L’avez-vous remarqué ? La même diapo est revenue plusieurs fois au cours du keynote du 25 mars consacré aux services. Lors de l’introduction de Tim Cook :
Lors de la présentation d’Apple News+ :
Lors de la présentation d’Apple Arcade :
Lors de la présentation d’Apple TV Channels, avec un ordre légèrement différent :
À défaut de pouvoir être répliquée à l’identique, elle a même été évoquée lors de la présentation d’Apple Card :
On a connu méthodes plus subtiles, mais cette approche a le mérite de la clarté. Apple le martèle : ses services sont « simples d’emploi » et conçus avec le soin du détail, « privés et sécurisés », « personnalisés » avec le renfort d’une équipe d’experts, et enfin prévus pour « le partage en famille ». « Au contraire des services de nos concurrents », dit-elle d’une manière à peine voilée.
Apple cultive la confidentialité depuis plusieurs années. Alors que Facebook traine des casseroles grosses comme des poêles à paella, et que toute l’activité de Google repose sur le commerce de données privées, Apple vante sa probité à toute épreuve. « Apple interdit aux annonceurs de vous pister » dans Apple News, « Apple ne sait pas ce que vous avez acheté » avec l’Apple Card, bref Apple ne fait pas le commerce de vos données.
Elle loue des services certes, mais tire encore l’essentiel de ses revenus d’une transaction simple, l’achat d’appareils. Ce qui ne prévient pas toutes les contorsions — la publicité n’est pas interdite dans Apple News, Goldman Sachs collecte certaines données des utilisateurs d’Apple Card, Apple s’oppose aux autorités américaines plus fermement qu’au gouvernement chinois.
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De la même manière, ce n’est pas la première fois qu’Apple insiste sur la « curation », cette pratique à mi-chemin entre l’édition et la promotion. Apple veut mêler intelligence humaine et intelligence artificielle, non seulement pour pallier les défauts inhérents de la confidentialité différentielle, mais aussi pour faire éclater les « bulles ». Autrement dit : Apple transforme la faiblesse relative de ses algorithmes de recommandation en force.
Elle collecte moins de données que ses concurrents ? Qu’à cela ne tienne : elle recrute des milliers d’experts pour compléter les recommandations automatisées, personnalisées mais impersonnelles, par des suggestions éditorialisées, collectives mais humaines. La page d’accueil de l’App Store est un véritable magazine dédié aux applications, l’équipe en charge d’Apple News est dirigée par une ancienne journaliste.
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La promotion du partage familial, à l’inverse, est plus nouvelle. Les services présentés hier prennent en compte l’usage familial par défaut. Cela se traduit dans la tarification : le partage familial n’est pas une option, comme c’est actuellement le cas avec Apple Music, mais une prestation de base. Apple ne semble plus concevoir que ses services ne soient pas partagés entre parents et enfants, ce qui explique aussi ses conditions sur les contenus.
Comme à chaque fois qu’elle ajuste sa communication, la question des conséquences se pose. Ce « cadeau » va-t-il être étendu à Apple Music ? Cette décision va-t-elle de pair avec un renforcement des capacités de partage de contenus en famille, actuellement très déficientes ? Apple adoptera-t-elle une approche systémique, jusqu’à des profils utilisateurs sur tvOS et iOS, des outils plus développés de contrôle parental, une « hygiène numérique » à l’échelle de la famille ?