Et si… Steve Jobs n'avait pas quitté Apple

Florian Innocente |
Est-ce que l'Apple d'aujourd'hui - dont la capitalisation boursière a récemment plastronné juste derrière celle d'Exxon - serait la même si son co-fondateur ne l'avait pas quitté en 1985 ? À cette époque, Jobs s'était vu retirer toute responsabilité opérationnelle, la conduite d'Apple ne relevant plus que de la seule politique de John Sculley.

À cette question du "Et si…", posée par le New York Times, il est impossible d'apporter une réponse. Mais si l'on apprend de ses erreurs, alors la parenthèse NeXT aura été probablement salutaire pour préparer Steve Jobs à sa deuxième vie chez Apple.

C'est en tout cas la thèse de l'auteur de l'article - Randall Stross - qui consacra un ouvrage à l'aventure NeXT (mais qui passe sous silence l'expérience Pixar, certainement, elle aussi, riche d'enseignement pour le patron d'Apple).

Chez NeXT, Jobs avait repris le plein contrôle de sa petite entreprise et il couvait comme une mère la conception des futures stations “Durant cette période, écrit Stross, Mr Jobs ne délégua guère. La quasi-totalité de la machine - jusqu'à la finition des vis à l'intérieur - relevait de son domaine. L'aménagement des bureaux de NeXT - une superbe vitrine en matière de design - était également sa préoccupation. Et alors que la stratégie de l'entreprise imposait d'être révisée (les machines, aussi innovantes qu'onéreuses, peinaient à trouver leur clientèle) Mr Jobs s'intéressait à d'autres questions.

Par exemple de faire patienter vingt minutes des clients pros pour expliquer au jardinier où il devait installer les arroseurs de pelouse… Une main-mise sur toute l'activité de la société et le refus de se soumettre aux évidences du marché qui participa probablement au départ - volontaire ou non selon les cas - de sept vice-présidents sur neuf entre 1992 et 1993.

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Stross estime que l'échec de NeXT repose sur le fait que ses produits - bardés d'innovations, “la première station UNIX simple d'emploi” - ne se distinguaient pas suffisamment du Mac qui avait lui-même largement démocratisé l'informatique. Et cette valeur ajoutée de NeXT ne suffisait pas, surtout au prix de vente de ces stations : 6500$ à leur lancement. Trop cher même pour les universités américaines, les premières cibles. Ce qui se traduisit par la vente de seulement 50 000 machines en sept ans, puis une réorientation à 100% vers le logiciel, puis le rachat par Apple.

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Amelio fit revenir Jobs avant de se faire renverser…


Un parcours chez NeXT néanmoins instructif à plusieurs niveaux “Mr Jobs devait renoncer à l'idée que l'informatique de demain devrait ressembler à celle d'hier. Ces dernières années, avec l'iPod, l'iPhone et l'iPad il a travaillé sur une informatique éloignée des formats traditionnels. Il n'a pas inventé le baladeur multimédia, ni le smartphone ni la tablette, mais il a compris que personne d'autre n'avait réussi à y faire un équivalent au Mac. Ces opportunités étaient mûres pour qu'il ait tout loisir d'exercer ses talents.

Autre chose apprise, celle de savoir s'entourer sur la durée “Il a toujours su attirer des gens très talentueux. En revanche, ce qu'il n'avait pas appris avant son retour chez Apple c'était la nécessité de les faire rester. Ce qu'il a su faire depuis. Un des aspects les moins mis avant de l'histoire récente d'Apple est la stabilité de son équipe dirigeante.

Il est resté le même Steve dans sa passion pour l'excellence observe un ancien de NeXT mais c'est un nouveau Steve lorsqu'il s'agit de donner les moyens à une grande société de donner corps à sa vision”.

Sans ces 12 années d'exil, décourageantes et douloureuses, et s'il était resté aux commandes d'Apple, la transformation que l'on a vu se produire au sein de cette société n'aurait peut-être jamais eu lieu estime Stross. Une hypothèse sur laquelle on peut épiloguer sans fin…
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avatar Bigdidou | 
Et si les dinosaures n'avaient pas disparu ? On n'aurait peut-être pas eu de SJ du tout... Et zut, j'étais pépère, et voilà que MacGé me flanque une méga-angoisse existentielle. Pas sympa...
avatar Hasgarn | 
Un point de vue intéressant, et je peste car c'est trop peu développé tout ça. Il est évident qu'on apprend tous de nos erreurs (sauf certains), et Jobs a su le faire, à l'évidence. Il n'a pas été foutu à la porte d'Apple sans raison valable, Next ne s'est pas planté sans raison non plus et Pixar n'a pas émergé et réussi sans raison, une fois encore. Un vrai dossier là dessus, ce serait vraiment bien. Les 12 d'absence de iPapy à la tête d'Apple et ce qui s'y est passé ne sont pas sans incidence sur ce qui se passe maintenant. Franchement, j'aimerais lire un article comme ça, par contre, il y a clairement un gros taf derrière.
avatar melaure | 
Exactement si Jobs était resté, Apple aurait fini comme Next. Il lui fallait un passage en dehors pour lui donner le sens du commerce. En 85 il s'en moquait un peu de vendre, alors que c'est essentiel. Apple a justement eu cette chance que son créateur se soit ouvert les yeux grâce à sa disgrâce. D'autres boites ont coulées avec leur créateur ...
avatar oomu | 
c'est surtout que NeXT croyait que le milieu du monde académique était un marché viable et avec de l'argent (il est ni l'un ni l'autre). Les stations NeXT (et nextstep) étaient vendus comme de superbes (c'était le cas) outil pour les scientifiques.
avatar Silverscreen | 
Je reste persuadé que loin du stéréotype du PDG autocratique, orgueilleux et qui refuse d'avoir tort, on a aussi un homme capable de faire preuve d'humilité et qui apprend de ses erreurs. En outre, dans sa vie privée, Jobs est quelqu'un de très fidèle. Malgré toutes les sorties de Wozniak sur les produits Apple, qu'il critique parfois vertement, ou malgré des déclarations aux journalistes sur les défauts d'Apple, Woz continue a déjeuner régulièrement avec Jobs et a être invité aux conférences de presse. Ça fait aussi 19 ans que Steve Jobs est marié à la mère de ses 3 enfants… Bref, c'est sûrement quelqu'un de bien plus complexe que ce à quoi essaient de le réduire les anectodes de seconde main et les articles parfois approximatifs qui ont forgé sa "légende".
avatar wooper69 | 
Tout se tient. Comme le logo de la pomme que l'on vois croquée et non ! c'est elle qui croque NeXT
avatar albert13 | 
On parle ici que de Next mais si ma mémoire est bonne et mes infos de l'époque aussi, il me semble qu'avant le retour du fils prodigue, il a été question à un certain moment de ne pas s'orienter vers next pour l'après système 7,8 ou 9 je sais plus... mais plutôt vers Be OS avec mister Gassée pas loin... il me semble bien que les négos étaient bien avancées et que c'est parti en live je ne sais plus pourquoi... donc on peut dire aussi et si ils avaient pris BeOS, est-ce que Stevy serait venu ? etc etc..
avatar Claude Pelletier | 
Intéressant point de vue. C'est une idée que j'ai souvent avancée ou défendue ici et ailleurs. Mais il est vrai que n'y connais pas grand chose. Je crois aussi que ce dirigeant est particulièrement bien entouré. Une grosse entreprise ce n'est pas une PME ……… Il y aurait aussi une instruction à charge à faire sur d'autres volets mais ce n'est pas la peine de se presser.
avatar Pascal 77 | 
[quote=bigdidou]Et si les dinosaures n'avaient pas disparu ? On n'aurait peut-être pas eu de SJ du tout... Et zut, j'étais pépère, et voilà que MacGé me flanque une méga-angoisse existentielle. Pas sympa...[/quote] Mais non, ne t'angoisse pas, si les dinosaures n'avaient pas disparu, je suis certain que ça n'aurait rien changé, notre Steve n'aurait même pas eu les dents plus longues, il aurait juste eu une longue queue en plus, pas de quoi en faire un drame ! :D ;)
avatar Emile Courrier | 
La raison pour laquelle les négociations avec Be ont tourné court, c'est tout simplement qu'à l'époque, le CEO , Gil Amélio s'est rendu compte que que le projet "Copland", qui était celui du futur du mac en interne, était une impasse et qu'il fallait se tourner vers une solution extérieure ; à l'époque, il y avait deux possibilités : Next, avec un OS sur base Unix et Be, avec un OS sur base ... de Be. Les pontes de chez Apple ont estimé qu'il serait plus facile de partir d'une base Unix, qui non seulement avait déjà fait ses preuves, mais disposait d'un environnement ( bibliothèque logicielle, développement, …) solidement établi, ce qui était loin d'être le cas de BeOS , en dépit de toutes ses qualités... la suite a prouvé que leur choix était le bon... Comme quoi, avant même le retour de Steve, Amelio n'était pas trop mauvais...
avatar PA5CAL | 
@bigdidou : les dinosaures n'ont pas disparu. Du point de vue cladistique, les oiseaux actuels en sont. Et pourtant on a quand même eu SJ. ;-)
avatar lukasmars | 
De l'esperience Next, on oublie aussi les financiers qui ont investit, en toute perte , des centaines de millions de dollars ( Le milliardaire Roos perot, Canon, IBM .. ) " En 1987, l’usine de production de NeXT, située à Fremont, était en mesure de fabriquer 150 000 machines par an. Canon décide d’investir 100 millions de dollars dans l’entreprise, puis IBM accepte finalement, en 1989, de verser 65 millions de dollars pour obtenir la licence de NeXTstep. Cette rentrée d’argent permet à la société de se maintenir à flot, mais des dissensions apparaissent dans l’équipe et une partie des cadres quitte NeXT au moment où les premiers modèles du NeXT Cube sont commercialisés. Mais les ventes restent confidentielles. Canon, inquiet de son investissement, injecte alors 30 millions de dollars de plus dans l’entreprise. Le NeXT de Tim Berners-Lee au CERN (1991) En juin 1991, Ross Perot n’a plus confiance dans la société et démissionne du conseil d’administration. En 1992, Rich Page quitte NeXT. Canon doit encore subventionner l’entreprise, apportant 55 millions de dollars supplémentaires. Mais Jobs persévère. Au total, 50 000 machines NeXT seront vendues" http://fr.wikipedia.org/wiki/NeXT Il est fort Jobs, il reussi avec l'argent des autres :-)
avatar HAL-9000 | 
En parlant de [url=http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/paleontologie/d/les-dinosaures-etaient-plus-grands-que-prevu_25402/]Steve Jobs[/url]
avatar PO_ | 
[quote=PA5CAL]@bigdidou : les dinosaures n'ont pas disparu. Du point de vue cladistique, les oiseaux actuels en sont. Et pourtant on a quand même eu SJ. ;-)[/quote] C'est pas nouveau que Steve Jobs soit un "drôle d'oiseau" :D
avatar Florian Innocente | 
[b] il me semble qu'avant le retour du fils prodigue, il a été question à un certain moment de ne pas s'orienter vers next pour l'après système 7,8 ou 9 [/b] Amelio et Ellen Hancock, la dir technique d'alors chez Apple, avaient envisagé plein de trucs, tous peut-être pas à fond, mais les pistes avaient été diverses : BeOS, Java, le noyau de NT, etc. C'est un employé de NeXT qui a pris sur lui de contacter Apple et de leur suggérer qu'ils jettent un oeil sur sa boite. NeXT n'avait pas été prévu au départ.
avatar Switcher | 
Aaaah, les [i]"What, If... ?"[/i], graaaande spécialité US... :) Mais toujours bonne à prendre un lundi pluvieux.
avatar iSteph | 
Ben alors, si je comprend bien et si SJ était resté, Apple n'existerait plus mais il aurait créé NeXT (le fruit de son expérience raté chez Apple) et aujourd'hui vous liriez ce message sur NeXTgé ;-)
avatar Par1s1en | 
[b]- dont la capitalisation boursière a récemment plastronné juste derrière celle d'Exxon -[/b] -> C'est une impression où il y a un problème ? PLASTRONNER : [i](transitif)[/i] A. − Plastronner qqn (de qqc.) : Protéger quelqu'un par un plastron B. −Vieilli, ESCR. Plastronner qqn : Toucher au plastron −Au fig, vieilli. Attaquer verbalement, railler [i](intransitif)[/i] A. −Vieilli, ESCR. S'exercer à tirer contre le maître d'armes, qui est protégé par un plastron B. −[iron. ou dépréc.] Bomber le torse afin de se donner une attitude avantageuse. Prendre une attitude avantageuse, un ton avantageux; affecter le courage, l'autorité.
avatar Eurylaime | 
Durant l'abscense de Jobs, Apple a développé des choses extraordinaires mais les mémoires s'effacent avec le temps.
avatar flette | 
SJ aurait planté Apple, c'est certain. Mais Apple sans Jobs a fait une énorme erreur stratégique. Elle aurait dû licencier son OS7 à tous les constructeurs pour pulvériser Windows 3. SJ a su tirer les enseignements de ses échecs. Ce n'est certainement pas un manager de très grande entreprise, mais un visionnaire charismatique. Quant à Amelio, il a sauvé Apple... avec quelques actionnaires qui devaient "pousser" derrière.
avatar Manu | 
En définitive Apple doit son succès d'hier et d'aujourd'hui à toutes les découvertes faites par Jobs & co au PARC. En effet le mac est né de cette découverte. NeXT également avec l'orienté objet (smalltalk qui a inspiré Objective-C). La réponse à la question qui est posée dans cet article, Jobs lui même l'a donnée lors de son intervention devant les étudiants à Stanford en 2009 l'an dernier. Lisez le et vous saurez tout sur lui, Apple d'hier, NeXT et Apple d'aujourd'hui. le lien : http://www.paperblog.fr/2658935/le-discours-de-steve-jobs-devant-les-etudiants-de-stanford-les-entrepreneurs-3/
avatar mistik | 
Si S. Jobs n'avait pas quitté Apple et connu sa traversée du désert en lieu et place de NeXTSTEP de Hullot et Serlet comme base à la création de Mac os X, on aurait eu BeOS de Gassée comme élément fondateur du nouvel operating system de Apple.
avatar Armas | 
Il aurai aussi bien pu se reconvertir dans les aspirateurs après son échec chez apple, dégoutté de l'informatique.
avatar Manu | 
Pardon le discours de Steve jobs c'était en 2005 et non 2009.
avatar mistik | 
Il s'est aussi reconverti dans les films en images de synthèse avec Pixar en faisant fortune.
avatar mistik | 
... c'est un peu mieux que les aspirateurs ou les réfrigérateurs ... non ? ^^
avatar sekhmet | 
Le web a été inventé sur NeXT !
avatar Brewenn | 
Quand on voit aujourd'hui les prétentions de Steve Job et de ses ministres, à vouloir diriger, imposer, contrôler, exiger, éliminer etc.. on en apprécie encore plus les années "monopoles" de Microsoft qui dans quelques années nous paraitront bien libertaires comparées à la prison dorée de l'éco système TOUT APPLE. A moins que ..
avatar Mac Mac | 
Apple est SJ et SJ est Apple. Quand SJ ne sera plus, il emportera Apple avec lui. Personne n'arrivera à faire ce qu'il a fait. Et sa vision est unique à ce jour.
avatar mathiasr | 
En fait Steve a largement apris dès la première année de commercialisation du NeXT Computer avec son lecteur optique comme unique support de masse (disque dur en option). La version suivante, le NeXTcube, était équipée d'un disque dur et il existait une option lecteur de disquette, déjà plus de réalisme et moins de lubies...
avatar 6nema | 
"Et zut, j'étais pépère, et voilà que MacGé me flanque une méga-angoisse existentielle. Pas sympa..." ;-)))
avatar Cramickman | 
Quel épouvantable péquenot quand même, je veux parler de Jobs au fil des années et au niveau vestimentaire... Pour le reste, très bien le gourou...

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