À l’occasion de la sortie des nouveaux MacBook Pro et Mac mini Apple M2, Matthew Panzarino a eu l’occasion de papoter avec deux responsables d’Apple. Le journaliste de TechCrunch a ainsi échangé avec Tim Millet, vice-président en charge de l’architecture des plateformes et des technologies matérielles, ainsi qu’avec Bob Borchers, vice-président en charge du marketing produit. Un duo que l’on a déjà croisé dans plusieurs autres interviews et si les deux sont là pour mettre en avant leurs succès récents et non commenter les rumeurs, l’interview a quand même permis de parler jeux vidéo, ce qui est toujours intéressant.
Les deux vice-présidents commencent par un bref retour dans le passé, pour rappeler comment Apple s’est décidée à créer ses propres systèmes sur puce pour les Mac. Même s’ils restent très polis avec Intel, qui reste un partenaire pour le Mac Pro pas encore passé à Apple Silicon, ils notent que l’Apple M1 a permis de réinitialiser la conception d’une puce d’ordinateur et les attentes qui étaient liées. En particulier, le constructeur a opté dès le départ de ne pas tout miser sur les performances, mais de favoriser le ratio performances par watt. À savoir, offrir d’excellentes performances, mais aussi une autonomie exceptionnelle.
Les puces Apple Silicon destinées aux Mac sont dérivées des iPad, ce qui n’est pas une surprise quand on pense au DTK fourni aux développeurs. C’est en voyant ce qu’ils pouvaient obtenir avec un appareil aussi fin qu’une tablette que les ingénieurs de Cupertino se sont dits qu’il y avait de quoi faire avec un appareil nettement plus épais, comme un Mac. Mais ils n’ont pas perdu de vue l’idée de créer une puce économe, avec notamment l’objectif de pouvoir créer un Mac sans ventilateur, qui est devenu le MacBook Air actuel. En revanche, pas un mot pour les fans du MacBook.
Pas un mot non plus sur le futur Mac Pro Apple Silicon, ou alors un éventuel Mac Studio remis au goût du jour avec des puces M2. Tom Millet et Bob Borchers se concentrent davantage sur les annonces récentes, naturellement, et mettent en avant les progrès réalisés depuis l’Apple M1. Alors que ces premières puces Apple Silicon avaient bouleversé le Mac avec leurs performances, la deuxième génération a apporté à un gain théorique qui tourne autour des 20 %. Et selon les deux responsables, l’entreprise a tout donné sur cette génération, elle n’a pas ménagé ses efforts en distribuant ces progrès sur plusieurs années.
« On prend tous les gains que l’on peut sur une année et on pousse vraiment fort. Ce n’est pas ce qui se passe dans le reste de l’industrie ou historiquement », relève Tim Millet, toujours sans nommer Intel, même si on peut aisément imaginer qu’il pense au partenaire d’Apple depuis 2006 qui nous avait habitué à des tous petits gains d’une année sur l’autre. La firme de Cupertino ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et les deux vice-présidents indiquent que l’on peut s’attendre à des mises à jour plus régulières des Mac.
« Je sais que la technologie avance rapidement et je ne veux pas attendre. », souligne Tim Millet. « Nous voulons mettre la technologie dans les mains de nos équipes système le plus vite possible, puis dans celles de nos clients le plus vite possible. Nous ne voulons pas les laisser se demander… est-ce qu’ils s’intéressent à nous ? Un nouveau téléphone est sorti l’an dernier. Pourquoi le Mac n’a pas reçu autant d’attention ? »
On ne saura pas si c’est une manière de rassurer les fans de Mac Studio, inquiets depuis la dernière rumeur qui voudrait qu’Apple abandonne ce modèle ou du moins le retarde pour favoriser le Mac Pro. Le futur n’existe pas pour tout responsable d’Apple en interview, mais le message qu’ils souhaitent avant tout porter est que la gamme est excellente aujourd’hui et même si elle le sera encore davantage demain, c’est toujours le bon moment pour acheter un Mac. Même un modèle équipé d’une puce Apple M1 reste une excellente machine et à part quelques pros qui ont absolument besoin des 20 % de gains sur la nouvelle architecture, un changement n’est pas justifié, note Tim Millet dans le cours de l’interview.
La principale cible des Mac Apple Silicon reste tous ceux qui ont encore des Mac sous Intel. Est-ce que l’argument des jeux pourrait finir de les convaincre ? On en est encore loin, mais Matthew Panzarino a interrogé les deux responsables sur la vision d’Apple dans ce domaine. D’après Bob Borchers, les créateurs des plus gros jeux, les fameux AAA, commencent à s’intéresser de près aux Mac, grâce au bond de performances permis par la transition vers la nouvelle architecture.
Avec Capcom qui a adapté Resident Evil et avec d’autres titres à venir, je pense que la communauté AAA commence à se réveiller et à comprendre les possibilités. Parce que nous avons désormais, avec notre catalogue de Mac Apple Silicon, un ensemble de machines incroyablement performantes et une audience croissante d’utilisateurs qui ont ces systèmes incroyablement performants, des systèmes qui peuvent être gérés avec une seule et même base de code.
Apple a encore beaucoup de travail à faire pour convaincre les gros éditeurs, reconnaît-il dans la foulée, mais Apple le fait, notamment en mettant à jour Metal, son API graphique, pour répondre à leurs besoins. Apparemment, c’est Capcom qui aurait approché l’entreprise pommée et non l’inverse, et Apple a tenu compte de leurs besoins pour créer Metal 3. Resident Evil Village est le premier titre à tirer parti de ces nouveautés destinées au jeu, avec des résultats manifestement convaincants.
MetalFX, une nouvelle techno graphique affreusement efficace dans Resident Evil Village
Pour convaincre les studios, encore faut-il avoir suffisamment de joueurs potentiels. Apple a deux réponses à apporter : d’une part, les GPU intégrés à ses puces Apple Silicon sont tous dotés de ces fonctionnalités, y compris dans les Mac entrée de gamme et ultra populaires comme le MacBook Air. Le parc devrait ainsi rapidement grossir et intéresser les plus gros studios. Et surtout, ce sont les mêmes technologies et même parfois les mêmes puces que l’on retrouve dans les iPhone et iPad. En adaptant un jeu pour le Mac, ses créateurs peuvent d’un coup toucher un public bien plus vaste, justifie Bob Borchers.
Sans compter, ajoute Tim Millet, que les moteurs des jeux vidéo n’exploitent pas encore correctement les puces Apple Silicon et leurs caractéristiques uniques. Par exemple, ils sont pensés pour limiter leur consommation de mémoire vidéo, car les architectures traditionnelles ne reposent pas sur de la mémoire unifiée, où (presque) toute la RAM peut être utilisée par le GPU. « Les développeurs de jeu n’ont jamais eu 96 Go de mémoire graphique à leur disposition, comme sur la M2 Max. Je pense qu’ils commencent à prendre conscience de tout ce que cela implique, des possibilités jamais vues que cela apporte. »
Apple devra ainsi faire preuve de pédagogie pour leur montrer comment exploiter au mieux son architecture. Est-ce que cela paiera ? Le fait que l’on attende toujours deux des trois jeux annoncés en grande pompe lors de la WWDC n’est guère rassurant, mais quoi qu’il en soit, l’entreprise ne cherche pas le succès rapide selon Tim Millet. Elle pense sur le long terme et compte bien répondre aux demandes des studios de développement jusqu’à les convaincre de venir.
De quoi faire du Mac une vraie plateforme de joueurs un jour ? Il n’est jamais interdit de rêver…