Retour sur OpenAI, le créateur de ChatGPT qui mène intelligemment sa barque

Stéphane Moussie |

Vous en connaissez beaucoup, vous, des entreprises qui font trembler Google ? C'est l'exploit qu'est en train de réaliser OpenAI, une start-up qui compte 400 fois moins d'employés. Le lancement de ChatGPT en novembre dernier a fait l'effet d'une bombe dans toute l'industrie tech, et même au-delà. En rendant accessible son saisissant robot conversationnel à n'importe qui, OpenAI a pris tout le monde de court et déclenché une déflagration aux répercussions imprévisibles.

Si la start-up californienne fait maintenant la une de l'actualité, la création de ChatGPT ne s'est pas faite en un claquement de doigts, il lui a fallu des années pour traduire ses recherches en intelligence artificielle en technologies exploitables par les développeurs et le grand public. Retour sur l'histoire d'OpenAI et la naissance de ChatGPT.

La folle AI des grandeurs

Tout commence en décembre 2015, à San Francisco, dans le Pioneer Building, un ancien bâtiment industriel dont le nom évocateur n'est dû qu'au hasard. Une équipe composée d'une dizaine de personnes, dont sept chercheurs de haut vol, se fixe un objectif qui a de quoi donner le tournis : « faire progresser l'intelligence artificielle de sorte qu'elle bénéficie à l'humanité tout entière. »

Pour mener à bien son ambitieux projet, OpenAI démarre avec une levée de fonds d'un milliard de dollars réalisée auprès d'investisseurs renommés, dont Peter Thiel (cofondateur de PayPal), Sam Altman (président de l'incubateur Y Combinator) et un certain Elon Musk. Le patron de Tesla, qui copréside la start-up avec Sam Altman, alimente le rêve de grandeur de la petite équipe.

« Il m'a présenté les choses ainsi : "Écoute, je comprends. L'intelligence artificielle forte peut paraître loin de nous, mais si elle n'était pas si éloignée que ça en fait ? S'il y avait 1 % ou même 0,1 % de chance que cela arrive dans les cinq à dix prochaines années ? Ne devrions-nous pas y réfléchir sérieusement ?" », se souvient Pieter Abbeel, un des premiers chercheurs d'OpenAI, interrogé par MIT Technology Review. L'IA « forte » (artificial general intelligence) qu'Elon Musk évoque, c'est une IA capable d'égaler voire de surpasser l'intelligence humaine, un rêve — ou un délire, c'est selon — de transhumaniste.

La start-up se démarque immédiatement des autres boîtes de la Silicon Valley en prenant la forme d'une organisation à but non lucratif. Sans le joug de la finance, OpenAI peut faire passer le bien-être humain avant le reste, estime alors la direction. L'accent est également mis sur l'ouverture, une pratique qui va de soi pour des scientifiques : « les chercheurs seront vivement encouragés à publier leurs travaux, que ce soit sous forme de publications scientifiques, de billets de blog ou de code, et nos brevets (si nous en avons) seront partagés avec le monde entier. » L'équipe commence alors ses recherches dans le vaste domaine de l'intelligence artificielle et publie ses premières expérimentations et ses premières réflexions quelques mois plus tard.

avatar passingphantom | 

/Erci de cet article aussi complet qu'intéressant.

avatar Yil2201 | 

Merci pour l’article, super intéressant!

avatar Florent Morin | 

Excellent article 👍

Le sale boulot par les petites mains humaines va en effet assez loin. Il y a aussi du contenu éditorialisé, tout simplement. Jamais aucun modèle n’a été à ce point conçu en faisant appel à l’humain.

Ce qui est assez gênant, c’est que ChatGPT sort des âneries avec un aplomb incroyable. France 2 l’avait expérimenté en demandant de citer 5 premières ministres françaises. Il avait cité Borne, Dati, Royal et 2 autres.

C’est tout le problème avec ChatGPT : sans se soucier de donner la source de ses affirmations, sa forte capacité linguistique rend n’importe quel contenu plausible.

GPT est un excellent modèle linguistique. Mais détourner son usage et s’appuyer sur sa capacité à rendre ses propos convaincants pour transmettre de l’information est à la fois malhonnête et dangereux.

Du reste, dans le domaine linguistique, OpenAI a fait un excellent boulot. Très utile pour les traductions et corrections de texte. C’est juste ChatGPT qui va dans une très mauvaise direction.

Si les nouvelles générations s’appuient sur les propos de ChatGPT pour s’informer, on n’a pas fini de voir des platistes et des complotistes. C’est du Wikipedia inversé.

avatar Seb42 | 

@FloMo

100% d’accord avec vous sur la fin.
Même l’ONU le craint peut être pas pour les meme raisons mais l’IA aujourd’hui est clairement une menace plus qu’une avancée.

https://www.lefigaro.fr/international/les-droits-humains-sont-gravement-menaces-par-l-ia-estime-l-onu-20230218

avatar DahuLArthropode | 

@FloMo

D’une certaine façon, on est déjà exposé à ça avec des humains et des médias qui carburent à l’humain: RT, Trump et quelques autres s’adonnent à la désinformation avec un tel culot qu’ils en deviennent convaincants. La nouveauté, avec les deep fake, les robots indiscernables et autres prouesses, c’est l’échelle industrielle ; c’est qu’il nous faut apprendre à nous méfier de tout sans devenir nous-mêmes complotistes — lesquels disent se méfier de tout mais choisissent de façon très sélective leurs motifs de doute.

avatar zoubi2 | 

@FloMo

Excellent commentaire, merci.

avatar MSpock | 

@FloMo

Dans l’article, était cité un podcast de la science CQFD. L’année dernière, il y avait une super podcast sur le « digital labor » qui expliquait un peu comment était entraînés les IA :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-methode-scientifique/digital-labor-tout-clic-merite-t-il-salaire-5991558

avatar Florent Morin | 

@MSpock

Le podcast de la Science CQFD l’explique aussi dans le cas de ChatGPT.

avatar Bicus | 

Dans un autre registre, je pose ici un lien du podcast de Complorama qui prolonge la réflexion sur le lien entre robot conversationnel et complotisme : https://podcasts.apple.com/fr/podcast/complorama/id1550565028?i=1000596337183

avatar Mageekmomo | 

@FloMo

Il y a un analyste anglais qui s’appelle Benedict Evans qui a une analyse très intéressante sur la confrontation Google chatGPT.

L’interface joue beaucoup, quand on pose une question à Google, il présente des résultats mais donne très rarement des réponses catégoriques. Il donne des réponses précises pour la météo, les horaires de vol, les taux de change, des choses très factuelles. Pour le reste il se contente d’afficher la liste des résultats et c’est à l’utilisateur de chercher parmi les résultats.

Quand on pose une question à chatGPT, il y a une seule réponse. Le fait que ce soit du langage textuel clairement articulé lui donne l’air d’être très sûr de lui. Mais en fait c’est juste l’interface. Comme chatGPT est un modèle de probabilité, il affiche ce qui lui semble être la probabilité la plus haute. Une façon de corriger cela serait que ChatGPT ait des réponses nuancées, mais c’est complexe, où est-ce qu’il arrête ses nuances ?

avatar horatius | 

Merci pour cet article très clair et complet qui permet de mieux comprendre de quoi il s’agit. Après les risque de mauvais usages sont hélas quasi une seconde nature humaine.

avatar whocancatchme | 

Question qui pourrait être intéressant : quand vous dites classifiez le contenu toxique, c’est à dire qu’ils l’omettent du modèle, ou ils le prennent en compte le flag comme « toxique » ? C’est pas pareil

avatar zoubi2 | 

@whocancatchme

" Question qui pourrait être intéressant : quand vous dites classifiez le contenu toxique, c’est à dire qu’ils l’omettent du modèle, ou ils le prennent en compte le flag comme « toxique » ? C’est pas pareil"

En effet. Bien vu.

avatar Mac1978 | 

Merci pour cet article très intéressant.

Comme l’a dit un prof. de la Sorbonne sur les ondes de la RTS, l’IA n’est qu’un « perroquet stochastique » très développé.

Quand on utilise chatGPT en lui demandant son opinion, voire une émotion, il ne faut pas l’oublier. Sinon, on peut vraiment avoir l’impression de parler à un humain.

avatar pocketalex | 

@Mac1978

"Quand on utilise chatGPT en lui demandant son opinion, voire une émotion, il ne faut pas l’oublier. Sinon, on peut vraiment avoir l’impression de parler à un humain."

Ce n'est pas ce qu'on demande, pour le moment, à une IA

An s'attardant sur le coté émotionnel, on se fait peur avec l'IA "science fiction" qui penserait comme un humain, et on oublie, volontairement ou non, l'IA qui pallie l'humain pour de très nombreuses taches qui elles demandent un minimum de réflexion et un maximum de connaissances

Pour une marque qui dispose d'un service SAV avec des opérateur humains à même de répondre à toutes les questions des clients, l'entreprise n'est pas en recherche d'un IA capable de s'émouvoir et de pleurer, mais tout simplement un IA capable d'échanger avec les clients et d'apporter toutes les réponses possibles aux questions, techniques, commerciales, etc, et des solutions aux problèmes posés. Et ça, les IA qui arrivent commencent à le faire très bien, et donc assez rapidement mettre sur le carreau des centaines de milliers (millions) d'opérateurs

J'ai donné un exemple sur un métier, mais on peut poser les mêmes questions pour quasiment tous les métiers

C'est ça qu'il faut défricher, et pas savoir si l'ordinateur a des émotions

Quand 80% de la population sera au chômage, que les ordinateurs soient capable de pleurer, rêver ou rigoler ... les gens auront bien d'autres soucis à gérer

avatar MdJdB | 

@pocketalex

Ce que voulait peut-être relever Marc, c’est que tu peux demander à ChatGpT une réponse empreinte d’une certaine empathie ou toute autre émotion.

avatar pat3 | 

@pocketalex

"Pour une marque qui dispose d'un service SAV avec des opérateur humains à même de répondre à toutes les questions des clients, l'entreprise n'est pas en recherche d'un IA capable de s'émouvoir et de pleurer, mais tout simplement un IA capable d'échanger avec les clients et d'apporter toutes les réponses possibles aux questions, techniques, commerciales, etc, et des solutions aux problèmes posés. Et ça, les IA qui arrivent commencent à le faire très bien,"
Vivement qu’elles arrivent à la place des bots actuels, et leurs sempiternels « tapez 1 », « tapez étoile »…

et donc assez rapidement mettre sur le carreau des centaines de milliers (millions) d'opérateurs ».

Ils sont déjà massivement sur le carreau. Ceux qui restent sont payés 10 euros les 8h, pour lire des réponses pré-écrites et inadéquates. Au Maghreb, en Afrique, en Inde…

avatar pocketalex | 

@pat3

c'est pas faux 😂

avatar pocketalex | 

@Mac1978

"l’IA n’est qu’un « perroquet stochastique » très développé"

L'IA en l'état actuel, en 2023. Tu sais ce qu'on disais sur le web en 1996 ? Le même type de propos laconique et méprisant (c'est de la merde, c'est inutile, ça n'apporte rien, ça n'intéresse personne) pour se rassurer que jusqu'ici "tout va bien"

avatar powergeek | 

ChatGPT possède essentiellement une connaissance linguistique anglo-saxonne. La partie française ne représente que 1,2% des données traitées. Le modèle étant statistique il n’est pas étonnant qu’il fasse l’erreur sur les premières ministres françaises. Il faudrait faire la même demande à travers le nouveau Bing qui a accès au web.

avatar freewheelinfranklin | 

@powergeek

Je viens d’essayer avec la beta de Bing en mode « conversation » : l’IA cite bien Edith Cresson et Elisabeth Borne

avatar powergeek | 

@freewheelinfranklin

👍

avatar Flyingbike | 

J’aime l’humour des titres
Surtout le second 😌

avatar tonton69 | 

@Flyingbike

Je n’avais pas repéré le jeu de mot sur le second sous-titre ! Merci pour la remarque ! 😆

avatar imrfreeze | 

@Flyingbike

Le « La folle AI des grandeurs » est magnifique !

avatar cecile_aelita | 

Je m’en suis servi ce matin pour générer des exercices d’étude de la langue pour mes CE2… c’est vraiment top et très pratique 🙂.

avatar hptroll | 

@cecile_aelita

Exactement. Pour tous les métiers qui touchent à la langue ou au langage, le potentiel est phénoménal. Il faut une relecture mais les gains de productivité sont tels qu’ils changent ce qu’il est possible de faire.
Un exemple pour moi dans l’enseignement des langues étrangères : je prends une vidéo intéressante, j’extrais l’audio, je génère les sous-titres avec Whisper, je traduis les sous-titres avec ChatGPT, je produis une liste de vocabulaire (mots les moins fréquents) et un résumé… Le tout m’aurait pris tellement de temps à la main que je ne l’aurais tout simplement pas fait.

avatar cecile_aelita | 

@hptroll

C’est sur que le terme « assistant » va prendre tout son sens 🙂.
En tout cas je sens que je vais m’en servir de plus en plus pour mon usage PRO vu que je suis une PRO 🤭🤣 et pas juste pour faire mumuse à lui demander une recette de cuisine ou des trucs du genre 🤭.

avatar StephanM3 | 

@cecile_aelita

C’est le monde à l’envers, c’est les élèves qui vont plancher sur des questions :
Pondu par une intelligence artificielle 🤣🤣

avatar Demain c'est loin | 

« GPT, un vent d’air frais » 👍👏

avatar imrfreeze | 

@Demain c'est loin

Ça aussi c’est exceptionnel 🤣

avatar Yil2201 | 

@Demain c'est loin

Exceptionnel

avatar tonton69 | 

Excellent article ! merci bien 👍🏻

avatar reborn | 

J’ai rien compris au fonctionnement du Transformer, même avec la ptite video de Google 😪

avatar BlueVelvet | 

@reborn

Moi aussi.

avatar Glop0606 | 

Merci pour l’article de très bonne qualité. Je teste en ce moment cette fameuse IA sur Bing et je suis bluffé par les réponses. Pour moi c’est une révolution dans la façon de rechercher sur le web et je comprends que Google ait les genoux qui claquent. Je sais pas comment il compte le rentabiliser mais j’adore. Les ingénieurs derrière cette IA ont réalisé une prouesse. Bien sûr il faut prendre cet outil pour ce qu’il est à savoir un puissant instrument de synthèse et de connaissance avec une interaction super pratique. N’allez pas y chercher une forme d’intelligence ou de réflexion, ça serait presque hors sujet.

avatar AnthonyJ | 

La rumeur dit que l’auteur a demandé à ChatGPT d’écrire cet article avant de la faire relire par un collègue stagiaire 🙂

avatar k2r | 

Les intertitres sont tout simplement savoureux ! On se croirait presque sur Libé ! Pour le reste, article fort intéressant et… un peu flippant aussi !

CONNEXION UTILISATEUR