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Tim Cook face à la fronde des actionnaires

Christophe Laporte

lundi 28 février 2011 à 15:30 • 48

AAPL



Apple réunissait ses actionnaires la semaine dernière à l'occasion de son assemblée générale. En l'absence de Steve Jobs, c'est Tim Cook qui a présenté les comptes de la société et a répondu aux nombreuses questions des actionnaires. Au menu : Android, Apple et le business du jeu, la polémique sur les abonnements ou encore les conditions de travail des employés chez les sous-traitants d'Apple…

Des divergences entre le conseil d'administration et Apple
On peut être à la tête d'une société qui a réalisé lors de son dernier exercice un chiffre d'affaires de 65 milliards de dollars et un résultat net de 14,23 milliards de dollars et avoir une assemblée générale difficile à négocier. Récemment, plusieurs actionnaires réclamaient que le conseil d'administration se dote d'un plan B pour préparer la succession de Steve Jobs et qu'elle le rende public (lire : Des actionnaires veulent préparer l'après Steve Jobs).

Une proposition qui a trouvé d'autant plus d'écho suite à l'annonce du congé-maladie de Steve Jobs. Le conseil d'administration d'Apple, qui était hostile à cette décision pour des questions de confidentialité, a été écouté. Ce dernier, afin de rassurer les actionnaires, a quand même tenu à faire savoir qu'il menait une réflexion sur le sujet, sans en révéler le contenu. Les initiateurs de cette proposition ne comptent pas en rester là, et feront tout ce qui est en leur pouvoir pour pousser Apple à se doter d’une telle politique. Il est à noter que ce dispositif est de plus en plus à la mode dans les grandes entreprises aux États-Unis. Cette proposition a quand même obtenu un tiers des voix.

Si sur ce point, les actionnaires n’ont pas eu gain de cause, ils ont réussi à faire modifier la manière dont se déroulera dorénavant l’élection d’un nouveau membre au conseil d’administration. Celle-ci devra se faire à la majorité, une proposition à laquelle Apple était hostile. Par ailleurs, les sept membres du CA, dont Steve Jobs, ont tous été reconduits. Pour la petite histoire, ce n'est pas Steve Jobs qui a recueilli le plus de voix, mais le dernier arrivé, Ronald Sugar (lire : Apple nomme Ronald D. Sugar au conseil d'administration).

Mais il serait réducteur de résumer cette assemblée générale à ces divergences de points de vue qui certes ne sont pas mineures entre le conseil d'administration et les actionnaires. Lors de cette réunion qui se tenait sur le campus de la firme de Cupertino, Tim Cook a fait part de sa vision d'Apple et a répondu aux questions des actionnaires en compagnie de Phil Schiller et de Scott Forstall.

Deux fois plus de Mac qu'il y a trois ans
Il s'est notamment épanché sur le succès du Macintosh, dont les ventes l'année dernière ont crû de 31 % pour atteindre les 14 millions d'unités. "C'est deux fois plus qu'il y a trois ans", a-t-il fait remarquer. Autre statistique qui tient à coeur au directeur général adjoint d'Apple : le fait que chaque trimestre depuis cinq ans les ventes d'ordinateurs Apple progressent plus vite que la moyenne.

Parmi les grandes réussites de 2010, il faut retenir selon lui le succès de l'iPhone dont les ventes ont été multipliées par deux en un an. Cook a indiqué en substance que ce n'est pas donné à tout le monde de passer d'un business de 20 millions d'unités et de le doubler en si peu de temps. La remarque est tout aussi valable si ce n'est plus pour l'iPad. Parti de rien, Apple a vendu 7,6 millions de tablettes et créé un business de 5 milliards de dollars, lequel est amené à prospérer si l'on en croit la dernière invitation d'Apple envoyée à la presse.



Durant l'exercice 2010, Apple a également ouvert 44 nouvelles boutiques, franchi le cap des 10 milliards de téléchargements sur l'App Store, a dépassé la barre des 160 millions d'appareils iOS vendus et a écoulé en un trimestre plus d'un million d'Apple TV, ce qui "n'est pas mauvais pour un hobby". Autre détail important pour un actionnaire, le titre de l'action s'est apprécié de 70 % en un an, contre 20 % en moyenne pour les indices S&P.

Lors de la séance de questions / réponses, bon nombre de sujets ont été évoqués. Outre le data-center sur lequel Tim Cook a donné un certain nombre d'informations (lire : Le data-center sera lancé au printemps), il a été question notamment des réserves financières d'Apple qui dépassent les 60 milliards de dollars.

Le reversement de dividendes n'est toujours pas à l'ordre du jour chez Apple, qui préfère garder cet argent pour "faire de grandes choses" et mettre la main au porte-monnaie si l'occasion se présentait. Il a précisé par ailleurs que la pomme achetait régulièrement des petites sociétés. Pour Tim Cook, l'évolution des réserves d'Apple est un indicateur important. Cela montre qu'Apple fait bien les choses.

La discussion par la suite a porté sur la stratégie d'Apple, notamment concernant iOS et ses concurrents. Tim Cook n'a pas manqué de signaler qu'Apple était passé devant Research In Motion (RIM). Il a également souligné qu'iOS se focalise sur une expérience homogène, par opposition avec Android, qui "change l'utilisateur en gestionnaire du système".

D'autre part, il a réaffirmé qu'Apple aurait pu vendre davantage d'iPhone si il avait été possible d'en fabriquer plus et qu'il était très attaché à défendre la propriété intellectuelle de son groupe.

Android : le Windows de demain ?
Telle est la question posée par un actionnaire et à laquelle Phil Schiller a tenté de répondre. Pour le vice- président marketing d'Apple, le parallèle n'est pas possible. Apple est une entreprise différente avec d'autres produits, ajoutant qu'elle a beaucoup appris de sa propre histoire et que bon nombre d'employés qui étaient présents lors de la guerre Mac/PC sont encore là, lui le premier.

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Schiller a d'abord remarqué que durant l'ère du PC, Apple était en concurrence avec des sociétés comme Compaq et IBM qui ne sont plus dans l'industrie du PC contrairement à elle. D'autre part, il estime que dans l'ère post-PC dans laquelle nous vivons, l'intégration est quelque chose de bien plus important que pour les PC de bureau. De plus selon lui, Apple possède notamment avec l'App Store une avance importante sur le plan logiciel.

Bref, pour lui, l'analogie ne tient pas même si elle est souvent reprise par la presse. Autre argument avancé : le taux de pénétration de l'iPad et de l'iPhone qui est sans commune mesure avec le Macintosh à l'époque du PC sous DOS. Tim Cook a d'ailleurs ajouté que jamais il ne s'imaginait atteindre de tels taux de pénétration faisant référence aux études indiquant que 80 % des entreprises du classement Fortune 100 testaient ou déployaient des iPad. Concernant l'iPhone, ce chiffre monte même à 88 %.

Plus de souplesse dans iOS ?
Une autre personne a regretté le manque de souplesse d’iOS, regrettant que contrairement à Android, il n’y ait pas un système d’extensions permettant de davantage personnaliser le système (personnalisation de claviers…).

Scott Forstall a indiqué qu’avec l’App Store, Apple avait "créé le meilleur modèle économique de la planète dans le monde du logiciel". Apple doit faire très attention à cela et ne pas se créer de problèmes avec ce qui semble être pour le responsable du développement d’iOS une fausse bonne idée. Il a ajouté que la rétrocompatibilité était quelque chose de très important pour Apple, rappelant que les utilisateurs ont pu continuer à utiliser leurs applications sans problème au fil du temps malgré la sortie de quatre mises à jour majeures d’iOS.

Ajouter un tel système à iOS serait très complexe et pourrait être nuisible en matière de compatibilité et de stabilité, rappelant que le Système 7 avait été pénalisé par ce type de fonctionnalités. D’autre part, ce type d’extensions pourrait être une cible de choix pour les hackers, car fortement intégré au système d’exploitation.

Apple dans le business du jeu ?
Un jeune homme a demandé si Apple n’avait pas un coup à jouer dans le domaine des consoles de jeux estimant que Microsoft et Sony tardent à commercialiser des consoles de jeux de nouvelle génération.

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La réponse de Tim Cook ne s’est pas fait attendre : "nous sommes dans le business du jeu", que ce soit avec l’iPhone, l’iPad ou l’iPod touch. Cette réponse aurait été inimaginable il y a encore cinq ans. Le bras droit de Steve Jobs a déclaré qu’Apple s’est retrouvé sur ce marché un petit peu par hasard et a rajouté que la position de la firme de Cupertino était enviable.

Retour sur la polémique des abonnements
Tim Cook est revenu également sur la grosse polémique du moment, le système d’abonnement proposé à la presse qui est loin de faire l’unanimité. Les 30 % prélevés par Apple sont souvent comparés au 10 % demandés par Google pour son système Pass Média (lire : Aperçu du Pass Média de Google).

Pour Phil Schiller, "il y a beaucoup de désinformation". D’après lui, la commission de Google est effectivement de 10 % sur le web, mais montera à 30 % dès qu’il s’agit d’une transaction effectuée depuis une application fonctionnant sur un téléphone mobile. Précisons à ce jour que les plans de Google sont extrêmement flous. Le géant de l’internet a fait une annonce (opportuniste ?) pour la forme le lendemain de la communication d’Apple sur le sujet. Peter Oppenheimer a rappelé que la plate-forme de téléchargement d’Apple était tout juste rentable.

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Autre aspect abordé : la viabilité économique d’un tel système pour les entreprises de presse. Pour Tim Cook, ce n’est pas un problème, car cette commission ne touche que les nouveaux clients. Les journaux et magazines peuvent faire bénéficier à leurs abonnés leurs nouveaux services sur l’App Store sans avoir à reverser une commission à Apple.

Pour Tim Cook, le vrai problème n’est pas là. Selon lui, ce que la presse digère mal, c’est le fait qu’Apple protège les données privées de ses utilisateurs : "Nous croyons que ce sont aux clients de décider s’ils veulent partager leurs données". Suite à une question d’un auditeur, Tim Cook a précisé qu’Apple ne cherchait pas à étouffer les groupes de presse et qu’au contraire Apple voulait du journalisme sur sa plate-forme.

Apple et la Chine
Enfin, il a été question des activités d’Apple en Chine (lire : La pièce de théâtre qui secoue la Silicon Valley). La semaine dernière, la firme de Cupertino a mis à jour son compte-rendu annuel des efforts qui sont faits pour garantir les bonnes pratiques de ses fournisseurs (lire : Apple met à jour son rapport sur ses fournisseurs).

Sur ce point, Tim Cook a défendu l’action d'Apple estimant que tout est mis en oeuvre pour que les ouvriers chinois travaillent dans un environnement le plus agréable possible. En matière de sécurité, Apple fait également le maximum selon lui. "Nous avons les plus hautes exigences" ajoutant qu’Apple est la société la plus transparente de l’industrie dans ses audits et dans les rapports qu’elle en fait. Elle prend connaissance des problèmes et prend des mesures pour les résoudre.

Apple Chine

Il a précisé que les enquêtes d’Apple ne se limitaient pas à ses sous-traitants, elle remonte la chaîne dans son intégralité. Il est arrivé à Apple d’arrêter de travailler avec certains fournisseurs, car ils ne prenaient pas au sérieux ses demandes sur ces points.

Tim Cook estime que les mesures prises par Apple n’aident pas uniquement Apple, mais toute l’industrie qui est obligée de prendre en compte cette nouvelle donne. Par ses actions, la firme de Cupertino est parvenue à ce que les travailleurs touchent 300 millions de dollars eu égard à des heures supplémentaires non payées notamment et à pousser les autorités à se pencher sur la question et à agir.

De tous ces changements, Tim Cook en tire une certaine forme de fierté. Un discours qui tranche avec la manière dont la presse traite le sujet. Mais qui croire ?

Image : Martin Luerssen

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