L'affaire du "cartel de l'embauche" se referme pour 415 millions de dollars

Florian Innocente |

L'affaire du « Cartel de l'embauche » s'approche de son épilogue avec une somme de 415 millions de dollars (371 millions d'euros) négociée entre Apple, Adobe, Google et Intel d'un côté et les avocats représentant quelques 64 000 salariés, explique Reuters. Des employés qui vont se partager une maigre somme une fois déduits les honoraires de leurs avocats.

Ce dossier est ouvert depuis 2011 et il s'appuyait sur de nombreuses correspondances entre les patrons de l'époque. Notamment Steve Jobs et Eric Schmidt qui avaient établi des règles officieuses pour éviter de se chiper leurs employés. Au grand dam des plaignants qui estiment avoir vu leur parcours professionnel gêné par ces manoeuvres.

Ed Colligan et Jon Rubinstein

Certains patrons avaient refusé de participer à cette entente illicite, à l'image d'Ed Colligan, ancien directeur de Palm, qui avait répondu en 2007 à la proposition de Steve Jobs (lire aussi Nouveaux détails sur le pacte de non-agression dans la Silicon Valley & Pacte de non-agression : lorsque Steve Jobs menaçait Palm). Palm avait reçu le renfort de Jon Rubenstein, ancien élément majeur de l'équipe de Jobs.

Comme vous, l'une de mes tâches les plus importantes est de constituer une équipe de haut niveau. Je sais que c'est difficile lorsqu'un employé respecté décide de s'en aller pour se mesurer à de nouveaux challenges, mais comme vous l'avez dit au téléphone 'C'est l'Amérique', nous ne pouvons pas obliger quelqu'un à travailler là où il ne le veut pas, et nous ne devons pas non plus essayer de le faire. Je ne peux pas retirer à une personne qui a choisi de venir chez Palm le droit de le faire au seul prétexte qu'il travaille chez Apple, et je ne le ferai pas pour les employés de Palm. On peut tous les deux essayer de les en dissuader, mais au bout du compte, c'est leur choix et nous devons le respecter.

Ce à quoi Steve Jobs avait répondu par une menace à peine voilée si son homologue n'entrait pas dans le jeu :

Ce n'est pas satisfaisant pour Apple. Ce n'est pas simplement à propos de certains de nos employés qui décident d'aller chez Palm. Ils sont activement débauchés grâce à des informations fournies par Jon Rubinstein et Fred Anderson (ex-directeur financier d'Apple et membre d'Elevation Partners) avec Jon qui participe personnellement à ces recrutements.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire cesser cela. Je suis certain que vous réalisez l'asymétrie entre les ressources financières de nos deux entreprises lorsque vous dites 'Nous finirons simplement par payer beaucoup d'argent à nos avocats'.

Juste pour information, lorsque Siemens a vendu son activité de terminaux mobiles à BenQ, ils ne leur ont pas vendu leurs brevets les plus importants, mais simplement accordé une licence. Les brevets qu'ils ont vendus à BenQ ne sont pas si formidables que ça. Nous les avons consultés aussi lorsqu'ils étaient en vente. Je suppose que vous avez vu les choses autrement et vous les avez achetés. Ils ne nous inquiètent absolument pas. Mon conseil est que vous jetiez un oeil à notre portefeuille de brevets avant de prendre une décision définitive sur le sujet qui nous occupe.

Au tout début de cette procédure en justice, la somme de 3 milliards de dollars à verser aux plaignants avait été évoquée. L'an dernier, la juge Koh avait rejeté une offre à 324,5 millions, la trouvant insuffisante. La présidente doit maintenant valider officiellement cet accord à l'occasion d'une nouvelle audience du tribunal mais elle a déjà fait savoir aux avocats des plaignants son accord de principe.

avatar Giloup92 | 

Si je calcule bien, ça fait 6500$ par employé. La moitié pour les avocats en comptant large. Il reste par grand chose , avec le risque de se retrouver sur la liste noire des mauvais coucheurs de la Silicon Valley.

avatar Mécréant | 

@Giloup92:

"avec le risque de se retrouver sur la liste noire des mauvais coucheurs de la Silicon Valley"

Oui, heureusement qu'ils sont 64.000 à porter plainte et non 64...

avatar amiga500 | 

une paille pour eux...

avatar Sometime | 

Cette affaire est proprement scandaleuse

avatar Mécréant | 

"On peut tous les deux essayer de les en dissuader, mais au bout du compte, c'est leur choix et nous devons le respecter"

VS

"Ce n'est pas satisfaisant pour Apple. (...) Je suis certain que vous réalisez l'asymétrie entre les ressources financières de nos deux entreprises lorsque vous dites 'Nous finirons simplement par payer beaucoup d'argent à nos avocats'"

Ah oui, quand même...

avatar béber1 | 

je n'excuse en rien ni ne valide les propos de Jobs.

Je me pose la question de savoir si les propos auraient été les mêmes en sens inverse,
à savoir dans le cas où Palm avait perdu un de ses plus grands employés, qui avait bossé sur un projet qu'il avait visiblement décidé de porter chez Apple.

Je suis pour la liberté,
mais j'avoue qu'étant patron (je ne suis pas), cela m'emmerderait sans doute assez fort de voir un employé emmener dans ses cartons les grandes ligne d'un projet secrêt elaboré dans la boite
(Projet "Purple 1" linux avec Steve Sakoman, refilé trop tard à Tony Fadell et abandonné au profit du projet "Purple 2" osx de Scott Forstall).

Mais où en serait l'émulation et les progrès s'il n'y avait pas de possibilités d'expression ailleurs et de continuation de projets dans d'autres boites plus ouvertes?

avatar Spry | 

@béber1 :
Généralement, dans les entreprises à forte innovation, les employés qui bossent sur des projets en rapport avec des secrets industriels ont un contrat avec une clause de non-concurrence leur interdisant de bosser dans une entreprise du même domaine pendant une durée déterminée.

C'est clair. C'est noté. Toutes les parties sont au courant.

Le souci, c'est quand ce n'est pas dit. Au même titre qu'il est scandaleux de ne pas pouvoir accéder à un boulot parce qu'on habite pas au bon endroit, il est anormal de ne pas pouvoir bosser dans telle ou telle boîte à cause d'un accord "secret" entre les dirigeants.

Ne parlons même pas du paradoxe des chasseurs de têtes qui vont justement chercher à débaucher les employés des entreprises concurrentes d'un secteur pour grossir les rangs de leurs clients. Toute la responsabilité est portée sur l'employé qui aura donc quitté l'entreprise A pour l'entreprise B, qui refusera donc de le prendre, le laissant donc sans rien.

avatar Mécréant | 

@béber1:

Je ne suis pas sûr de vous comprendre: Jon Rubinstein aurait proposé ce projet "Purple 1" à Palm? Il me semble qu'il est possible d'intégrer une clause de confidentialité à un contrat de travail...
D'ailleurs, le type de Palm parle de "nouveaux projets" et ce qui a l'air d'énerver Jobs, c'est que Rubinstein, en plus d'avoir quitté le navire, tente d'embaucher ses anciens collègues. Il arrive, lorsque l'ambiance dans une boîte est mauvaise que plusieurs employés quittent le navire en même temps, ce n'est pas spécialement pour refaire le même projet ailleurs...

Si maintenant par "emmener dans ses cartons" vous voulez dire "abandonner le projet", bien que je sois plutôt du genre à achever les projets entamés, je dois avouer que je ne vois pas trop le problème: c'est la loi du marché! (pour une fois qu'elle est en faveur des employés...)

J'avoue ne jamais avoir entendu parler de ces Purple 1 et 2 auparavant. La première référence en français que j'y trouves dans google (https://www.macg.co/aapl/2010/07/une-histoire-de-smartphones-apple-80376) ne fait pas allusion à Rubinstein, mais à une équipe française...

Quant à savoir si ça se serait passé différemment dans l'autre sens... ça me semble impossible à savoir et visiblement Palm n'aurait pas pu se payer la tête d'Apple, si j'en crois la menace de Jobs!

avatar béber1 | 

je n'ai pas dit que c'était le même projet,
mais il serait surprenant que j. Rubinstein ait quitté Apple, d'ailleurs au moment ou son projet de Purple1 linux allait en défaveur par rapport à celui de Forstall
(ce que T. Fadell a reconnu en optant finalement pour l'adaptation OS X de Forstall :
https://www.macg.co/2012/11/tony-fadell-solde-ses-comptes-avec-scott-forstall-33451/page/1/0 )

…en ayant complètement oublié les axes principaux de ses travaux de développement.
WebOS est un OS mobile sur une base linux il me semble, non?

Par ailleurs T. Fadell raconte dans son "règlement de compte", comment Forstall, le petit protégé de Jobs, avait "à de multiples occasions mis des batons dans les roues de l'équipe concurrente - récupérant les meilleurs ingénieurs, cachant les développements en cours (…)"

Sous cet angle, le départ de Rubinstein et de Sarkoman peut ne pas apparaitre comme si paisible que cela, lui qui a été un ancien de NeXT, un proche de Jobs et le vice-président senior de la division iPod (et iMac) .

Que penser quand on se rappelle que ses équipes à Palm ont plusieurs fois à la suite hacké les protocoles d'iTunes
http://daringfireball.net/2009/06/webos_itunes_integration

On peut penser que Palm avait tout intérêt à tenter par un petit coup de force de se faire sa place dans l'écosystème musical de la Pomme, mais la méthode était-elle la meilleure?
était elle voué à réussir ou plus certainement à échouer?

Et finalement, est-ce que cela ne ressemblait pas à des petits règlements de compte à distance?

En tous cas, Jobs a tout de suite senti la menace, qu'une société concurrente comme Palm ait pu avoir dans ses rang un ingénieur informatique de la stature de Rubinstein, qui plus est, avec des connaissances de 1er plan sur ses recherches&developpements…

Mais dans cette affaire, plus que toute les autres qui sont toutes aussi condamnables sur le principe, je ne peux m'empêcher de voir qu'il y a eu plus qu'un simple désir d'entente entre entreprises, que si cela a dégénéré par la suite, c'est qu'il y avait des problèmes d'egos et de craintes de la part de Jobs que certains acquis de sa boite puisse passer chez un concurrent.

Après, tout cela n'est que suppositions, avec des bribes d'infos croisées ça et là.
Mais cela y ressemble fort.

avatar Mécréant | 

@béber1 :
Vos informations me donnent l'impression qu'il a eu raison de quitter le navire: mauvaise ambiance, bâtons dans les roues, etc. Il est logique dans ces conditions à chercher un endroit où l'herbe est plus verte...

avatar béber1 | 

Si j'ai bien tout suivi, il me semble que cette période de tensions se passe entre 2005 et 2006.

C'est aussi une époque charnière, puisque c'est l'époque du passage à Intel, et Dwigt
https://www.macg.co/2011/10/projet-iphone-os-fadell-donne-sa-version-35005
dit aussi que c'était aussi l'une des raisons qui aurait fait partir Jon Rubinstein d'Apple.

Il se peut en effet qu'il y ait eu pas mal de discussions, de choix à faire (G5 plafonnants), donc de désaccord et de discussions violentes, avec un Forstall visiblement assez ambitieux et faisant tout pour être dans les petits papiers de Jobs.

Les croc-en-jambe, les débauchages d'ingénieurs, les secrets gardés, etc… au dépens de l'equipe du Purple 1, avant que Tony Fadell en "hérite" après le départ de Rubinstein et Sarkoman, avait tout pour plaire au patron parce que c'est ce que Jobs lui-même avait pratiqué au sein d'Apple quant il avait repris/arraché le projet Macintosh à Jeff Raskin et qu'il pillait les acquis réalisés sur son propre projet du Lisa. Il y a une photo qui montre l'équipe et le drapeau des "pirates" du Macintosh
http://www.folklore.org/StoryView.py?project=Macintosh&story=Pirate_Flag.txt&sortOrder=Sort+by+Date&characters=Steve+Capps&showcomments=1

Il y a aussi un autre témoignage concernant Dan Dobberpuhl, dirigeant alors la startup PA Semi, qui raconte comment ce dernier était entré dans une colère noire
https://www.macg.co/2006/05/lautre-option-dapple-16846
quand il avait appris qu'Apple avait finalement opté pour l'architecture Core d'Intel plutôt que pour son PWRFicient.
Je relate ça pour qu'on essaie d'imaginer les enjeux, les tensions qui traverser la vie des entreprises, et des fois aussi les usures, les oppositions d'égos et les clashs entre personnes qui peuvent aller jusqu'à la rupture.

Je ne sais rien de se qui s'est passé et des vraies raisons qui ont poussé Rubinstein à partir, pourtant un des fidèles de Jobs depuis 1990 et l'époque NeXT.

Mais quelque chose me dit que si les dirigeants de Palm sont venus le trouver,
je pense que c'est parce qu'il avait plus ou moins et de manière officieuse fait valoir son expérience ou son projet de vouloir élaborer un OS mobile moderne, fondé sur Linux, pour une nouvelle génération de mobiles à mêmes de concurrencer des smartphones comme l'iPhone qu'il savait en préparation,
et que pour ce faire, il avait .. disons engrangé quelques compétences et connaissances issus de son expérience à Cupertino...

La suite on la connait

Sur PA Semi voir aussi
http://www.macplus.net/chronique-18051-apple-pa-semi-1
car c'est pas dit que son rachat n'ait été fait que pour les iMobiles

avatar Moonwalker | 

Tu mélanges tout et n'importe quoi.

Macintosh <> Lisa c'était de la cuisine interne.

Le problème de Rubinstein c'est l'intérim à la première opération de Jobs : Tim Cook. Je le crois alors plus concerné par son égo que par une architecture processeur en fin de vie. Il voulait être le Calife à la place du Calife. On lui a dit non, il est parti. Après, il a profité de l'aventure Palm pour faire des coups de pute à Apple. Il aurait mieux fait de s'occuper plus de son téléphone. Il n'aurait pas été une merde infâme s'il n'avait pas passé son temps à essayer de casser iTunes pour y synchroniser sa daube, violant jusqu'aux règles de l'USB forum. La suite de Palm on la connait : un OS original sur un hardware de merde et Rubinstein en tâcheron jetable (et finalement jeté) chez de Hewlett-Packard.

La pertinence du choix d'Intel ne se discute plus neuf ans après les faits. Pas plus que la pertinence du choix d'OS X à la place de Linux concernant l'iPhone. Apple a racheté PA Semi pour ses technologies et sa matière grise. Ce qu'ils en on fait, ce qu'ils en feront encore, ça les regarde.

Sinon, pour le reste, c'est du Steve Jobs dans toute sa splendeur. Le patron de Palm avait raison mais Jobs était un type trop passionnel pour voir les choses correctement. Il prend la remarque sur les avocats comme une attaque, alors que sans doute l'autre ne voyait que les problèmes légaux que tout cela allait entraîner un jour.

Les patrons de la Valley aiment la libre entreprise quand elle sert leurs intérêts mais ils n'hésitent pas à s'affranchir de ses principes dans le cas contraire. Ils se sont fait prendre les doigts dans le pot de confiture et ne s'en tirent pas trop mal. Rien que de très banal.

avatar Giloup92 | 

@Mécréant
Avec un bon tableur et un tri par nom , pas de problème !

avatar Mécréant | 

@Giloup92:
Le problème n'est pas la méthode, mais de pouvoir se passer de 64.000 employés... Je veux bien que pour une grosse société un être humain se remplace, mais 64.000 personnes travaillant dans un domaine spécialisé (je suppose que ces accords ne concernent pas les vendeur en Apple Store) dans la même région...

avatar arekusandoro | 

6500$ super...une belle enfilade !

avatar Vanton | 

J'ai quand même l'impression en lisant Jobs que ce qui l'emmerdait c'était les sollicitations actives des autres boites.

Qu'un employé décide de lui même de partir c'est une chose. Mais qu'une entreprise vienne le démarcher et lui promettre des montagnes d'or pour le faire quitter votre boite, c'est un peu different.

J'ai le sentiment que c'est le second cas qui énervait Jobs.

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