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La génétique des clones

Arnaud de la Grandière

vendredi 27 février 2009 à 10:04 • 124

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Voilà quelques années encore, les initiatives de Psystar et de PearC consistant à vendre des PC équipés de Mac OS X en standard, auraient paru invraisemblables. Il faut dire que le processeur des anciens Macs, le PowerPC, oeuvrait tel un verrou physique, empêchant n'importe qui d'installer le système sur n'importe quelle machine. La seule façon de proposer un "clone" de Macintosh était d'obtenir une licence en bonne et due forme, ce qui a été possible à partir de 1995, Apple ayant initié une campagne de licence du système 7. Le problème c'est que cette politique jusqu'alors inédite a été pour beaucoup dans la chute d'Apple : non seulement les cloneurs proposaient des machines meilleur marché qu'Apple, mais pire encore elles étaient pour certaines plus véloces ! Au lieu d'augmenter la part de marché du Mac, l'initiative n'aura eu pour effet que d'amoindrir celle d'Apple au profit des cloneurs. Apple avait porté atteinte à sa dernière carte : la fidélité de ses clients. Et au lieu de sa marge confortable de 30% sur chaque machine qu'elle vendait, Apple ne bénéficiait plus que du revenu de la licence de Mac OS, autrement moins rentable. Apple a donc décidé de ne pas renouveler les accords de licence pour Mac OS 8, mettant par là-même un terme à l'expérience en 1997.

Mais bien des années après, le passage au processeur Intel a mis fin au confinement du système : le Mac est devenu "un PC comme les autres", du moins sur le plan architectural. Dès lors, on a vu fleurir des versions "génétiquement modifiées" de Mac OS X sur les réseaux d'échange en P2P, permettant l'installation sur n'importe quel PC, ou presque. Mac OS X comporte en effet des verrous qui empêcheront son installation directe sur une machine qui ne sera pas frappée d'une pomme, il faut donc "hacker" le système pour l'installer, d'où le petit nom de "hackintosh" prêté aux vulgaires PC qui parviennent à faire ronronner le félin d'Apple. Cependant, à l'inverse de Windows, Mac OS X n'a jamais eu vocation à fonctionner sur n'importe quelle machine, et le système ne gère pas tous les profils matériels disponibles dans le monde Windows : à moins de se bâtir une machine sur mesure, on risque de ne pas pouvoir utiliser sa webcam ou sa carte wifi, par exemple. Qu'à cela ne tienne, certains constructeurs se sont fait fort de proposer des pilotes pour Mac OS X supportant leur architecture matérielle, comme c'est le cas du netbook MSI Wind. Partant de là, il n'aura pas fallu longtemps pour que des entrepreneurs se sentent la fibre généticienne et proposent des clones non-officiels. Seulement voilà : la licence d'utilisation de Mac OS X ne le permet pas.

Pour bien comprendre le problème, il faut faire un petit point sur la propriété intellectuelle. Pour toutes les œuvres de l'esprit que vous achetez (livres, musique, films, logiciels), vous ne possédez pas l'œuvre, mais juste son support, et vous bénéficiez d'un droit d'utilisation. C'est-à-dire que vous ne pouvez vous comporter comme si vous étiez l'auteur de l'œuvre, qui est son seul véritable propriétaire. Avec les logiciels sont arrivées des licences d'utilisation (ces fameux contrats qu'on ne lit jamais et pour lesquels on clique aveuglément sur le bouton "accepter"). Ces licences d'utilisation sont plus ou moins restrictives selon les cas, vous permettant d'installer le logiciel sur un nombre limité de machines, voire vous interdisant de le revendre, etc. Dans le cas de Mac OS X, la licence stipule entre autres que vous n'avez le droit de l'installer que sur une machine de marque Apple.

C'est là que débute l'imbroglio judiciaire : la licence utilisateur n'engage précisément que l'utilisateur, et non un tiers. Ainsi, les sociétés qui vendent des clones de Mac estiment qu'elles ne sont pas liées par cette licence, et peuvent fort bien vendre leurs "hackintosh" en toute légalité.

C'est le même principe pour la fameuse clé USB EFI-X, qui fait croire au CD d'installation de Mac OS X qu'il fonctionne bel et bien sur un Mac : c'est l'utilisateur qui se met lui-même hors la loi. Mais c'est sans compter sur quelques subtilités légales apportées par des amendements ces derniers temps. Ainsi, le Digital Millenium Copyright Act, la loi américaine régissant le droit d'auteur, précise-t-elle que toute aide ou indication permettant de contourner une protection numérique est illégale. On retrouve la même disposition dans la LCEN française. Cependant, ces dispositions sont limitées, aux USA par le "fair use", et en France par la clause d'interopérabilité : et c'est précisément le cas qui concerne Mac OS X. Selon ces dispositions, à partir du moment où vous avez légalement acheté votre machine d'une part, et le logiciel de l'autre, vous êtes libres de contourner les protections du second pour l'utiliser avec la première, que ça plaise à Apple ou non. Voilà qui limite les responsabilités civiles des utilisateurs, mais il n'en reste pas moins qu'ils violent le contrat de licence dont ils sont signataires, et cette violation en tant que telle les expose à des conséquences judiciaires, en dehors de toute disposition légale sur la propriété intellectuelle. Mais il est difficile d'imaginer qu'Apple s'engage dans des procédures aussi nombreuses qu'impopulaires. Comment donc peut-elle protéger ses intérêts?

La protection du logiciel semble un combat perdu d'avance. Le meilleur verrou pour endiguer le problème, c'est de redonner au Mac une spécificité matérielle, qui soit telle que n'importe quel PC ne soit plus à même de remplacer un Mac au pied levé. Autrefois ce rôle était dévolu au choix du processeur qui était spécifique au Mac, mais il semble impensable qu'Apple fasse machine arrière sur ce point. Cependant, elle a fait l'acquisition de la société PA Semi, une entreprise spécialisée dans la conception de processeurs basés sur l'architecture ARM. Peut-être pourrait-elle en faire usage comme d'un co-processeur spécifique, qui deviendrait indispensable. Il est possible également qu'Apple propose des machines comportant des périphériques innovants, comme le trackpad multitouch de ses portables : aucun hackintosh ne le permet aujourd'hui. Certes, il ne s'agit là que de spéculation, mais pour peu que les clones deviennent un problème sérieux, il est fort probable qu'Apple envisagera de contourner le problème par ce biais. Il n'en reste pas moins que si elle en venait à apporter une telle réponse à cet épineux problème, il lui faudrait continuer à proposer la compatibilité des futures versions de son système avec ses anciennes machines, pour lesquelles les PC pourront toujours se faire passer. Bref, on n'a pas fini d'entendre parler des clones de Mac.

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