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Témoignages : les pros ne se précipitent pas sur les mises à jour de macOS

Florian Innocente

mercredi 26 septembre 2018 à 15:36 • 58

macOS

macOS Mojave est arrivé et comme à chaque fois, se pose la question de mettre à jour son Mac tout de suite, ou de prendre un peu son mal en patience le temps que les autres essuient les plâtres.

macOS Mojave

Nous avons demandé à cinq personnes comment elles s'y prenaient à chacune de ces échéances. Toutes ont en commun d'utiliser des Mac à des fins professionnelles avant toute chose. La prudence est particulièrement de mise, bien plus qu'ailleurs (perdre des milliers de photos personnelles dont on n'aura aucune sauvegarde est aussi une expérience pénible, cela dit).

Deux de ces témoins sont des consultants qui gèrent des parcs macOS et iOS pour leurs clients. Ils sont dans la partie depuis de nombreuses années et ont un bon recul sur ces grandes phases migratoires : Guillaume Gète de Gete.Net Consulting et Bertrand Pourcel de Maxerviciz (lire aussi Command-iT : des conférences à Poitiers pour le Mac et l'iPhone en entreprises).

Deux autres sont des indépendants. David Pairé de l'Atelier DPCOM est graphiste et maquettiste, spécialisé dans la conception d'ouvrages et de couvertures. Boris Cargo est graphiste 3D avec des clients institutionnels et de grandes entreprises. Enfin, Damien Mathé a un pied dans chaque univers, il est professeur de création numérique et graphiste freelance.

Les administrateurs systèmes

Comment évaluer la pertinence d'une mise à jour lorsqu'on a des parcs et des clients aux profils très hétérogènes ?

Bertrand Pourcel est à la tête d'une entreprise de conseil de six personnes : « Nous gérons des parcs d'un à plusieurs centaines de postes. Chaque client a ses exigences, ses besoins spécifiques en fonction de son activité. J'ai un gros client (plusieurs centaines de postes) qui doit être à jour de toutes les mise à jour Apple dès leur sortie. Pour lui, on a une phase de tests très poussée, qui s'est appuyée sur les versions bêta de Mojave au fur et à mesure de leurs sorties.

On est capables d'avoir anticipé des incompatibilités, et d'avoir trouvé des contournements afin de ne pas bloquer la production. Pour la majeure partie des autres, on attend effectivement de voir les différents problèmes possibles.

Le premier mot à retenir est "sauvegarde". On voit trop souvent des problèmes survenir à la suite d'une mise à jour après quelques jours de production, et revenir en arrière s'avère parfois impossible. Donc avant toute chose, sauvegarde !

Le second mot c'est "test". On en effectue sur un poste ou deux, pendant quelques jours ou semaines, et si tout est ok, on déploie pour le reste du parc.

Nous avons mis en place en interne des POC (des "démonstrations de faisabilité", ndlr) afin d'être sûrs que les infrastructures que nous avons chez nos clients tournent toujours après la mise à jour de macOS. Tout est testé avant qu'on donne le feu vert pour effectuer la mise à jour.

On se sert aussi beaucoup de ce qu'on apprend, de ce qu'on lit, des échanges que nous avons entre consultants, pour être le mieux informés possible pour le reste de nos clients. »

L'équipe de Bertrand Pourcel s'appuie aussi sur la virtualisation des systèmes d'exploitation à venir, de manière à pouvoir les observer dans un environnement clos « Ça nous permet de "casser" des postes sans retenue, et d'en remonter de nouveaux en quelques minutes. »

Guillaume Gète : « Il faut qu'il y ait une justification technique à pousser une mise à jour sur un poste, et je préfère conserver assez longtemps une version de macOS bien fiable plutôt que de foncer.

On se heurte cependant à plusieurs problèmes. D'abord c'est qu'Apple garantit de façon non officielle les mises à jour de sécurité pour les versions N-1 et N-2 du système. Pas plus. On peut supposer qu'à partir du moment où macOS 10.14 Mojave sera disponible, on sera obligés de passer sur 10.12 à minima (macOS Sierra, ndlr). Ça risque de poser souci.

Ensuite, avec l'expérience, on sait qu'il faut attendre une version 10.x.3 de macOS pour que les bugs les plus gênants soient corrigés. Je préfère pousser une mise à jour majeure lorsqu'elle est considérée comme assez fiable.

Autre souci, les nouveaux modèles de Mac sont livrés avec la dernière version de macOS en date. Si Apple annonce de nouveaux iMac, Mac mini ou autre dans les prochains mois, on sera forcément obligés de les laisser avec une version 10.14. Et de gérer plusieurs OS, avec les problèmes que ça peut engendrer.

Par ailleurs, Apple décide parfois de déprécier une fonction et la supprimer du système. J'ai par exemple un client qui utilise une fonction assez obscure de macOS mais très pratique : les comptes externes, qui permettent de délocaliser le dossier de départ d'un utilisateur sur un autre disque pour ensuite l'utiliser sur un autre Mac. Cette fonction a été supprimée de macOS 10.12. Du coup, ce client est encore sur 10.11. On va devoir le passer sur un système plus récent, mais trouver aussi une solution de remplacement.

Notons également que les développeurs deviennent de plus en plus conservateurs sur la version de macOS prise en charge par leurs logiciels. Pour la toute prochaine version d'Office, ça sera du macOS 10.12 minimum. Ça aura forcément un impact sur les déploiements et l'homogénéité des parcs.

Enfin, les mises à jour d'iOS aussi peuvent avoir une incidence sur macOS. De nouvelles fonctions d'iOS peuvent ne marcher qu'avec une version récente de macOS. Pas le choix dans ce cas : il faut mettre à jour. Pire encore, si un utilisateur achète un nouvel iPhone, il se peut que le système de sa machine ne soit pas compatible avec la version d'iTunes compatible avec son iPhone ! Et dans ce cas, il faut envisager la migration.

Mais dans l'ensemble, je n'en veux pas spécialement à Apple de pousser à faire la mise à jour. D'abord, elle est gratuite. Ensuite, les systèmes restent pris en charge assez longtemps sur du matériel ancien : j'ai un MacBook Pro de test de 2010 qui fonctionne impeccablement sur High Sierra. Et je sais que cette machine aura encore deux années tranquilles avec les mises à jour de sécurité assurées. »

Crédit : Apple

À quoi ressemble le paysage logiciel installé chez ces différents clients ?

Bertrand Pourcel : « Nous essayons d'être au maximum à deux versions en dessous de celle qui est d'actualité chez Apple. Sierra sera le minimum requis pour les suites Adobe et Office 2019, par exemple.

High Sierra a été plutôt problématique pour nos clients. Encore aujourd'hui subsistent des bugs graves qui sont bloquants pour certains d'entre eux (la synchronisation des mots de passe FileVault avec des comptes utilisateurs Active Directory ne fonctionne toujours pas correctement, c'est un exemple).

D'où une partie des infrastructures restées sur Sierra qui s'avère plus stable. C'est possible tant qu'on a pas de nouveau matériel à intégrer dans le parc. Par contre, quand un MacBook Pro 2018 ou un iMac Pro arrive dans un parc, on n'a pas le choix, c'est High Sierra obligatoire. Alors, s'il y a des problèmes, on trouve les solutions pour les contourner ».

Guillaume Gète : « La règle est de rester sur une version de macOS prise en charge par Apple du côté des mises à jour de sécurité. Actuellement, on est effectivement sur des versions assez hétéroclites, même si j'essaie de conserver la même version au sein de l'environnement de chaque client.

Mais comme dit précédemment, ce n'est pas forcément évident vu que les nouveaux Mac seront livrés avec un système plus récent. Mais au jour le jour, ce n'est pas forcément gênant. Le plus important est que toutes les dernières mises à jour de sécurité soient bien appliquées.

Pour le reste, je ne suis pas convaincu qu'un utilisateur lambda voit vraiment la différence entre macOS 10.11 et macOS 10.14, à part le fond d'écran si je voulais vraiment être cynique… Les nouveautés sont le plus souvent sous le capot, et je ne pense pas que le taux d'utilisation de Siri, pour citer une nouveauté, soit vraiment élevé.

L'avantage de macOS reste quand même que la plate-forme est homogène, c'est le même système sur un Mac de bureau ou un portable, la même interface, etc.

Le plus compliqué à gérer vient plutôt des couches réseaux et des serveurs en face : le passage au protocole de transfert de fichier SMB (en remplacement du vénérable AFP) et ses multiples variantes ou niveaux de sécurité a été très compliqué à piloter avec les multiples versions de macOS. C'est, je pense, ce qui m'a posé le plus posé de soucis ces dernières années. »

Guillaume Gète évoque ensuite la possibilité de confier à l'utilisateur le déclenchement d'une mise à jour. Une manière de le responsabiliser, de lui redonner un peu de pouvoir mais en gardant tout de même un œil sur l'opération pour s'assurer qu'elle n'est pas oubliée :

« L'approche, pendant des années, a été de confier aux techniciens informatiques la responsabilité des mises à jour. Mais je vais tester une nouvelle approche pour passer mes clients en 10.13.6 dans les prochaines semaines : c'est l'utilisateur qui fera la mise à jour quand il le souhaite, avec une date limite imposée où l'on forcera son installation.

FileWave, un vétéran dans les outils de gestion de parcs et de flottes

C'est ce qu'on peut faire désormais avec des outils de gestion de parc évolués. On propose l'app d'installation de mise à jour dans un App Store personnalisé pour chaque client, et celui-ci peut l'installer quand il le veut, même s'il n'est pas administrateur.

Ça a plusieurs avantages : l'utilisateur ne se voit pas imposer une mise à jour à un moment où il pourrait avoir vraiment besoin de son Mac, et ça évite une tonne d'appels un lundi matin parce que 30 utilisateurs ont fait la mise à jour et qu'on a négligé un détail durant nos tests.

On peut aussi envoyer régulièrement des notifications à l'utilisateur durant la période de déploiement pour l'inviter à faire la mise à jour quand il le peut.

C'est aussi intéressant pour les utilisateurs de Mac portables, car leur envoyer une mise à jour système majeure alors qu'ils sont en vadrouille n'est pas forcément la meilleure idée, si ça coince, ou si ça survient avant une réunion importante… On les laisse libres de gérer leur calendrier de mise à jour. Par contre, si après un mois et de multiples avertissements, ils n'ont pas encore installé la mise à jour, là, on peut forcer, et tant pis si ça ne se fait pas au meilleur moment.

Il est important de redonner du pouvoir à l'utilisateur, pour qu'il se sente aussi un peu maître de son outil informatique, mais il ne faut pas non plus que ça se fasse au détriment de la sécurité. »

Les choses ne sont-elles pas plus simples avec iOS ? On peut avoir l'impression que le système mobile étant bien plus encadré que macOS, les risques de problème lors des grosses mises à jour sont plus réduits.

Bertrand Pourcel : « Les choses sont beaucoup plus simples avec iOS. Les migrations se font généralement sans trop de problèmes, les éditeurs sur l'App Store étant très réactifs pour proposer des applications compatibles.

C'est moins vrai avec les applications "in-house", développées par les entreprises en interne ou par des prestataires externes. Le temps de réaction est parfois un peu plus long pour mettre à jour les applications.

Depuis iOS 11.3, on peut paramétrer un délai allant jusqu'à 90 jours pour proposer la mise à jour de l'appareil. Ce délai doit permettre aux développeurs de mettre leur application en conformité.

Les applications iOS sont à ce jour plus encadrées. Mais Apple va imposer exactement le même cloisonnement pour les applications macOS. Plus on va avancer dans les versions de macOS, plus la sécurité sera au cœur des préoccupations d'Apple.

Cela nous imposera des modifications dans notre manière de gérer les parcs, et nous demandera de plus en plus de technicité et de connaissances pour être capables de déployer des dizaines ou centaines de postes de manière automatisée.

C'était déjà le cas avec High Sierra qui demandait, pour certaines extensions installées par des applications, la validation par l'utilisateur pour leur utilisation. Mojave amène un second niveau de sécurité au niveau de l'accès aux données de l'utilisateur lui-même ».

Pour autant, Bertrand Pourcel voit, dans ce qui peut être considéré comme des obstacles, des challenges formateurs au bout du compte : « Même si on râle au premier abord contre Apple parce qu'ils ont encore changé tel ou tel aspect dans macOS, on s'éclate vraiment à trouver les bonnes solutions pour s'y adapter ».

Crédit : Apple

Guillaume Gète à propos de cette supposée plus grande facilité de gestion des flottes d'appareils iOS : « Oui… et non. Le problème surtout, c'est de pouvoir empêcher l'installation des bêtas, ce qu'Apple propose depuis relativement peu de temps, mais là encore, il faut que les appareils soient pris en charge par un système de gestion de parc, ou MDM (Mobile Device Management).

Ensuite, il faut que les utilisateurs acceptent d'enrôler leur appareil dans le MDM. Cela peut apporter plein de bénéfices en termes de sécurité, mais certains utilisateurs ont alors peur d'être… fliqués. Ce qui n'est évidemment pas le cas (les informaticiens ont franchement autre chose à faire et ce serait parfaitement illégal). Apple permet désormais de retarder l'installation d'une mise à jour d'iOS, ce qui permet aussi aux services informatiques de s'assurer que tout est en place avant le déploiement de la mise à jour.

Mais je préfère l'éducation : quelques jours avant le lancement d'une mise à jour majeure par Apple, je préviens les utilisateurs des avantages et des risques à migrer sur une nouvelle version de système, et je les invite à patienter un peu. Dans l'ensemble, ça marche plutôt bien. Responsabiliser plutôt que pénaliser.

Enfin, dans l'ensemble, le système de mise à jour d'iOS est plus simple et plus fiable, puisque le système réside sur une seule partition, et que les données utilisateur sont sur une autre. Je ne serais pas surpris que macOS, un jour ou l'autre, adopte aussi un système complètement isolé des données utilisateur. Le système de conteneur proposé par APFS s'y prête particulièrement bien (voir cet extrait vidéo de la conférence Command-iT, ndlr). »

Les indépendants

Lorsqu'on est seul maître à bord les choses sont plus simples mais la problématique de fond demeure : ne pas courir le risque d'immobiliser une machine de production à cause d'un bug passé inaperçu dans une version système toute neuve.

David Pairé utilise un MacBook Pro 15" Retina mi-2012 avec High Sierra : « Je m’accorde un petit délai, histoire de recueillir des témoignages sur la compatibilité avec la suite Adobe, mon logiciel de devis et de facturation (Grand Total) et mon petit logiciel de typo (RightFont).

Atelier DPCOM

Mais j’y passe assez vite, on est en 2018 et chez Apple les mises à jour sont de plus en plus fiables, en ce qui me concerne. Ça fait très longtemps que je n’ai pas eu de catastrophe et d’incompatibilité chez les gros éditeurs ».

Pas de machine de test dans le cas présent « je préfère le plongeon direct ». Par le passé, des mises à jour furent pourtant plus compliquées :

« Je me suis mordu les doigts il y a plusieurs années sur mon logiciel de compta qui n’était plus compatible avec le système. J’ai dû carrément changer d'application pour pouvoir continuer à travailler. À l’époque j’aurais dû attendre la fin de l’année, pour changer au 1er janvier ma compta. Je suis arrivé à retomber sur mes pattes après quelques sueurs froides !! »

S'agissant des précautions élémentaires, il cite son refus d'utiliser des bêtas de macOS et d'iOS et il fait des sauvegardes régulières :

« Ce sont les fichiers et non pas le système et logiciels que je sauvegarde. Je suis en miroir sur iCloud Drive pour tout mon dossier travail et sauvegarde automatique Time Machine sur un disque dur à mon bureau. Au pire, je réinstalle un Mac entier et je synchronise ensuite mon contenu iCloud pour revenir à la normale. Mais je n'ai jamais eu à le faire. »

Boris Cargo travaille avec un Mac Pro 2008 resté sur El Capitan (10.11) et a trois autres Mac pour la maison (deux mini et un iMac G4 "Tournesol") : « Généralement je ne fais pas de mise à jour système pour passer à une nouvelle version. Par contre je fais les mises à jour de sécurité et celles des applications.

Normalement j’attends d’être forcé pour faire celle du système. J’y suis contraint par les softs que j’utilise. Si une nouvelle fonctionnalité est intéressante et qu’elle justifie le changement d’OS, alors je le fais.

En gros ça me donne un retard de 2/3 ans sur les derniers OS. De plus, les mises à jour entre OS sont souvent anecdotiques depuis quelques années. Je n’ai que faire des fonctions de partage Facebook, de Handoff ou je ne sais quelle bricole.

Ou pire, une mise à jour peut apporter son lot de mauvaises surprises, comme l’abandon d’OpenGL (l'API OpenGL reste présente dans Mojave, mais elle est amenée à disparaître plus tard, ndlr). Mais maintenant l’intégralité de mon parc machine est obsolète, donc je suis bloqué à la dernière mise à jour possible sur chaque machine. Je suis tranquille, je n’ai plus à me poser de question ? ».

Pour ce qui est des interrogations face à une révision système, il évalue le résultat en installant son macOS sur un disque externe : « Avec le Mac Pro "Aluminium" c’est cool, on peut mettre quatre disques dedans ».

Malgré son profil utilisateur, pas de suite Adobe sur sa machine, mais les applications de Serif, notamment : « Pour le coup je recommande chaudement Affinity Photo et Affinity Designer. Des softs modernes, puissants, et sans avoir à payer une dîme mensuelle. Pour l’instant aucun problème avec ces logiciels. Et contrairement à Pixelmator Pro par exemple (10.13 minimum et carte graphique compatible Metal), ils ne nécessitent pas de système récent (10.9 minimum) ».

Boris Cargo

Pour ses sauvegardes, Boris Cargo se repose sur Time Machine et des backups quotidiens avec Arq : « Je ne fais un clonage système qu'au moment d'une grosse mise à jour. Je n’ai jamais eu à faire face à une révision foireuse. Des problèmes système, oui, mais ça fait tellement longtemps que je suis sur Mac que je peux régler ça seul assez facilement.

L’entretien d’un Mac est assez aisé et fiable, c’est ce qui me fait rester chez Apple. Pour l’instant. Apple n’est plus adaptée à une activité de freelance qui a besoin de puissance de calcul GPU ou CPU. Aucune machine au catalogue, et les prochaines machines pro seront certainement hors de portée, comme le suggère le prix de l'iMac Pro ».

Enseignant et freelance à la fois

Damien Mathé enseigne dans une école supérieure artistique où le Mac représente 85 % des machines. Là, pas de grand chef officiel des opérations : « Le parc informatique est principalement géré par les professeurs, en toute débrouillardise ». Dès lors il est devenu en quelque sorte le référent quand des questions ou problèmes arrivent :

« C’est à la fois gratifiant et un peu perturbant, car mon aptitude à répondre de façon éclairée aux problèmes qui me sont posés dépend directement de la probabilité que je sois exposé le premier aux situations qui les provoquent… Ce qui arrive la plupart du temps, car je suis sans nul doute le plus geek de l’équipe.

Dans les faits, les machines dont je suis responsable reçoivent très rarement une mise à jour majeure de macOS juste après sa sortie. Le délai se compte en mois, voire parfois en une année académique complète, ce qui est le cas cette fois-ci : aucun de mes postes n’est sous High Sierra, tous sont sur Sierra ».

Un retard qui a plusieurs explications :

« Tout d’abord, il est difficile de trouver du temps en dehors des cours pour s’occuper correctement des machines. Pour faire les choses dans les règles de l’art, il faut y consacrer de nombreuses heures, et elles me manquent. Car il ne s’agit pas uniquement de mettre à jour macOS, mais aussi les logiciels tiers, principalement ceux d’Adobe en ce qui nous concerne. Et c’est loin d’être simple. CINEMA 4D pose beaucoup moins de problèmes (bisous, Maxon).

Ensuite, il y a la question de la pertinence de la mise à jour. Est-elle vraiment utile à ce stade ? Est-ce qu’un logiciel tiers en particulier en aurait besoin impérativement ? Va-t-elle provoquer une incompatibilité avec un périphérique (nous avons une imprimante EPSON grand format et un scanneur A3 un peu vieillissant) ?

Et quid de la valeur ajoutée ? Certes, macOS évolue et certains ajouts sont sympathiques, mais sont-ils vraiment utiles dans le cadre d’utilisation que nous avons ?

Ok, cool, Messages est désormais synchronisé sur iCloud entre tous les appareils, mais aucun de nos Macs n’est concerné puisque chaque poste peut être utilisé par n’importe qui.

Chouette, Continuity ! Ah ben zut, il faut lier son compte personnel à une machine qui ne l’est pas pour que ça fonctionne… Pareil pour Handoff ou le presse-papiers synchronisé entre appareils. Les évolutions sont très centrées autour de l’individu, alors que notre modèle de travail est collectif.

Au bout du compte, je suis plutôt d’accord avec l’expression "If it ain't broke, don't fix it" (pourquoi essayer de réparer ce qui n'est pas cassé ?). Je pars du principe qu’une mise à jour doit être motivée par un réel bénéfice, autant pour moi que pour les autres utilisateurs (majoritairement des étudiants).

Jusqu’à preuve du contraire, tous nos logiciels (principalement Adobe Creative Cloud et CINEMA 4D) tournent très bien sous Sierra, et tant que c’est le cas, j’ai plus de temps à consacrer à mes cours. De plus, le nombre d’étudiants travaillant directement sur leur ordinateur portable ne fait que croître. Certains postes dans les classes commencent à être délaissés.

Comment sensibiliser profs et étudiants à la problématique des mises à jour ?

Sans responsable informatique au sens propre du terme, il peut être plus délicat d'imposer des règles à tous, c'est ce que laisse supposer Damien Mathé dans sa précédente explication :

« Si on me demande s’il est judicieux d’installer une mise à jour majeure de macOS que je n’ai pas moi-même encore découverte, j’émets les réserves de rigueur et recommande les attitudes de bon sens : ne pas se précipiter, attendre les retours.

Les étudiants sont malheureusement très doués pour se fourrer dans des situations embarrassantes au plus mauvais des moments : un disque dur rendra l’âme, une clé USB se perdra, une carte graphique grillera, ou une installation d’un tout nouveau macOS fera tout planter… Toujours de préférence quelques jours (ou heures) à peine avant une échéance annoncée depuis longtemps (tiens donc).

Blague à part, je ne travaille pas avec des individus qu’on pourrait qualifier de particulièrement technophiles, et beaucoup de choses peuvent survenir par ignorance ou par erreur. Malgré le caractère proactif d’Apple lors de la sortie des dernières versions de macOS (qui n’a pas reçu la notification d’incitation à la mise à jour ? On aurait cru être sous Windows !), il ne faut pas céder et sauter le pas, ou alors uniquement si on sait parfaitement ce que l’on fait.

Dans un univers créatif, peu enclin à la technique pure, un incident informatique peut rapidement convaincre certains esprits que l’ordinateur est un ennemi, responsable du Malheur, et il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie (et de patience) pour faire comprendre que les problèmes surgissent rarement par hasard.

Je dépanne beaucoup de cas différents : cela va du logiciel mal installé à la machine mal entretenue (poussière, miettes…), en passant par une version de Machinchose craquée qui en a profité pour ajouter des cochonneries à gauche et à droite. Sans oublier MacKeeper !

Bref, fort de ces constats, je préfère donner des instructions radicales à mes interlocuteurs, quitte à les priver d’un bénéfice — somme toute — relatif, car malgré les petites couches de polish ci et là, le cœur de macOS n’a plus trop bougé depuis plusieurs années, et aucune des dernières versions ne m’est apparue comme incontournable ou indispensable.

Mac OS X 10.6 Snow Leopard. Image MacGeneration

C’est le sentiment que j’ai eu lorsque j’ai redémarré mon vénérable Mac Pro il y a quelque temps : il est bloqué sous Snow Leopard, qui a pris un coup de vieux d’un point de vue esthétique, mais les fonctionnalités dont on a besoin au quotidien sont là. Et on se demande si tout le reste n'est pas, au fond, un peu superflu.

Les cordonniers sont-ils les plus mal chaussés ?

S'obliger à une discipline pour ses clients c'est normal, mais qu'en est-il lorsqu'on parle de ses machines personnelles et celles de la famille. Est-ce qu'on est un peu plus souple face à ses propres règles ?

Guillaume Gète : « Au contraire. Je préfère là aussi les faire passer en dernier. Je n'ai migré certains postes en High Sierra 10.13.6 que la semaine passée !

Les utilisateurs à la maison sont les plus exigeants ? Et encore une fois : un nouvel OS, c'est aussi des risques de nouveaux bugs ou plantages, au-delà des bénéfices apportés.

Je préfère assurer la stabilité de la vie familiale. Et de mon côté, je n'installe pas les bêtas sur mes systèmes de production, j'ai des appareils de test pour ça, et pour ma propre bécane de production, j'attends aussi un peu avant de mettre à jour. »

Bertrand Pourcel : « À titre perso, j'ai un MacBook Air qui tourne sous Mojave depuis la première bêta et qui me sert à tout tester dans tous les sens.

Mon MacBook Pro 2018 pour bosser est en High Sierra obligatoirement. Il contient une bonne dizaine de machines virtuelles sous différentes versions de macOS (dont Mojave) pour, là aussi, avoir tout sous la main, et pouvoir en casser et en remonter de nouvelles facilement, et tester tout ce que je souhaite sans complication ».

Damien Mathé : « Autrefois, j’avais deux Mac opérationnels à la maison : un Mac Pro de 2006 et un MacBook Pro. Ce dernier a été renouvelé plusieurs fois (tous les 3 à 4 ans environ), sauf le Mac Pro car je n’avais pas le budget (il a été remplacé par un PC sous Windows, monté moi-même).

À cette époque, je pouvais facilement tester une nouvelle version de macOS sur une partition ou un des disques internes du Mac Pro, sans prendre trop de risques. J’ai même essayé une ou deux bêtas.

Mais aujourd’hui, avec une seule machine sous macOS — qui plus est celle que j’emporte aussi au travail — je suis devenu plus méfiant, et j’attends en moyenne 3 à 4 mois avant de faire le saut, après m’être assuré que les applications que j’utilise quotidiennement soient supportées sans problème.

Je pense que c’est lors du passage à High Sierra que j’ai attendu le plus longtemps. Les commentaires peu engageants à son sujet lors de sa sortie y sont sans doute pour quelque chose.

Conclusion

En définitive, on en revient toujours aux mêmes conseils : sauvegarde et patience sont les deux maîtres mots lorsqu'arrive une mise à jour système.

On relève en outre dans certains de ces propos le constat que depuis quelques versions de macOS, les grands changements, les grosses nouvelles fonctions, tout ce qui pouvait inciter à mettre à jour rapidement sont moins flagrants. Le phénomène commence à se faire sentir côté iOS mais macOS étant bien plus ancien et plus mûr que son cousin, l'effet est plus marqué.

Cela peut être un autre facteur contribuant à réfréner les envie de se précipiter sur une mise à jour. En plus du "If it ain't broke, don't fix it", s'il n'y a pas de grandes merveilles à découvrir, autant prendre son temps.

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