Suite de notre interview (
lire la première partie) avec François Rondeau, responsable marketing d'Apple France qui s'exprime au sujet de la stratégie autour de Xserve. Dans cette partie, il nous parle des concurrents du serveur d'Apple, de la perception de Linux et de l'arrivée en masse des éditeurs sur Mac OS X.
- Est-ce que la nouvelle politique commerciale de Microsoft en matière de serveur fait peur ?
- Je ne sais pas si c'est le bon terme, mais en tout cas, elle fait réfléchir. Pour donner une vue un petit peu simpliste des choses, il y a deux points qui font réfléchir les entreprises. La première, c'est Linux, non pas parce que cela fait peur, mais parce que nous sommes dans une économie tendue et que tout le monde cherche à avoir des coûts de fonctionnement moins élevés. Linux répond à ce besoin. Ce système s'est taillé une certaine part de marché en l'espace de quelques années.
Depuis, la perception de Linux a énormément changé, les gens ne sont plus méfiants.
La réflexion une fois de plus est purement économique. J'achète un serveur avec Linux ou Mac OS X Server, c'est beaucoup moins cher d'un point de vue licence, mais quelle est la contrepartie ? Elle est double. C'est le prix du support. La licence sur Linux est gratuite, mais le prix du support est assez conséquent. Il ne faut pas non plus que le support fasse perdre par son prix l'avantage gagné au niveau des licences.
La deuxième chose qu'ils mettent dans la balance, c'est que NT4 est un serveur bien connu et assez simple; il n'est pas nécessaire d'embaucher un responsable informatique de haut vol pour le faire fonctionner. Alors que sur Linux, si je veux mettre en place une architecture Linux avec un annuaire d'entreprise par exemple, il faut avoir des gens très qualifiés. En embauchant des gens très qualifiés au niveau de sa structure informatique, on peut perdre d'un point de vue coût de structure l'avantage qu'on avait à passer sous Linux d'un point de vue coût des licences.
Et c'est là que Mac OS X Server a une position unique.
On a une proposition simple qui est de dire, Mac OS X Server reprend les avantages de Linux (nombre de licences illimitées pour un prix faible), mais par rapport à Linux, nous prétendons avoir un support et une offre de meilleure qualité. Contrairement aux autres, on est responsable du développement du matériel et du logiciel. On pense que notre support est de bien meilleure qualité et moins cher. Nos packs d'extension support sont trois fois moins chers que ce qu'on trouve sur Red Hat Linux avec une offre Dell. Enfin notre dernier atout, c'est la facilité d'emploi de Mac OS X Server. Avec une formation de base, on peut faire l'essentiel (serveur web, partage de fichiers, serveur d'annuaires...). Voilà pourquoi on a une bonne carte à jouer. On a eu à ce sujet un article raisonnablement élogieux dans Décision Micro où Mac OS X Server était présenté comme un serveur UNIX simple à administrer, ce qui est une grosse différence par rapport à Linux.
- Lorsque vous démarchez des prospects, quelle qualité du Xserve mettez-vous en avant en premier ?
- Notre discours est dans un premier temps relatif aux prix. Si cela se passe bien, on parle ensuite de technologies.
Nos interlocuteurs veulent savoir avant tout si on est compétitif. On a pour habitude de se comparer au Dell PowerEdge 1650, le serveur le plus vendu en France, de plus par un acteur majeur au niveau du serveur Linux. On se compare par rapport à une configuration Linux et une configuration Windows 2000 et Windows 2000 Advanced Server sur cette machine.
Aujourd'hui, si vous prenez l'ensemble d'une offre sur un Xserve ou sur un PowerEdge avec les options de support (trois ans sur site,...),
on arrive à avoir un écart de prix de 40 % vis-à-vis d'un PowerEdge Linux ou Windows. Cela nous permet de dire à nos clients qu'Apple a une offre UNIX compétitive. On estime être la meilleure alternative UNIX.
Si on a bien réussi notre discours sur le plan du prix et de la compétitivité, à ce moment-là, les portes s'ouvrent et on parle technologies. Notre différence ensuite au-delà du prix, on l'a fait clairement au niveau technologique, facilité de mise en oeuvre, facilité d'intégration de notre serveur UNIX...
- La presse a souvent jugé votre offre à l'aune de celle de Sun. Trouvez-vous cette comparaison justifiée ?
- On a beaucoup de clients Sun qui sont intéressés par notre démarche et qui ont déjà acheté des unités d'évaluation.
On a une bonne alternative à Sun, que ça soit sur la partie serveur ou sur la partie baie de stockage avec Xserve Raid. La différence avec Sun, qui a un certain nombre de merveilleuses technologies, c'est qu'ils ont toujours essayé de proposer des solutions clients/serveur à leurs clients avec des postes légers sans quasiment de disques durs, en déportant les applications sur des serveurs.
Sun a fait plusieurs annonces de presse de manière récurrente en disant "dans six mois, c'est promis on propose un poste client sur lequel il y a 100 % de logiciels à base Unix et Linux et qui vous permettront d'être indépendant de Microsoft si vous le souhaitez". Ces efforts n'ont jamais été couronnés de succès, commercialement parlant.
Aujourd'hui la différence avec Apple, c'est qu'on a une architecture client/serveur au niveau matériel et logiciel qui a fait ses preuves. C'est pour cela que nous sommes aujourd'hui l'UNIX le plus vendu au monde. Cette solution complète, Sun n'a jamais réussi à commercialiser de bout en bout. Et c'est pour cette raison que je pense qu'on est meilleure alternative du moment.
La chose qu'on n'a pas par rapport à Sun, en revanche, ce sont de très gros systèmes à haute disponibilité ; là Sun est plus en compétition avec des sociétés telles HP et IBM, un marché où Apple n'est pas du tout présent aujourd'hui.
- Comment expliquez-vous l'engouement des éditeurs pour les solutions serveurs d'Apple ?
- C'est assez simple, l'engouement s'est cristallisé autour de Xserve, mais la cause n'est pas là. La cause de cet engouement, il faut la chercher au niveau de Mac OS X Server. Maintenant Mac OS X Server s'exprime vraiment bien sur un Xserve, c'est pour cela que je vous dis que l'engouement s'est cristallisé à ce moment.
Si on regarde le marché de la station de travail du poste client, on va dire, c'est environ 5 % pour le Macintosh, 90 % pour Windows et 5 % pour Linux. Je ne dirai jamais que la bataille est perdue, mais Microsoft occupe une position dominante ici. Quand on va voir des éditeurs logiciels pour leur proposer de porter leurs solutions sur Mac OS X, la discussion est avant tout économique : "les temps sont durs, porter ma solution pour Mac OS X, c'est un investissement pour 5 % du marché, est-ce que cela vaut le coup pour moi, éditeur de logiciels ?" La discussion est très rationnelle et purement économique. 5 % contre 90 %. Sur le client Mac OS X, on s'efforce surtout de transtionner les solutions qui existaient déjà sous Mac OS 9 pour aider à nos clients à migrer.
Quand on passe côté Mac OS X Server, on n?est plus du tout dans ce rapport de force 5 % contre 90 %, mais dans un rapport de force 40/60 ou 50/50. Si vous regardez le marché des serveurs en France en valeur économique c'est à dire en euro dépensé, il y a 50 % des euros qui sont dépensés pour des plateformes UNIX en général (Solaris, HP, Linux, Mac OS X Server) et 50 % des euros qui sont dépensés pour la plateforme Windows. La, on n'a plus un rapport 5/90 mais 50/50. Si on prend en terme d'unités le nombres de serveurs vendus, c'est 60 % pour Windows et 40 % pour Unix. Microsoft fait beaucoup de volumes avec de petits serveurs de fichiers NT/4 Windows 2000.
Quand vous êtes Oracle et que vous regardez cette photo, que vous avez un Mac OS X Server qui est stable et robuste et que vous recherchez de nouveaux débouchés et si vous rajoutez à cette équation qu'Apple est la société qui vend le plus de licences dans le monde UNIX, vous vous dites que "
Xserve / Mac OS X Server représente mon meilleur espoir de croissance dans les années à venir". Des sociétés comme Oracle, HP, Sybase, qui ne sont absolument pas des philantropes, sont venus nous voir pour travailler avec nous simplement parce que
pour eux c'est un débouché qui est potentiellement très juteux. On n'a pas eu à batailler. Il nous a fallu travailler de manière qualitative.
- Quels types de solutions manque-t-il à Xserve/Mac OS X Server pour le moment ?
- Il nous manque peut-être certaines solutions verticales sur des marchés qu'on aimerait attaquer, mais sur lesquels on n'a peut-être pas encore réussi à convaincre. J'aimerai bien qu'on ait plus de solutions verticales dites de CFAO et de CAO qui soient portées sur Mac OS X Server. On ne les a pas toutes aujourd'hui.
J'aimerai bien avoir un serveur Exchange porté sur Mac OS X Server, non-pas pour vendre des serveurs Exchange, mais pour faciliter la transition de serveurs de mail Microsoft vers des solutions Apple. Aujourd'hui, il n'y a pas de serveurs 100 % Exchange qui tournent sur Mac OS X Server.
Hormis ces cas verticaux, tous les gros éditeurs du monde logiciel UNIX sont venus nous voir et travaillent avec nous.
L'un des plus gros sujets de satisfaction aujourd'hui chez Sybase, c'est d'avoir porté leurs solutions sur Mac OS X.
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