la consommation électrique. Jusqu'à présent l'essentiel de ce travail de chasse aux gaspillages a été fait par les ingénieurs spécialisés sur le matériel"

On ne sait si Dan Dobberpuhl est resté chez Apple après le rachat de sa société, mais l'homme avait quelques galons. Il a participé à la création de la grosse puce Alpha de DEC et celle du StrongARM. Un processeur RISC, basse consommation, fruit d'une collaboration entre DEC et ARM.

DEC passa sous pavillon Intel et le StrongARM fut plus tard abandonné. ARM, entreprise anglaise, existe toujours. Apple en fut l'un des cofondateurs en 1990. Elle utilisa ce processeur pour son Newton puis vendit toutes ses participations dans ARM au fil des années. Mais c'est un processeur ARM - fabriqué par Samsung - qui motorise l'iPhone. ARM conçoit des puces dont elle vend ensuite la licence à des tiers qui se chargent de les adapter à leurs besoins.

Cette semaine, Apple a réorganisé sa branche de produits mobiles. La division iPod a disparu et un nouvel homme fort est arrivé, Mark Papermaster, avec le titre de "senior vice president of Devices Hardware Engineering". Là encore, c'est un spécialiste en processeurs - PowerPC cette fois - et vétéran d'IBM.

Le challenge de l'iPhone
Pour l'utilisateur final, le choix d'une technologie PowerPC ou ARM importe peu (une information anecdotique a récemment laissé penser qu'ARM tenait la corde). Ce sont les bénéfices à en retirer qui comptent.

La question de l'autonomie est devenue cruciale, sur les ordinateurs portables, mais également sur les smartphones. Et pas encore pour des considérations écologiques. Pour le premier iPhone, Apple avait justifié l'absence de la 3G en évoquant sa gourmandise. L'iPhone 3G est finalement arrivé et on a pu en mesurer l'impact. Un iPhone bien sollicité aura besoin de sa prise électrique au bout d'une journée.

Apple, plus que n'importe quel autre fabricant de téléphones, doit absolument s'attaquer à cette question, et à coup de burin. Car contrairement à un Nokia par exemple qui vend encore des containers entiers de téléphones relativement classiques et donc peu gourmands, Apple ne propose qu'un seul produit qui est un véritable petit ordinateur de poche.

L'arrivée d'applications et de jeux a encore élargi le domaine des possibles avec un iPhone (et sur un iPod touch, dans une moindre mesure). iPhone OS pourra bien être le meilleur système mobile au monde ça ne pèsera pas lourd s'il faut constamment recharger son appareil (puisqu'on ne peut pas changer de batterie…).

Apple choisit sa route
Récemment encore on a pu vérifier que cette question de la consommation électrique était un sujet sensible. Intel a dû en rabattre en admettant que son petit processeur Atom n'était pas encore au top sur ce point (voir l'article Intel corrige ses propos sur ARM et l'iPhone).

Un Atom que le fondeur aurait aimé voir monter dans l'iPhone, mais qu'Apple a boudé. Il faut croire que le planning d'évolution de cette puce n'était pas à son goût. Et les changements de fournisseurs intervenus sur les MacBook avec NVIDIA aux dépens d'Intel ont prouvé qu'Apple savait fermer la porte à son puissant partenaire lorsque leurs intérêts divergeaient.

En se dotant de compétences pour mettre au point ses propres puces (les sociétés capables de les fabriquer ne manquent pas) Apple se donne les moyens de faire du sur mesure et de définir son propre calendrier.

Dans les deux cas, si la machine ne se grippe pas, ses produits pourront faire valoir un avantage sur la concurrence. Chose qu'Apple aime beaucoup. On l'a vu avec les MacBook où leur procédé de fabrication original a été élevé au rang de nouvelle fonctionnalité.

Autant sur le marché des processeurs pour ordinateurs, Intel a pris un ascendant tel qu'il devient difficile de l'éviter, autant dans l'univers des mobiles, les cartes ne sont pas encore définitivement distribuées. Surtout qu'Apple a laissé entendre que si le marché des ordinateurs ultralégers venait à prendre une tournure qui lui devenait favorable, elle aurait des choses à proposer. Sans qu'on sache s'il s'agirait d'un mini MacBook ou d'un super iPod touch…
avatar Born | 
Encore un très bon article, bravo. Si on met bout à bout toutes ces infos et l'augmentation de la R&d, on peut, encore, s'attendre à des surprises...
avatar Xel-8 | 
Je pense qu'Apple va encore faire de grand effort et pourra proposer une solution logiciel (et peut etre matériel) au problème que soulève les batteries et leurs autonomies même si personnellement étant possesseur d'un MacBook Pro la batterie à dû mal à se décharger ;)
avatar YARK | 
Bien ton article Florian. Mais j'ai toujours pas compris pourquoi un jour on délaisse les PowerPC et un autre on les fait revenir... D'autant qu'entre-temps et si je me rappelle bien, Crosoft s'en sert pour ses XBox. Pour la consommation, j'ai bien une idée : un iPod ou phone à manivelles et dynamo ;-))
avatar macbob (non vérifié) | 
Ca repart et ça revient… Apple peut développer pour PPC ou Intel…tant que ça lui convient pour ces produits…
avatar nicolas | 
Pour les ordi, maintenant que le pas est franchi chez Intel, je vois mal comment ils pourraient faire machine arrière :/ les universal binaries sont bien jolies, mais on commence à voir arriver des soft Intel Only (ex: Lotus Symphony) donc si Apple veut garder ses développeurs tiers, elle a pas grand intérêt à changer! pour le mobile, c'est différent, l'ARM a aujourd'hui une sacrée place de choix qd mm, on le retrouve partout (Palm, Nintendo DS, iPhone etc) ça peut être très intéressant pour Apple, qui developpera Soft et Hard en mm tps, comme elle aime le faire. @Yark. Pour la Xbox 1, c'était un dérivé de Pentium3, pour la Xbox360, c'est en effet un PowerPC.
avatar Arnaud de la Grandière | 
côté développeurs, la question du processeur n'a d'importance que si on code en assembleur. Objective C est agnostique en la matière.
avatar lemail2mi | 
L'environnement logiciel de l'iphone est neuf, propre et maitrisé. Il n'y a pas de logiciel ancien (office, fotopop...) qui traine du code depuis de années. Tous sont faits exclusivement avec le SDK officiel. Si apple change le processeur des iphone, apple proposera un nouvel SDK adéquat et tous les logiciels refonctionneront en appuyant sur un bouton que le nouveau processeur soit un ARM, un PPC ou un PowerARM.
avatar Marteaub | 
Je n'y connais strictement rien : je n'ai même pas (pour l'instant...) de MAC, mais le retour au PowerPC (ou équivalent) pourrait-il être une solution pour Apple d'éviter les hackintosh ? Si quelqu'un pouvait éclairer un sympathisant...
avatar sekhmet | 
Je me dois de félicité MacGé pour l'évolution de sa ligne éditoriale. Je trouve qu'on a de plus en plus de bons articles sur des sujets variés. Globalement j'ai l'impression qu'on a glissé d'un site de nouvelle à un journal. Alors je vous dit bravo et continuez !
avatar sekhmet | 
Marteaub : en fait Next et son bébé MacOS X ont toujours été multi-plateforme, Apple a fait tourner toutes les versions sur PPC et sur Intel. Pour la version osX standard, il semble qu'on se tourne vers du Intel seulement avec pour objectif une optimisation importante du code. Pour la version Iphone par contre ça m'étonnerai beaucoup qu'ils ne poursuivent pas en multi-plateforme. Parce que le PPC est très utilisé dans de nombreux domaines ou on demande un bon rapport consommation electrique/ puissance, comme dans les routeurs internet, les consoles de jeux, les téléphones etc... Je ne pense pas que ca ai un rapport avec les hackintosh du tout, on ne retrouvera sans doute jamais du PPC dans nos mac (quoique ne parions pas trop non plus)
avatar Un Vrai Type | 
@ YARK : A mon avis, les divergences (ENORMES) entre les futurs Mototrola (rapidio...) et les IBM aurait obligé Apple a avoir 2 mises au point de carte mère avec des technologies différente (Ram...) Si vous aviez regardé la roadmap de Motorola, vous auriez découvert que le remplaçant du G4 (32 bit toujours) aurait géré une mémoire récente nativement contrairement au plus gros des G5. Comment maintenir une gamme cohérente dans ces conditions ? Et Motorola vendait plus de processeur à CISCO qu'à Apple, ce sont donc des choix sur la puissance de calcul (d'où Altivec), la consommation et les technologies embarquées qui ont changé le G4. A mon avis, le PowerPC devrait revenir au G3 (en 64 bit) et multiplier les coeurs à souhait. La simplicité (et donc sans altivec) est une force aujourd'hui...
avatar nerval2005 | 
Un grand bravo à l'auteur de cet article extrêmement intéressant.
avatar Wallon_pas_con | 
Florian Président !
avatar weiki | 
L'AUTONOMIE VAINCRA !!! (et, Florian t'es l' meilleur ! :-)
avatar supermoquette | 
Le firewire vaincra !

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