En pleine course à l'IA, Google ne veut plus fournir d'armes à la concurrence

Stéphane Moussie |

Le succès fulgurant de ChatGPT fait décidément beaucoup de remous chez Google. Non content d'avoir poussé le géant du web à précipiter le lancement de Bard, le duo OpenAI-Microsoft a remis en cause une de ses pratiques ancrées depuis longtemps. D'après le Washington Post, Google restreint désormais la publication d'articles scientifiques par ses chercheurs en intelligence artificielle.

Cette nouvelle politique a été annoncée en février par Jeff Dean, le responsable scientifique qui est sous la direction directe de Sundar Pichai depuis la réorganisation des équipes dédiées à l'IA au printemps. Les chercheurs doivent maintenant obtenir le feu vert de leurs supérieurs avant de pouvoir partager leurs travaux avec la communauté scientifique. Pourquoi le groupe impose-t-il cette contrainte ? Pour éviter qu'un concurrent ne tire avantage d'une de ses trouvailles avant lui.

Les contributions importantes de Google au domaine de l'intelligence artificielle. Sundar Pichai préférerait voir les prochaines trouvailles de Google exploitées en premier dans ses produits plutôt que dans ceux des concurrents. Image Google I/0 2023 / MacGeneration.

ChatGPT n'aurait en effet jamais pu voir le jour si des chercheurs de Google n'avait pas mis au point et présentés publiquement en 2017 le Transformer, une toute nouvelle façon d'agréger le sens des mots qui sert maintenant d'architecture à tous les grands modèles de langage. Sur la défensive, la multinationale veut désormais que les découvertes de ses chercheurs lui profitent en premier en étant intégrées au sein de ses produits avant qu'elles ne soient révélées dans des publications ouvertes.

Retour sur OpenAI, le créateur de ChatGPT qui mène intelligemment sa barque

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« En temps de paix, il est logique de dépenser X dollars pour faire grossir le gâteau dans son ensemble, tant que votre part augmente plus que votre investissement. En temps de guerre, il faut également surveiller la croissance de la part de vos concurrents », expose sur son blog Brian Kihoon Lee, un chercheur de Google Brain qui a perdu son emploi avec la vague de licenciement du début d'année. Or, en ce moment, OpenAI et Microsoft sont en train de manger tout le gâteau. Toujours d'après le Washington Post, des chercheurs de Google en désaccord avec cette nouvelle politique de publication ont pris leurs cliques et leurs claques.

Le groupe de Mountain View n'est pas le seul à verrouiller ses recherches pour empêcher ses rivaux d'en profiter. Après s'être présenté comme le chantre de l'ouverture, OpenAI a opéré un virage à 180° en voyant le potentiel commercial de sa technologie GPT. « Nous avions tort [de vouloir tout mettre en accès libre] », a carrément déclaré Ilya Sutskever, le responsable scientifique d'OpenAI, en mars. De fait, la start-up qui fait trembler Google garde le mystère sur certains pans de ses modèles de langage stratégiques. Elle présente cela comme un moyen de garder le contrôle sur une IA très sophistiquée, mais c'est surtout bien pratique pour ne pas se faire doubler et rentabiliser au plus vite ses inventions.

Ces cloisonnements des recherches scientifiques contrastent avec les promesses de collaboration faites par les uns et les autres pour guider l'intelligence artificielle dans le droit chemin. Engagés dans une course effrénée, Google, Microsoft et OpenAI semblent plus avoir en ligne de mire leurs intérêts respectifs que le bien commun. Du côté d'Apple, il n'y a pas l'air d'y avoir de changement pour le moment dans le partage des travaux scientifiques, les publications continuent sur son site dédié.

Malgré ce repli sur soi d'acteurs déterminants, les recherches à ciel ouvert sur les intelligences artificielles génératives se poursuivent, notamment grâce à la fuite du modèle LLaMA de Meta et à l'implication de compétiteurs plus ouverts comme Stability.ai ou Hugging Face. Au moins un chercheur de Google craint d'ailleurs que la communauté open source fasse mieux que les entreprises ayant choisi la voie de technologies propriétaires.

LLaMA, Vicuna, Alpaca : comment faire tourner un modèle de langage sur son Mac ?

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avatar PtitXav | 

Il serait étonnant que Google n’ai pas aussi profité des résultats de ChatGPT quand c’etait open source.

avatar Insomnia | 

@PtitXav

On n’en sais rien, reste que pour le coup Google a les moyens de dépasser la concurrence assez rapidement

avatar joneskind | 

@Insomnia

Je ne vois pas ce qui te laisse penser que Alphabet aurait plus de moyens que Microsoft.

D’autant plus que dans ce domaine MS est le challenger, et peut donc se permettre des erreurs que Google s’interdit pour des questions d’image de marque. On a bien vu le tollé provoqué par Bard, alors qu’il n’est fondamentalement pas beaucoup plus mauvais que ChatGPT.

Le problème de Google là c’est pas sa capacité future mais sa capacité à réagir vite. Le monde informatique a une inertie considérable, dans le sens physique du terme. C’est à dire qu’une tendance a toujours du mal à démarrer, mais une fois qu’elle est lancée c’est difficile de l’arrêter.

On a tous participé à l’effort de guerre pour remplacer IE par Firefox sur le PC dès grand-parents, puis les petits ont remplacé Firefox par Chrome.

Ça pourrait être l’événement qui fait basculer le moteur de recherche dans l’oubli, et ç’a de quoi terrifier Alphabet.

avatar ratz | 

MS apporte quelque chose a openAI ? hormis l'argent je veux

avatar Brice21 | 

@ratz

Les chercheurs de Microsoft en LLM sont excellents et à la source de pas mal d’innovations comme récemment LoRA (Low Rank Adatation) qui permet de spécialiser des modèles à peu de frais : https://arxiv.org/pdf/2106.09685.pdf

Je ne suis pas du tout persuadé que Google ait encore le lead dans ce domaine tant la concurrence est effrénée. Microsoft c’est pas de kloufs. Par contre Apple est à la ramasse totale, à mon grand dam.

avatar Insomnia | 

@joneskind

Faut arrêter de croire que l IA va tuer le moteur de recherche de base, déjà faudrait savoir le pourcentage d’utilisateurs de bing avec l IA utilisé. On voit juste pour le moment en engouement mais minoritaire ou plus ? Reste à voir si cela intéresse plus de monde surtout que celui alerte sur de possible erreur de sa part

avatar Brice21 | 

@Insomnia

Tu dois penser un tout petit peu plus à long terme. Tu as raison, aujourd’hui Bing c’est une fraction négligeable du traffic de Google. Mais la graine d’une nouvelle approche, qui détruit littéralement le business modèle de Google, est plantée. Laisse un peu pousser avant de donner tes conclusions péremptoires.

Imagine un futur ou tu ne cherches plus des URLs mais tu demandes verbalement à un assistant de … t’assister. Avec des lunettes, des écouteurs, une montre ou une sonde anale, cela ne changera rien. Google perd son business, basé sur la page de résultats ou ils monétisent des clics. Il y a plus de clics. Il y a juste des questions et des réponses. Et le nouveau modèle sera de déterminer qui est dans la réponse quand la question sera de savoir quelle est le meilleur ketchup. Heinz ou Carrefour?

avatar Insomnia | 

@Brice21

Voir à long terme 🫥 vu les problèmes occasionnés par ce genre de IA en ce moment il est difficile de voir à long terme. Surtout quand tu vois qu’une IA a gagné un concours photo, certains créer de la musique et les pose sur Spotify a tout va, bref voir à long terme n’est pas forcément un bon choix.

avatar TrollMan06 | 

🍿

avatar Adodane | 

C'est la guerre ! 😅

avatar Dr. Kifelkloun | 

"En pleine course aux moteurs de recherche, Alta Vista et Lycos ne veulent plus fournir d'armes à la concurrence."

avatar Alex Giannelli | 

@Dr. Kifelkloun

Ça n’a rien à voir, si l’article a été bien lu.

avatar jo2s | 

Ça veut surtout dire que ce qui pèche chez Google ce n’est pas la recherche, mais c’est d’arriver à pouvoir doper ses apps et services à l’IA sans pour autant toucher à son business model.

avatar deltiox | 

Je dirais que Google se repose beaucoup (trop?) sur ses recettes publicitaires pour ne pas intégrer au plus tot toute technologie découverte en interne
J’entends depuis des mois des chercheurs nous dirent qu’ils avaient en labo aussi bien que chat gpt.
Mais voilà, c’est bien beau d’avoir, c’est mieux de le rendre (facilement) accessible au plus grand nombre

Je suis étonné qu’avec ses moyens Google n’ai pas mis à disposition du grand public bien plus tôt ce genre d’outils

Je serais ravi d’une sorte de chat gpt avec les liens sources vers des urls ou articles à la base du résultat final énoncé

avatar Vetsa | 

@deltiox

Y’avait un article de Macg sur ce sujet. Qui disant en substance que Google, du fait de sa taille et renommée, mais aussi de son ancrage dans le paysage n’avait pas intérêt à sortir une AI non finalisée au risque de voir toutes les administrations lui tomber dessus.

Contrairement à un nouvel arrivant qui n’avait rien à perdre. C’est ce qui ressortait de l’article en question, est-ce que en vrai Google était-elle prête à nous sortir un truc utilisable par le commun des mortels?! 🤔

Toujours est-il qu’un petit outsider est en train de leur piquer la vedette. On verra bien qui risque de l’emporter…..

avatar iPop | 

@Vetsa

« Toujours est-il qu’un petit outsider est en train de leur piquer la vedette. On verra bien qui risque de l’emporter…. »

Il faut quand même rappeler que 90% des PC vendu sont sous Windows. Donc ce n’est pas une petite manche que risque de perdre Google.

avatar joneskind | 

@deltiox

Google n’a pas l’image d’un vendeur de service, à l’inverse de Microsoft.

Google ne gagne rien ou presque en dehors des revenus publicitaires, et si on y réfléchit 2 minutes on comprend vite que ChatGPT va totalement rebattre les cartes de notre utilisation du web, de notre manière de consommer de l’information et donc de la publicité.

Google étant partout, sur tous les types de contenu, sur toutes les audiences, elle va mathématiquement perdre les revenus publicitaires des pages web qui auront été remplacées par ChatGPT.

Je te donne un exemple: Aujourd’hui tu cherches une info sur telle sujet, tu cliques sur un lien et tu te retrouves en balade sur le web pendant 2 heures parce que t’as cliqué sur ce lien puis celui là puis celui là - magie de la sérendipité.

ChatGPT tu ne le monétises pas comme ça. Il te file l’info que tu cherchais et tu passes à autre chose.

Et ce n’est qu’une des tendances qui mettent le modèle économique de Google en danger. On commence à peine à comprendre et agir globalement sur la toxicité d’internet. Pour les jeunes adultes d’aujourd’hui Internet c’était YOLO. Mais les nouveaux parents sont beaucoup plus prudents

Perso je vois bien Google dans la liste des futurs Nokia, IBM et BlackBerry.

avatar pat3 | 

@joneskind

"Perso je vois bien Google dans la liste des futurs Nokia, IBM et BlackBerry."

Bien sûr que non. Déjà tous ceux que tu cites vendaient du matériel, et pas du logiciel. Sur ce point, c’est peut-être Apple qui fera partie de l’histoire dans quelques années (à moins d’un ordinateur quantique signé Apple pour le grand public, ou n’importe quelle autre nouveau game changer matériel).
En revanche, on peut espérer la fin d’une hégémonie et l’ouverture renouvelée du marché du développement web, des navigateurs, des moteurs de recherche, et rien que ça serait une excellente respiration.

avatar pat3 | 

@deltiox

"Je suis étonné qu’avec ses moyens Google n’ai pas mis à disposition du grand public bien plus tôt ce genre d’outils"

Sachant que le moteur de recherche représente 80% des revenus de Google, je ne vois pas en quoi c’est étonnant.
Personnellement, je ne suis pas mécontent de voir l’hégémonie de Google remise en question, et j’espère que la dégringolade sera importante.
Comme je n’ai pas été mécontent de voir l’hégémonie de Microsoft (voir du couple WinTel) battue en brèche…
C’est salutaire !!

avatar pat3 | 

@deltiox

"Je serais ravi d’une sorte de chat gpt avec les liens sources vers des urls ou articles à la base du résultat final énoncé"

Bing, en somme ?

avatar ratz | 

hahah, ca doit les enrager

avatar max intosh | 

Vive la concurrence.

avatar marc_os | 

> pour guider l'intelligence artificielle dans le droit chemin

C'est peine perdue.
Ce n'est pas l'IA qui peut sortir "du droit chemin", mais ses utilisateurs.
C'est comme pour la maîtrise de l'atome.
On peut faire des bombes, polluer la terre pour des milliers d'années avec des déchets radioactifs imposés par la production de plutonium pour LA bombe, ou inventer des scanners pour la médecine.
L'atome en soit n'est sur aucun chemin, ni droit ni tordu.
Idem pour ce que d'aucun appelle aujourd'hui Intelligence Artivicielle.

avatar debione | 

La nouvelle que j'apprends c'est qu'il était possible pour les employés de Google de discuter du bout de gras sur des recherches internes à Google sans en référer à personne....

C'est courant dans les GAFAM? Ca fait presque altruiste... :)

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