La fête est finie. Apple a prévenu hier soir les investisseurs que ses résultats financiers de fin 2018 seront inférieurs à ceux escomptés. Cette alerte sur résultats est une communication rare de la part d’Apple. C’est même une première depuis que Tim Cook est CEO. Il faut remonter à juin 2002 pour trouver le précédent avertissement.
Apple, qui avait lancé l’iPod neuf mois auparavant, avait alors annoncé que son chiffre d’affaires ne serait pas de 1,6 milliard de dollars, comme elle l’attendait, mais de 1,4 à 1,45 milliard. Une alerte tenant en deux paragraphes, dont cette déclaration de Steve Jobs :
Comme d’autres dans notre industrie, nous assistons à un ralentissement des ventes ce trimestre. En conséquence, nous allons rater nos prévisions de chiffre d’affaires d’environ 10 %, ce qui se traduira par une légère baisse des bénéfices. Nous avons de nouveaux produits incroyables en préparation, et nous sommes donc enthousiastes pour l’année à venir. En tant qu’une des rares entreprises à faire des bénéfices sur le marché du PC, nous restons très optimistes quant aux perspectives de croissance à long terme d’Apple.
La « lettre de Tim Cook aux investisseurs » est autrement plus longue. Dans celle-ci, le dirigeant s’attache à expliquer point par point les causes d’un trimestre en dessous des attentes (timing de lancement des iPhone, force du dollar américain vis-à-vis des autres monnaies, problème d’approvisionnement et surtout ralentissement de l’iPhone en Chine), puis énumère les activités qui se portent bien et les raisons de garder confiance. Steve Jobs, lui, était beaucoup plus expéditif, se contentant de promettre de « nouveaux produits incroyables » et de se comparer favorablement à la concurrence.
Le blogueur John Gruber voit dans ces deux communiqués les différences de styles, de personnalités même, des deux derniers CEO d’Apple, et regrette « l’arrogance de Jobs, qui a pu lui jouer des tours, mais qui était aussi sa grâce salvatrice. » « Je pense que l’humilité sincère de Cook freine Apple dans des jours comme ceux-ci. Apple avait moins besoin de dire “Je suis désolé, laissez-moi m’expliquer”, que “Tout ça, ce sont des conneries, voilà les explications” », argue John Gruber.
Si la différence de personnalité entre Steve Jobs et Tim Cook est indéniable, Apple n’est pas non plus dans la même position qu’en 2002. D’outsider remontant progressivement la pente, elle est devenue l’entreprise à la plus forte capitalisation boursière au monde — jusqu’à il y a peu.
L’échelle de la Pomme a été démultipliée. Tim Cook a annoncé hier que le chiffre d’affaires du dernier trimestre 2018 devrait être de 84 milliards de dollars, soit 5 à 9 milliards de dollars de moins que ce qui était prévu initialement. Rien que cet écart dépasse le chiffre d’affaires global de 2002.
Tim Cook, qui marche sur des œufs, va tenir aujourd’hui une réunion avec les employés d’Apple pour répondre à leurs questions, rapporte le journaliste Mark Gurman.