Alors que le vent souffle sur l’Hexagone, il est possible qu’un vent de renouveau atteigne bientôt les côtes de la Californie... Après tout, rien n’est éternel, non ? Que ce soit les produits ou les humains. Et après l’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, écoutons-donc les enseignements de l’homme qui écoutait aux murs de Cupertino, Mark Gurman.
When All Is Said and Done (Quand tout est dit et fait)
Tim Cook va avoir 65 ans, et cela fera 15 ans en 2026 qu’il tient les rênes d’Apple, depuis qu’il a pris la place de Steve Jobs en tant que CEO le 24 aout 2011. Autrement dit un paquet d’années, et l’homme se dirige petit à petit vers ce qu’on pourrait appeler la « limite d’âge du grade ». Cependant, même si Cupertino a été un modèle de stabilité pendant une dizaine d’années à quelques exceptions près (Jony Ive notamment, ou encore Angela Ahrendts), il arrive un moment où nombre des têtes d’affiche atteignent un âge avancé, ou veulent de la nouveauté.
Jeff Williams, COO et n°2 d’Apple, quittera son poste à la fin du mois
Et s’il devait y avoir un « top départ » pour les grandes manœuvres, il a sûrement été donné cette année : le départ de Jeff Williams, pourtant pressenti pendant des années pour succéder à Tim Cook, lance une période d’incertitude où nombre de personnes pourraient partir.
Le premier d’entre eux pourrait être John Giannandrea : après les échecs de la WWDC 2024, l’homme a perdu énormément de sa superbe, et de ses équipes. Il est clairement dans une posture délicate. Cependant, celui qui le remplacerait n’est pas forcément une évidence : si Mike Rockwell, qui a pris une bonne partie de ses fonctions concernant Siri était le plus en vue, il semblerait que ce ne soit plus le cas. Apple chercherait à recruter une des têtes de pont de l’IA de Meta pour remplacer Giannandrea. Dans un sens, vu le nombre d’ingénieurs Apple récupérés par Meta, ce ne serait qu’un ironique retour des choses.
Meta a encore capturé un ingénieur IA d’Apple, le sixième depuis juillet
Les choses ne sont pas totalement claires, et Apple pourrait aussi très bien racheter une startup pour récupérer des cerveaux. Quoi qu’il en soit, c’est le remplacement le plus urgent actuellement, pour sortir Apple de l’ornière de l’IA.
L’autre grand départ possiblement imminent serait celui de Johny Srouji, le responsable Hardware Technologies d’Apple. Si ça devait arriver, ou plutôt quand ça arrivera, il laissera un grand vide difficile à combler : l’homme est responsable de l’incroyable succès d’Apple dans le domaine des SoC depuis nombre d’années, avec les séries Ax dans les iPhone et iPad, puis les Mx dans les Mac. Dernièrement, il a aussi mené au succès de Cupertino dans le domaine des puces radio, avec le C1 puis le N1, respectivement le premier modem et la première puce Bluetooth/Wi-Fi du constructeur.
Pour le moment, Johny Srouji semble ne pas avoir pris de décision définitive. Dans ses équipes, deux personnes auraient les préférences des dirigeants pour le remplacer : Zongjian Chen, ingénieur à la tête de l’équipe qui a créé le modem C1, et Sri Santhanam, responsable de l’équipe dédiée aux processeurs.
Un autre départ possible serait celui de Lisa Jackson. Si ces dernières années celle qui était entrée pour s’occuper de l’aspect écologie chez Apple a pris plus de responsabilités, prenant en charge les relations avec le gouvernement, l’accessibilité et les initiatives sociales, elle a cependant dû se faire discrète depuis début janvier. En effet, son précédent poste avant d’entrer chez Apple la met en difficulté avec l’administration actuelle : elle était directrice de l’EPA (Environmental Protection Agency, l’agence de protection de l’environnement) sous l’ère Obama, double tare pour le locataire actuel de la Maison Blanche qui n’aime pas les Démocrates, et encore moins l’EPA, dont il a drastiquement diminué les rôles et le budget depuis son arrivée.
The Winner Takes It All (Le vainqueur remporte tout)
Mais LA question reste celle du remplacement de Tim Cook. Si l’homme ne semble pas si pressé de passer la main, arrivera un moment où ce sera inéluctable. Son remplaçant le plus en vue est maintenant John Ternus. À 50 ans, soit l’âge qu’avait Tim Cook quand il a pris la place de Steve Jobs, l’homme a tout pour plaire : charismatique, aimé par les fidèles d’Apple et appuyé par Tim Cook, c’est aussi un ingénieur de formation. Et cette dernière caractéristique est peut-être encore plus importante que les autres, tant le Board sait qu’un ingénieur serait préférable à un économiste pour remplacer le CEO actuel.
En effet, alors qu’Apple avait besoin de se consolider et de monter en puissance après le décès de Steve Jobs, l’heure est maintenant au retour de l’audace, pour ne pas s’endormir sur ses lauriers. Apple a définitivement besoin de bouger, de montrer qu’elle est capable d’innover, sous peine de finir comme IBM, ou pire... comme Nokia (on n’en est pas encore là, heureusement).
John Ternus serait-il le futur CEO d’Apple ?
Et les responsables des relations presse semblent aller en ce sens : John Ternus est de plus en plus mis à la lumière, multipliant les apparitions dans les keynotes, et prenant la parole dans des interviews. Récemment, c’est lui qui a rendu visite à l’Apple Store de Regent Street à Londres pour le lancement des nouveaux iPhone, quand Tim Cook faisait de même à New York.
Et que deviendrait Tim Cook ? Pas d’inquiétude pour lui : une fois son rôle de CEO passé, il est plus que probable qu’il devienne Board Chairman, un peu l’équivalent du « Président du Directoire » dans les grandes entreprises françaises, comme l’ont été Jeff Bezos, Larry Ellison ou encore Bill Gates dans leurs entreprises respectives.
Take a Chance On Me (Tente ta chance avec moi)
D’autres évolutions, moins majeures, ont lieu à la tête d’Apple avec l’arrivée de nouveaux Vice-Présidents :
- Fletcher Rothkopf, qui a travaillé sur le Vision Pro et sur une bonne part de la partie matérielle des lunettes à venir.
- Omar Alwarid, qui travaille dans la section achats.
- Inva Krstic, responsable de la part sécurité du développement matériel.
Don’t Shut Me Down (Ne m’arrête pas)
Apple aurait mis en pause sa version plus légère et moins chère du Vision Pro, connu en interne sous le nom N100. En effet, toutes les ressources disponibles auraient été mises sur le développement des lunettes intelligentes, que ce soit la version sans écran comme celle avec écran, afin de rattraper au plus vite Meta, bien lancée dans le segment.
Cependant, ce n’est pas la mort du Vision Pro pour autant : une nouvelle version dotée d’un SoC plus puissant serait toujours prévue pour les mois à venir, sous le nom N301A en interne. En plus d’un processeur plus puissant, elle aurait droit à un strap modifié afin de rendre l’appareil plus agréable durant les sessions qui s’étendent un peu.
Le changement de direction rapide vers les lunettes connectées n’est pas illogique : Apple est en temps normal une marque faisant des produits achetés en masse. Ce n’est pas le cas d’un casque de réalité augmentée qui isole complètement le porteur, donc destiné à être utilisé peu fréquemment en dehors de quelques cas d’usage professionnel ou de quelques passionnés, d’autant plus à un prix très élevé de plus de 3 000 dollars. Les lunettes connectées sont un marché bien plus vaste, collant mieux aux habitudes d’Apple.
Gimme! Gimme! Gimme! (A Mac After Midnight)
Si la tête d’Apple risque bientôt de jouer au chamboule-tout, ce n’est pas sans cohérence pour autant, et il y a fort à parier que tout sera extrêmement bien planifié, pour ne laisser aucun trou ni aucune pause, tant l’environnement actuel change rapidement : il ne faudrait pas ralentir encore plus, au risque de rester à la traîne trop longtemps. Les mois à venir devraient être intéressants, tant niveau produits que niveau gestion interne. En attendant, je vous souhaite une bonne semaine, et à dimanche prochain !
