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Interview de Florian Innocente

Vincent Absous

mardi 01 février 2005 à 14:51 • 17

AAPL

Florian Innocente est une figure du monde Mac francophone. Journaliste, aujourd'hui à Univers Mac, hier à Mac&Co, avant-hier à SVM Mac, il n'en ignore presque rien. Ça ne l'empêche pas de prendre du recul et de l'observer, ce petit monde, d'un regard amusé, mais sans méchanceté, au fil des billets de son blog, Kernel Panic.

- Comment t’est venue l’idée de créer ce blog ? Prolongement naturel de la chronique de Mac&Co ?

Oui, la chronique Kernel Panic de fin de magazine, mais pas seulement en fait. Ça remonte à plus loin. D'anciens utilisateurs (ceux par exemple qui savent que QuickDraw GX n'est un modèle de moto trial) se souviennent peut-être d'un site qui s'appelait l'Apple Café, c'était autour de 1996/97.

Avec Take Back Your Mac (TBYM) de Richard Menneveux, je crois qu'on était à peu près les deux seuls sites Mac français à faire de l'actu de manière régulière. C'était l'époque où, aux USA, les grands sites étaient essentiellement Macintouch, MacWEEK/MacTheKnife et Tidbits.

Je profitais d'un accès Internet au boulot pour faire un résumé régulier des news publiées là-bas, sur un ton un peu décalé et plaisanter sur Apple. C'était l'époque de Copland, d'Amelio, d'OpenDoc… autant dire qu'il y avait souvent matière à rire (jaune).

J'ai fait fait ça pendant presque deux ans, puis en arrivant dans la presse Mac en 97, le rédacteur en chef de l'époque m'a dit que ce serait bien que j'arrête mon site parce-que-pas-très-sérieux-pour-l'image-du-magazine-patin-couffin. Bref…

Donc grosse pause Web pendant six ans, changement de magazine en 2003 et lorsque l'été dernier la situation de MacAndCo a commencé à flotter, j'ai eu un peu de temps libre et je suis tombé sur le comparo de MacG à propos des outils de weblog. J'ai regardé un peu celui deTypePad et ça m'a donné l'idée de refaire une sorte d'Apple Café 2 mais sans la partie news parce que là, la compétition est devenue assez difficile… :-)

- Quelles ont été les réactions à la suite de son lancement ?

Les retours sont assez faibles en fait. Quelques commentaires ça et là ou bien des gens sur l'Apple Expo ou chez Apple qui m'ont dit trouver ça amusant. Ca reste tout de même un site relativement confidentiel dans la fréquentation, avec de temps à autre de brusques pics de visite lorsque Mac4Ever ou MacG pointent sur une note.

- As-tu eu le droit à des réactions désobligeantes de la part d’Apple ou de certains aficionados qui comprennent mal ton humour ?

Un jour quelqu'un chez Apple m'a fait appeler, il s'inquiétait que des visiteurs très occasionnels du site ne prennent au sérieux une fausse interview de Pascal Cagni. Je suppose qu'on lui avait envoyé le lien en guise de clin d'oeil, mais qu'il ne connaissait pas le site et qu'il a eu justement les yeux qui ont commencé à clignoter. Puis dix minutes après, nouveau coup de fil, la dimension humoristique du site avait été perçue :-)

Pour ce qui est des remarques désobligeantes de visiteurs, quelqu'un a trouvé que les photos de l'iPod flash Apéricubes étaient "stupides car on ne [peut] pas mettre de piles dedans vu leur format" et un sur un autre sujet quelqu'un une fois a écrit en gros "C'EST NUL VOTRE HISTOIRE A LA CON VOUS FAITES DES BLAGUES CARAMBAR MAINTENANT ?". Je laisse en ligne ce genre de commentaires, ça participe à l'esprit du site…

Ça se limite à ça. De toute façon sur Mac on a intérêt à pratiquer l'auto-dérision. Dans sa longue série de farces, Apple a quand même vendu très cher des écrans LCD qui ne pouvaient pas se brancher sur ses propres portables sans un adaptateur à 150 € ! Au bout d'un moment, il faut savoir en rire sinon on va être tenté de changer de plateforme et ce serait bien dommage.

Mais si les vannes de Kernel Panic provenaient d'un site plus généraliste, je pense que les réactions seraient un peu plus vives. Il y a chez nombre d'utilisateurs Mac cet esprit de famille où les critiques sont acceptées et même très virulentes… mais tant qu'elles restent à l'intérieur du cercle. Envers l'extérieur, on fait bloc.

- Blogueur, as-tu les yeux rivés sur l'audimat ?

J'y vais lorsque Mac4Ever ou MacG pointent vers une note, car il y a immédiatement un énorme effet de levier sur la fréquentation.

Le graphique des visites ressemble alors aux montagnes russes, c'est assez fascinant à observer en temps réel.

Mais ça reste un loisir. J'ai installé un système d'affiliation pour voir si ça pourrait au moins payer l'abonnement à TypePad, mais c'est tout. L'idée est surtout d'offrir un complément humoristique aux autres sites Mac, qui se lisent vite, et qui fasse rire ou sourire.

- Est-ce que ça ne te pose pas de problème avec ton travail ?

Aucun, Univers Mac me fiche une paix royale. Chez Apple France les gens qui m'en ont parlé trouvent ça amusant. Les interrogations se manifestent plutôt à la maison. Quand je rentre un soir avec des Apéricubes et que j'enfiche des écouteurs d'iPod dedans ou que je m'approche du chat avec une borne AirPort à la main, forcément ça amène des interrogations. :-)

- T’es-tu inspiré de certains bruits de couloir pour rédiger certains billets ou est-ce uniquement le fruit de ton imagination ?

Imagination, je n'ai aucun ami, ni parent, ni parrain, ni oncle, ni taupe chez Apple. Mais on imagine assez facilement que les réunions avec Jobs ne doivent pas traîner en longueur et que si quelque chose a foiré le responsable va passer un sale quart d'heure.

À partir de là c'est relativement facile de broder, d'autant que l'univers d'Apple est quand même assez rock and roll. C'est une boîte qui fait tout avec brio, même les plans foireux. Le Cube a été un fiasco, mais un beau fiasco.

- Tiens, comment sais-tu que Pascal Cagni parle mal anglais ?

:-D

Très franchement je ne connais pas le niveau d'anglais de Pascal Cagni. L'unique fois où j'ai un peu discuté avec lui il parlait… en franglais ! Je suis juste parti du cliché sur les Français et les langues étrangères.

Néanmoins, des gens qui ont assisté à Paris à son discours qui précédait la retransmission du keynote de San Francisco m'ont dit qu'ils avaient pensé aux interviews de Kernel Panic

- Quels blogs suis-tu vraiment ?

Je picore plutôt parmi une longue liste. C'est le piège des lecteurs RSS, on s'abonne à des tas de blogs parce qu'on y a lu un jour une note sympa, parce que c'est facile et parce qu'on se dit qu'on va pouvoir trouver comme ça des tas d'infos très rapidement et au final on a un NetNewsWire qui affiche en permanence 1200 ou 1600 articles non lus…

Mais il y en a au moins deux que je regarde assez régulièrement, celui de Tristan Nitot, monsieur Mozilla Europe et celui de Luc Saint-Elie qui a l'air de pas mal s'amuser à faire du Podcasting derrière son iBook.

- On parle trop des blogs en ce moment ?

On leur donne parfois des vertus qu'ils n'ont pas. Un blog n'a rien de révolutionnaire en soi, c'est juste une évolution des pages perso d'autrefois.

L'avantage c'est que ça démocratise le ticket d'entrée pour la publication en ligne. Quelqu'un qui a des choses à dire peut enfin le faire régulièrement et sans s'arracher les cheveux avec l'HTML ou PHP. C'est du prêt à publier. Et pour peu que le quelqu'un en question ait des choses intéressantes à partager c'est tout bénef' pour tout le monde.

Ce qui est très pas mal surtout en marge des blogs, ce sont les technos que cela met en lumière.

Les flux RSS par exemple. Ce mécanisme d'alerte offre un intérêt même hors des blogs. Par exemple, on pourrait avoir les actus d'un site comme MacG - où les articles abondent quotidiennement - classées selon de grands thèmes et ne s'abonner qu'aux flux correspondants, pour opérer une sorte de tri automatique. Alors, j'imagine bien que ça poserait des problèmes par rapport aux recettes publicitaires, mais je suppose qu'à terme on verra débouler des bandeaux pub dans les flux RSS.

Le Podcasting ça aussi c'est vachement intéressant (www.lexpansion.com/NLTech/2702.15.81556.html) surtout couplé à un baladeur. Même avec 10 000 chansons dans son iPod, on en a parfois marre de la musique.

Combien d'émissions intéressantes on rate à la radio parce qu'on ne peut pas être en face du poste à l'heure de la diffusion ? Le Podcasting peut là offrir une solution toute prête pour élargir l'écoute de ce média. Par exemple, je ne peux pas écouter le Fou du roi tous les jours à midi sur France Inter. J'aimerais bien télécharger automatiquement son Podcast vers mon iPod et l'écouter tranquillement le soir en rentrant chez moi. Techniquement, il n'y a aucun problème pour le faire. Avec ça, même plus besoin de réclamer à Apple un tuner FM pour l'iPod !

Sans parler du podcasting fait par des amateurs qui peut là également amener de bonnes surprises en terme de qualité et originalité des contenus, comme l'ont fait certains weblogs.

- Parlons un peu plus sérieusement d’Apple, quels sont, à ton avis, les points forts et faibles de Cupertino ?

Ce qui est bien avec Apple depuis le retour de Jobs c'est qu'ils sont devenus pragmatiques. Ils ne s'embarquent plus dans des aventures insensées. Ils vont sur des marchés où ils peuvent amener une différence. L'iPod en est le meilleur exemple.

Et, à mon très humble avis, c'est très bien qu'ils n'essaient pas de faire de mobiles comme beaucoup le souhaitent. Qu'est-ce qu'Apple pourrait faire contre Nokia, Motorola, Sony Ericsson et les Taïwanais qui débitent tous 15 nouveaux modèles par mois ? C'est beaucoup plus futé de travailler à installer QuickTime et iTunes sur ces appareils, comme le fait Microsoft avec Windows.

Une autre chose qu'ils ont réussie contre toute attente, ce sont les Apple Store. J'en ai vu un pour la première fois au début du mois à San Francisco, et là chapeau.

Ils ont créé un lieu qui est un mélange de show-room, de club-utilisateur, d'Internet café et, in fine, de magasin. Car l'aspect mercantile est discret. On n’est pas chez Surcouf, on a pas non plus de vendeurs qui s'accrochent sur votre dos comme une tique jusqu'à ce que vous sortiez la carte bleue. Et pourtant, au final, cette ambiance finit par donner une furieuse envie de repartir avec quelque chose, même si on n'était venu que pour relever son mail. Résultat je suis reparti avec des iPod Socks (oui je sais, c'est une réaction infantile).

Par contre là où Apple, je trouve, est à la peine, c'est sur le SAV et la fiabilité de certains produits. On a évidemment tous des expériences très différentes et certains, sûrement, positives sur plusieurs achats, mais que ce soit à titre personnel ou autour de moi, j'ai quand même vu assez de problèmes matériels pour finir par trouver ça inquiétant. Et le SAV derrière n'est pas tip-top. Quand on récupère une machine avec des pannes supplémentaires c'est un peu énervant…

De même lorsqu'une bécane part en SAV, que ce soit à l'autre bout de l'Europe ou dans l'arrondissement voisin, on devrait être en mesure de la suivre via un site Web, savoir où en est sa réparation et quelles interventions ont été faites (dans un langage compréhensible par un être humain).

C'est sûrement très complexe à mettre en oeuvre, mais on est en 2005, ça ne paraît pas relever du scénario de science-fiction. Apple est capable de créer de zéro un réseau d'Apple Store absolument génial, elle devrait être en mesure de proposer la même qualité et sophistication sur l'aspect SAV.

- Pour finir, comment vois-tu cette année 2005 ?

Apple aujourd'hui a une gamme matérielle et logicielle qui forme un grand écart assez incroyable (de l'iPod shuffle jusqu'aux Xserve…, de iTunes version téléphones mobiles jusqu'à Tiger) et qui lui donne les moyens de toucher un très grand nombre de nouveaux utilisateurs. Il y a vraiment une fondation solide pour repartir à la chasse aux parts de marché.

L'iPod a déjà bien commencé, Apple ne dit pas quelle est la part d'utilisateurs Windows de l'iPod et de l'iTMS mais avec 10 millions de baladeurs vendus, ça m'étonnerait beaucoup que les utilisateurs Mac y soient majoritaires.

Du coup l'un des challenges je pense, va être d'arriver à fidéliser cette nouvelle clientèle.

Historiquement les utilisateurs Mac ont toujours été d'une fidélité et d'une patience extraordinaires avec Apple, avec une capacité assez étonnante à passer l'éponge sur les pires coups que la Pomme pouvait leur faire. Mais j'imagine que les "switchers" ou même les néophytes de l'informatique qui viennent aujourd'hui chez Apple ont une image très glamour et positive de la société. Comme le bonhomme qui, enfin, peut pour la première fois se payer une Audi ou une Mercedes. Et ce client-là, qui nage dans le bonheur et se dit "Yes !" en achetant son premier iPod ou iMac, la moindre grosse contrariété, il risque de très mal la vivre et si jamais la plaisanterie dure un peu trop, il partira et ne reviendra pas.

Et parmi les problèmes que doit résoudre Apple, outre le SAV, il y a cette disponibilité complètement imprévisible des produits. Mais là ça commence à exiger une puissance de calcul assez phénoménale pour en comprendre les tenants et les aboutissants…

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