Qu'attend Apple pour rafraîchir le Mac Pro, si tant est qu'une mise à jour est bien au programme ? C'est la question que les utilisateurs professionnels sont en droit de se poser après presque trois ans d'immobilisme. Car, faut-il le rappeler, le Mac Pro tubulaire n'a pas été pensé pour être évolutif, contrairement à son prédécesseur. Et pour couronner le tout, sa fiabilité lui fait défaut.
Alors qu'Apple avait lâché des bribes d'infos sur le cylindre dès 2012 pour rassurer la communauté (« nos clients professionnels sont très importants pour nous [...] ne vous inquiétez pas, nous travaillons sur quelque chose de vraiment génial », avait répondu Tim Cook à une personne soucieuse), les utilisateurs font cette fois-ci face à un silence assourdissant.
Le seul indice un tant soit peu tangible auquel on peut s'accrocher remonte à novembre 2015, quand un bidouilleur a trouvé dans El Capitan un nouvel identifiant, AAPLJ951, similaire à celui du Mac Pro actuel (AAPLJ90,1), et la mention de 10 ports USB-C.
Les Xeon v4 Broadwell, des pierres d'achoppement ?
Qui dit USB-C, dit Thunderbolt 3, au moins en partie. On n'imagine pas une autre connectique majoritaire que le Thunderbolt 3 dans le prochain Mac Pro : la technologie a été lancée l'année dernière, les MacBook Pro Touch Bar en sont largement garnis et le cylindre ne compte que sur l'extension externe. Rester maintenant sur du Thunderbolt 2 serait malvenu.
Mais justement, est-ce que ce n'est pas le Thunderbolt 3 qui « bloque » une mise à jour actuellement ?
On l'a dit, le Thunderbolt 3 a été lancé l'année dernière, en même temps que Skylake, la sixième génération de processeurs Core, en fait. C'est ainsi que, un an avant les MacBook Pro 2016, on a vu débarquer des PC (portables) avec processeur Skylake et ports Thunderbolt 3.
Oui mais voilà, les processeurs Xeon utilisés par le Mac Pro ont un temps de retard sur les puces Core grand public. Les Xeon E5 v4, les derniers en date qui ont été lancés en mars dernier, reposent sur l'architecture Broadwell, qui précède Skylake (pour rappel, le Mac Pro a des Xeon E5 v2 Ivy Bridge).
Un problème pour la prise en charge du Thunderbolt 3 ? En théorie, non. Intel avait indiqué lors du lancement que le protocole n'était pas associé à Skylake. Sur le papier, à condition d'avoir le contrôleur Alpine Ridge, un ordinateur équipé d'un processeur (Core ou Xeon) Broadwell est compatible avec le Thunderbolt 3.
En pratique, tous les ordinateurs Thunderbolt 3 ont des puces Skylake à notre connaissance. En août 2015, Alienware avait dévoilé des portables Thunderbolt 3 avec processeurs Broadwell (et même Haswell, plus ancien), avant d'annoncer quelques jours plus tard qu'ils seraient finalement motorisés par Skylake.
Pas de nouveau Mac Pro, parce que pas de Thunderbolt 3, parce que pas de Xeon E5 Skylake ? C'est possible. Il faut savoir qu'Intel gère étroitement le Thunderbolt. Si Apple voulait réaliser son propre contrôleur, comme elle le fait depuis peu avec les SSD, il n'est pas sûr qu'elle puisse le faire. Intel est le seul fabricant de contrôleurs Thunderbolt 3 (Alpine Ridge) à l'heure actuelle.
Le Thunderbolt 3, objet de toutes les précautions
À cela s'ajoute l'exigence d'Apple vis-à-vis du Thunderbolt 3. Des personnes bien au fait de la technologie nous ont indiqué que le constructeur a attendu qu'elle se stabilise avant de s'y investir pleinement. Ce serait une des raisons pour lesquelles les nouveaux MacBook Pro sont sortis si tardivement.
Cette exigence s'est d'ailleurs manifestée par l'incompatibilité des portables avec certains périphériques Thunderbolt 3 lancés antérieurement. Car Apple ne se contente pas de la certification Intel, elle a des exigences plus strictes, comme l'emploi d'un contrôleur USB-C plus récent.
Qui plus est, on nous a raconté que Cupertino avait fait une razzia sur des composants liés au Thunderbolt 3 pour les MacBook Pro, sans qu'on sache si cela a pu avoir un impact sur un éventuel nouveau Mac Pro.
La lumière au bout du tunnel ?
Mais cette semaine, Intel a peut-être allumé la lumière au bout du tunnel. Le fondeur a annoncé succinctement l'arrivée des Xeon E5 v5 à la mi-2017.
Non seulement cette nouvelle génération sera basée sur l'architecture Skylake qu'Intel semble requérir pour le Thunderbolt 3, mais en plus elle va augmenter le nombre de lignes PCIe, ce qui sera plus que bienvenu, puisque le Mac Pro en manque déjà.
Le cylindre dispose en effet de 40 lignes de PCIe 3.0 actuellement, dont 32 sont accaparées par les deux GPU. Ne restent donc que 8 lignes, alors qu'il en faudrait 12 pour les 6 ports Thunderbolt 2 (ils demandent chacun 2 lignes PCIe 3.0). Apple a une astuce : un commutateur pour « transformer » les lignes PCIe 3.0 en un plus grand nombre de lignes PCIe 2.0 (lire : Mac Pro : les ports, c'est important, et pourtant…).
Imaginez maintenant le casse-tête avec 6 ports Thunderbolt 3 requérant chacun 4 lignes PCIe... L'avantage du Xeon E5 v5 Skylake, c'est qu'il a 48 lignes PCIe 3.0 au lieu de 40, ce qui permettrait de gérer déjà pleinement 4 ports Thunderbolt 3.
Intel pourrait lancer cette nouvelle génération de Xeon autour du Computex 2017, fin mai, soit quelques jours avant la WWDC… mais ne tirons pas de plan sur la comète.
Si notre hypothèse autour du Thunderbolt 3 venait à se confirmer, cela n'excuserait pas pour autant la stratégie d'Apple vis-à-vis des professionnels. Laisser végéter une gamme dépassée sans donner d'informations sur l'avenir n'est pas un signal… du tonnerre.