Un « triste jour » pour le web, c'est ainsi que Tristan Nitot commente la décision d’Opera d’abandonner son propre moteur de rendu en faveur de WebKit. Comme une pique envers Google, un des principaux contributeurs au projet WebKit, l’évangéliste Mozilla fait remonter un lien vers un article expliquant qu’aux origines de Chrome OS, on trouve Firefox !
Chrome OS.
Jeff Nelson est souvent considéré comme l'« inventeur » de Chrome OS, mais il est en fait l’inventeur de Google OS : il a commencé à développer son système plusieurs mois avant le début des travaux sur Chrome. Son idée était de développer un système qui ne fasse tourner que des webapps et qui serait donc une sorte de gros navigateur au-dessus d’un noyau Linux : il a fait le choix de Firefox. Ironie de l'histoire, Firefox OS n'est aujourd'hui pas très différent de ce principe.
En 2006, Nelson développait des webapps pour Google et était particulièrement frustré par les navigateurs existants, notamment par leur lenteur de lancement. Alors que les SSD étaient encore très chers, tout son système était placé sur un RAM-disque, extrêmement rapide : le lancement de Firefox passait de 45 secondes à 1 seconde.
Les RAM-disques possèdent l’inconvénient de perdre toutes leurs données si le courant est coupé : ce n’était pas un problème pour Nelson, puisque toutes les apps étaient des webapps et que toutes les données étaient sauvegardées en ligne. Encore aujourd’hui, Google se vante que Chrome OS empêche toute perte de données.
Mais à l’époque, les cadres de Google n’étaient pas convaincus par le projet de Nelson, qui reprenait certes un concept bien connu, celui du client léger, mais voulait le faire sortir des entreprises et des institutions. La principale critique était l’absence d’un mode hors-ligne, un défaut depuis réglé grâce au cache local de HTML5.
Pourquoi Nelson a choisi Firefox plutôt qu’un navigateur WebKit ? Il ne le dit pas, mais son choix est peut-être lié à la réputation sulfureuse d’Apple en matière de libre, elle qui a mis trois ans à rendre WebKit complètement open-source. En 2006, WebKit n’était open-source que depuis quelques mois, alors que Gecko l’était depuis huit ans. La décision d’Opera d’abandonner Presto au profit de WebKit divise aujourd’hui les acteurs du web, avec des arguments qui rappellent ceux de l’époque.
Certains, dont Nitot et derrière lui la fondation Mozilla, craignent que ce projet emmené par les poids lourds que sont Apple et Google freine l’innovation que seules la concurrence et la diversité garantiraient. Ils rappellent qu’Opera est à l’origine de très nombreuses innovations (onglets, recherche intégrée, raccourcis gestuels, « top sites », etc.), une caractéristique qui pourrait s’effacer avec ce ralliement à WebKit, piloté par deux sociétés qui ont leurs propres objectifs.
Les autres rappellent qu’avec le WHATWG, les développeurs d’Apple, Mozilla et Opera ont très largement fait évoluer le web ces dernières années (HTML5, Microdata, etc.), et qu’il n’y aucune raison que cela change. Ils font remarquer qu’alors qu’ils partagent le même moteur, Safari et Chrome sont très différents, Google et Apple travaillant sur deux moteurs JavaScript différents, deux concepts d’interface différents et deux services de synchronisation différents. Et qu’il n’y aucune raison qu’Opera ne continue pas à se distinguer sur ces trois aspects.