Coup de théâtre hier soir à l’Assemblée Nationale. On était resté au vote de justesse hier après-midi contre l’amendement d’Éric Ciotti qui menaçait d’interdire l’iPhone, mais un autre amendement a bien été voté dans la soirée. Cette fois, c’est Philippe Goujon, député Les Républicains, qui a proposé l’amendement n°90 dans le cadre de la loi contre le terrorisme et le crime organisé, actuellement débattue par l’Assemblée.
Contrairement au précédent, cet amendement a bien été validé par les Parlementaires présents lors du vote. Et plutôt que d’ajouter de nouvelles mesures, il modifie ce qui était déjà dans le Code Pénal, essentiellement pour renforcer les peines. Les articles 60–1 et 60–2 obligeaient déjà tout individu ou organisme privé détenant une information susceptible d’aider une enquête de coopérer en offrant cette information. Cela concernait également les systèmes informatiques, que ce soit une base de données ou un téléphone personnel.
Jusque-là, les peines prévues par le Code pénal en cas de refus étaient relativement légères : 3750 € au maximum. L’amendement 90 les renforce considérablement, mais uniquement dans le cadre d’une enquête anti-terroriste : le cas échéant, on risquerait alors jusqu’à 15 000 € d’amende et surtout deux ans d’emprisonnement.
Une nouvelle règle serait ajoutée avec cet amendement, spécifiquement pour les problèmes de chiffrement. Cette fois, les « les constructeurs même des moyens de cryptologie dont le décryptage est nécessaire à l’enquête » pourraient être soumis à une amende de 350 000 € et à une peine de prison de 5 ans s’ils refusent de communiquer les données chiffrées susceptibles d’aider l’enquête. L’objectif est explicitement de forcer les constructeurs à délivrer, non seulement les données, mais aussi les clés pour les déchiffrer quand c’est nécessaire.
Sur le papier, ce sont des mesures impressionnantes, mais auraient-elles un véritable impact à l’usage ? Pour commencer, l’amendement se concentre sur la lutte anti-terroriste, ce qui a d’ailleurs conduit le gouvernement à s’y opposer pendant les débats. Ensuite, comme le note Numerama, les articles du Code pénal qui seraient modifiés n’ont jamais été mis en œuvre à ce jour. Alors, pourquoi l’avoir adopté ?
Laissons la parole à Philippe Goujon, qui l’a défendu hier soir : « Il ne coûte rien d’adopter cet amendement ».