John Sculley, l'eau sucrée et Apple

Anthony Nelzin-Santos |
À l'occasion du trentième anniversaire de l'IBM PC, plusieurs vieilles gloires de l'informatique personnelle se sont retrouvées à Boca Raton en Floride comme Ed Iacobucci ( directeur du programme IBM OS/2 et fondateur de Citrix) ou John Sculley. L'ancien PDG de Pepsi a pu revenir sur la fameuse phrase de Steve Jobs qui l'a décidé à devenir PDG d'Apple : « comptez-vous continuer à vendre de l'eau sucrée le reste de votre vie ? »

Steve Jobs & John Sculley

En 1983, Apple se cherche un nouveau PDG. Mike Markkula, qui a participé à la création de la société, occupe le poste depuis deux ans, mais il a promis à sa femme qu'il prendrait sa retraite avant 1984. Le conseil d'administration n'imagine pas une seconde nommer Steve Jobs : âgé de 28 ans, il est considéré trop jeune… et trop peu responsable. De guerre lasse, David Rockefeller, héritier de la famille Rockefeller et actionnaire d'Apple, charge Jerry Roach, chasseur de têtes réputé, de trouver un PDG non seulement à l'extérieur de la société, mais même à l'extérieur du monde de l'informatique.

Son choix se porte sur John Sculley, génie marketing qui a permis à Pepsi de reprendre des parts de marché sur Coca-Cola dans les années 1970 avec la Pepsi Generation et le Pepsi Challenge. Celui-ci, qui ne connaît absolument rien au monde de l'informatique et ne s'y intéresse pas particulièrement se rend à l'appartement new-yorkais de Steve Jobs pour lui apprendre qu'il refuse l'offre. « Steve portait son pull à col roulé, un jean et des baskets. À cette époque, il avait des cheveux noir de jais et des yeux marrons perçants. Il a juste dit : "Comptez-vous continuer à vendre de l'eau sucrée le reste de votre vie, ou voulez-vous changer le monde avec moi ?" ».

John Sculley

En une phrase, Steve Jobs fait basculer John Sculley, qui n'est plus si sûr de son refus. Certes il se vend deux fois plus de Commodore et d'Atari que d'Apple, certes l'IBM PC va plus loin que l'Apple II, mais il finit par accepter le poste. Alors que Steve Jobs imagine John Sculley comme un allié, le conseil d'administration voit dans le nouveau PDG la supervision adulte nécessaire au bon fonctionnement de la société : Sculley doit rendre des comptes lorsque le conseil d'administration découvre la pub 1984, délire grandiose de Jobs. La dichotomie ne va faire que s'aggraver, jusqu'à ce que Sculley pousse Jobs à la démission en 1985.

Steve Jobs, John Sculley & Steve Wozniak

Avec le recul, John Sculley regrette la manière dont les choses se sont déroulées, comme il l'a expliqué dans une interview récente (lire : Apple, Jobs : John Sculley à cœur ouvert). Après le départ de Jobs, il a pourtant multiplié par 10 le chiffre d'affaires d'Apple (au détriment certes de sa marge), et pour ainsi dire inventé le terme « PDA ». Le Newton, son obsession, était en avance sur son temps, mais ARM, la petite société fondée par Apple, Acorn et VLSI pour concevoir son processeur, est aujourd'hui indispensable au succès de la firme de Cupertino. Les processeurs ARM sont au cœur de l'iPod, de l'iPhone et de l'iPad.
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avatar anti2703 | 
Sculley la poussé a la démission ?? Il c'est pas plus tôt fait virer ??
avatar Un Vrai Con | 
C'est la formule diplomatique !
avatar ricchy | 
Terrible la dernière pics. :o)
avatar Yohmi | 
J’ignorais totalement que la publicite « 1984 » avait pu causer du tort à Jobs au sein-même de la société. Quelqu’un a plus d’infos ? Au niveau du coût, qui a été caché ? Au niveau du ton, résolument ultra-prétentieux et agressif ? Et pourquoi Apple n’a plus rien à voir avec ARM aujourd’hui (à part en tant que client) ?
avatar PoM | 
On voit a l'écran le futur clavier que l'on retrouve sur l'iPad aujourd'hui... Comique...
avatar BeePotato | 
@anti2703 : Il a bel et bien démissionné, après qu'on lui a retiré à peu près toutes ses responsabilités au sein d'Apple. C'est plus subtil comme façon de faire. ;)
avatar Lio70 | 
La formule diplomatique aujourd'hui, ce serait plutôt "Il est allé relever un nouveau défi ailleurs" ;-)
avatar MixUnix | 
.." a décidé de donner une autre orientation à sa carrière " ça , on l'entend depuis un certain temps en France quand on est senior. C'est vrai que tout ce qui vient des US, avec un certain retard....
avatar jujuv71 | 
"son jean, son pull noir et ses yeux marrons peerçants..." enorme !!
avatar Anthony Nelzin-Santos | 
@beepotato : il a démissionné, contrairement à ce que veut la légende. A la suite de son comportement de plus en plus erratique, il a été dépossédé de ses fonctions les unes après les autres, et a fini par démissionner. @Yohmi : le ton, le budget. Le board ne comprenait pas la pub. Apple a revendu ses parts dans ARM autour du retour de Jobs, pour faire des liquidités. Mais de fait, le revenu constant des licences ARM a permis de tenir le bateau Apple à flots pendant un bout de temps, c'était des revenus nets.
avatar Orus | 
Sculley l'image même du traitre, du lâche et de la conformité.
avatar Mathias10 | 
Peut-etre que sculley a t'il participer au "façonnement" du steve jobs de ces dernières années... Il l'a inevitablement endurci mais si son action n'a en rien changé l'homme "SJ" alors il a freiné Apple....
avatar sams | 
Sculley et Jobs : la cravate et les bretelles.
avatar BerPod | 
Très bon Article
avatar rom54 | 
@ Yohmi Apple entretient toujours des liens particuliers avec ARM nottament lors des collaborations pour creer les SOC Ax ou les equipes propres a Apple travaillent conlointement avec celles d'ARM. Neanmoins la volonté d'Apple et des dirigeants d'ARM est de faire en sorte qu'ARM soit totalement independante. @anti2703 C'est assez flou, il n'est pas evident de savoir a quel niveau a ete prise la decision et si Sculley a ete maitre d'oeuvre ou decideur, mais Jobs a ete poussé a la demission a la suite d'un mobbing qui n'avait alors rien a envier a celui que l'on peut voir chez FranteTelecom par exemple... @orus Ce n'est pas parce qu'il n'a pas reussi a durablement developper Apple et qu'il a poussé Jobs a la demission qu'il faut le diaboliser. Il vendait de l'eau sucré avec succes, il a voulu adapter les memes methodes a Apple. Ca aurait pu marcher avec une autre societe, mais Apple etait trop specifique, il fallait autre chose que seul Jobs pouvait concevoir. L'erreur encore une fois c'est le CA qui en est responsable. @mathias10 Avoir vecu cela et y avoir "survecu" ca change un homme dans tous les cas. Pour Jobs ca a surement fortement orienté ses principes de gestion, a savoir pas de pouvoir aux actionnaires, une independance totale du marché financier, un endettement nul. Et ca a aussi donné ce coté que l'on dit parano avec une mainmise totale sur les chaines de decisions, le culte du secret et le fait de s'entourer de fideles.
avatar Feroce | 
Je suis d'accord avec rom54. John Sculley, aidé de Jean-Louis Gassée, ont été nécessaires à la survie d'Apple. Vous connaissez tous Steve Jobs pour son obstination du soucis du détail et de la simplicité des gammes. Seulement, ça n'est pas avec un produit comme le Mac 128/512 qu'Apple aurait pu pénétrer le monde de la PME ou de l'entreprise. Oui ces mots peuvent vous paraître sales, mais l'histoire de l'informatique montre que la pérènisation d'une nouvelle plateforme passe inévitablement par son adhésion du monde professionnel. John et Jean-Louis, en lançant les Mac II, des machines résolument professionnelles et évolutives, on transformé l'essai de la PAO en outil convaincant. Franchement, vous imaginez peut-être que Photoshop aurait émergé avec des Mac en NB et un écran de 9 pouces ? Alors oui, tout ce qu'ils ont fait (et j'insiste, je reste persuadés qu'ils fonctionnaient en tandem) n'a pas forcément été judicieux, il y a des ratés, mais il y a surtout de grandes réussites qui ont permis au Mac de passer les années 90. Bien sur en 95, c'était déjà moins reluisant. Cessez d'encenser Steve Jobs à ce point : en 1997, il était mur pour donner les impulsions nécessaires, sa "vision" des choses, et amener Apple là où elle se trouve (même si personnellement, la direction suivie ne me rassure pas). En 1985, aussi génial était-il, il était surtout un gamin egocentrique et inexpérimenté, et il était absolument nécessaire de l'écarter pour éviter les dégâts. En somme, le CA a fait le bon choix en 1985, et a fait un aussi bon choix en 1996... CA qui comprenait sur cette période des personnes identiques, preuve qu'ils ont pensé aux intérêts de la boite en mettant les rancoeur de côté.

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