Steve Jobs a inauguré la Conférence D8, une série d'interviews organisée par le Wall Street Journal, avec Walt Mossberg et Kara Swischer comme hôtes de ces discussions à bâtons rompus. Il est revenu sur Flash, l'iPhone perdu, Google, la création de l'iPad, le secteur de la télévision, etc.
Apple/Microsoft
Jobs ne s'est pas étendu sur le fait qu'Apple avait dépassé la capitalisation boursière de Microsoft "C'est surréaliste, mais ça ne veut absolument rien dire". Mossberg lui a rappelé qu'Apple était au bord du gouffre lorsque Jobs est revenu aux commandes "C'était épique, on était à 90 jours d'une banqueroute. Je pensais que tous les gens compétents étaient partis, puis j'ai trouvé ces gens étonnants et je leur ai demandé pourquoi ils étaient toujours là. Ils m'ont dit qu'ils croyaient en Apple et en ce que cet endroit représentait. C'est ce qui nous a poussés à travailler plus dur".
Flash et la lettre ouverte
Mossberg a abordé la question de la lettre ouverte sur Flash et du choix de Jobs de priver les utilisateurs de Flash de manière aussi abrupte. Jobs a répondu qu'Apple, du fait de ses ressources moindres que celles d'autres entreprises, devait choisir les technologies qui avaient un avenir "Nous essayons de sélectionner celles qui sont dans leur printemps. Et si vous choisissez bien, vous avez des chances de bien réussir". Jobs a dressé un parallèle avec d'autres abandons qu'elle a fait par le passé et qui lui avaient été reprochés : la disquette, le port série sur l'iMac au profit de l'USB, le lecteur optique intégré avec le MacBook Air. Pour lui, Flash "a fait son temps et HTML5 est en train d'émerger. La vidéo est de meilleure qualité, ça marche mieux et vous n'avez pas besoin d'un plug-in. Et bien que 75% des vidéos sur le web soient en Flash, beaucoup sont aussi disponibles en HTML5".
Jobs d'estimer également les utilisateurs ne se rendent pas compte de cette absence de contenus "sauf quand il y a un vide à la place" a rétorqué Mossberg "Ces vides sont en train d'être remplis… et ce sont principalement des pubs" lui a retourné Jobs.
Relancé par Mossberg sur les conséquences de cette décision auprès des développeurs, Jobs en a appelé à un autre environnement de développement : "Hypercard était énorme à son époque" et de suggérer que les milliers d'applications sur l'App Store prouvaient l'implication des développeurs.
Pour le patron d'Apple, cette affaire avec Flash se résume à un choix "Notre objectif est très simple - nous avons juste pris une décision technologique. Nous n'allons pas faire un effort pour le [Flash] mettre sur notre plate-forme. Nous avons demandé à Adobe de nous montrer quelque chose de mieux, et ils ne l'ont jamais fait. Ce n'est que lorsque nous avons lancé l'iPad qu'Adobe a commencé à rouspéter. On n'a jamais voulu se battre avec eux, on a juste décidé de ne pas utiliser un de leurs produits. Ils en ont fait toute une histoire, c'est pour ça que j'ai écrit cette lettre. J'ai dit maintenant ça suffit, on en a assez que ces types nous flinguent dans la presse.".
Mossberg l'a alors relancé sur le volet utilisateurs "Et si les gens réclament Flash, s'il disent que l'iPad est handicapé sans Flash ?"
Jobs : "Les choses forment un ensemble. Certaines choses dans un produit sont bonnes, certaines sont mauvaises. Si le marché nous dit que nous faisons de mauvais choix, nous ferons des changements. Nous essayons simplement de faire de bons produits, nous ne pensons pas que Flash constitue un bon produit, donc on le laisse de côté. À la place on se concentre sur des technologies qui sont en phase ascendante. Et on va se faire engueuler parce que nous voulons proposer à nos clients les meilleurs produits au monde ? Si on réussit, les gens en achèteront [des iPad], sinon ils n'en achèteront pas. Jusqu'à présent, je dois dire que les gens semblent aimer l'iPad. On en vend quelque chose comme un toutes les trois secondes."
Les emails de Steve Jobs
Jobs a confirmé qu'il avait bien échangé plusieurs mails avec un journaliste de Gawker Media et qu'il fut étonné de les voir publiés (lire Steve Jobs : "Vous avez fait quoi de si génial ?") "Il ne s'est jamais identifié comme journaliste. Il était tard, j'étais en train de travailler et ce type commence à m'envoyer des e-mails désagréables ... et j'ai voulu le remettre d'aplomb".
L'iPhone égaré
Mossberg a fait un résumé de l'affaire de l'iPhone égaré et notamment posé la question de la pertinence de la saisie du matériel informatique d'un journaliste. Jobs "Il y a une enquête en cours. Mais je peux vous dire ce que je sais. Pour fabriquer un produit, vous devez de le tester. Vous devez l'emmener à l'extérieur. Un de nos employés en avait un. Il y a débat pour savoir s'il l'a laissé dans un bar, ou s'il a été volé dans son sac. La personne qui l'a trouvé a essayé de le vendre, ils ont appelé Engadget, ils ont appelé Gizmodo."
"La personne qui a pris le téléphone l'a branché sur l'ordinateur de son colocataire. Et ce gars essayait de détruire des preuves… et son colocataire a appelé la police. C'est une histoire étonnante - il y a eu vol, il y a eu recel, il y a eu extorsion, je suis sûr qu'il y a aussi eu du sexe [rires] il faudrait en faire un film ! Toute cette affaire est très pittoresque. La justice s'en occupe, et à ma connaissance il y a une personne qui s'assure qu'ils ne s'intéressent qu'aux éléments liés à cette affaire. Je ne sais pas comment tout cela finira."
Les suicides chez Foxconn
Jobs a réitéré ses propos déjà formulés dans l'un de ses e-mails envoyés à un utilisateur (lire Mails de Steve Jobs : Foxconn et App Store) : "Ce sujet a toute notre attention. Nous faisons attention à tout dans ces entreprises. Et je peux vous dire une ou deux choses que je sais. Foxconn n'est pas un sweatshop ("atelier de misère"). C'est une usine - mais mon dieu, ils ont des restaurants et des cinémas… mais c'est une usine. Mais ils ont eu des suicides et des tentatives de suicides - et ils ont 400 000 personnes là-bas. Le taux [de suicide] est inférieur à celui des Etats-unis, mais ça reste préoccupant."
Jobs a ensuite dressé un parallèle avec une vague de suicides qui avait touché sa localité, Palo Alto, puis de conclure "on a envoyé des gens à nous là-bas ainsi que d'autres, pour essayer de comprendre, c'est une situation difficile".
Nouvelles plateformes, nouvelles batailles
Chrome OS, Android, Facebook… pour Mossberg ces nouvelles plateformes sont l'occasion de nouvelles batailles pour Apple.
"Non, nous ne nous voyons pas dans une guerre de plateformes" a répondu Jobs. "Nous ne nous sommes jamais vus dans une guerre de plateforme avec Microsoft non plus... C'est peut-être pour ça qu'on a perdu d'ailleurs. Mais nous ne nous sommes jamais considérés comme étant dans une bataille de plateformes, nous voulons simplement faire de bons produits."
Mossberg s'est intéressé au changement de relations entre Apple et Google depuis l'arrivée d'Android. Jobs a de nouveau indiqué que Google avait décidé de venir les concurrencer sur les mobiles, alors qu'Apple n'avait jamais essayé de les concurrencer sur l'activité de la recherche "Donc vous vous êtes réveillé un matin et vous avez entendu parler d'Android ?" a demandé Mossberg "en quelque sorte" a répondu Jobs. Et pressé de dire s'il s'était senti trahi et de commenter l'état de sa relation avec Google, Jobs a esquivé "Ma vie sexuelle est excellente, comment va la vôtre ?"
S'agissant de Chrome OS, Jobs a surtout rappelé qu'il s'appuyait sur WebKit, le fruit de travaux d'Apple. Un WebKit utilisé par Android, Nokia, Palm, RIM "Nous avons conçu un véritable concurrent pour Internet Explorer, et c'est le premier dans le monde du mobile".
Jobs a ensuite affirmé qu'Apple n'avait aucune intention d'aller sur le marché de la recherche "On n'est pas intéressés, d'autres le font très bien". Ainsi, l'acquisition de Siri (lire Apple rachète l'application de recherche Siri) aurait d'autres motifs "Ils ne sont pas dans la recherche, ils sont dans l'Intelligence artificielle" s'est défendu Jobs.
Jobs a aussi répondu qu'Apple n'allait pas retirer Google de son iPhone (lire Bing : Microsoft aimerait une place dans l'iPhone).
AT&T
Le patron d'Apple a renouvelé sa confiance à AT&T- souvent critiqué pour la qualité de son réseau - décrit comme un partenaire qui a osé miser gros sur l'iPhone alors qu'Apple arrivait avec un nouveau modèle économique pour un téléphone. À la question de savoir s'il ne serait pas dans l'intérêt d'Apple d'avoir au moins deux opérateurs aux États-Unis, Jobs n'a pas démenti, mais il n'a pas plus développé sur ce sujet.
La création de l'iPad
Jobs : "Je me souviens vous avoir dit que je pensais que l'écriture manuelle était la méthode de saisie la plus lente qui soit. Nous avons réinventé la tablette, nous n'avons pas fait comme Microsoft. Ils avaient une approche complètement différente. Et c'est ce qui a guidé tout le reste. Leur tablette était basée sur un PC. Elle en avait le poids, l'autonomie et elle avait un curseur comme un PC. Mais dès l'instant où vous prenez un stylet, vous vous retrouvez avec une précision équivalente à celle d'un doigt, vous ne pouvez pas utiliser le système d'exploitation d'un PC. Vous devez le concevoir de zéro"
Jobs a ensuite expliqué que l'idée de l'Pad avait précédé l'iPhone. Il avait eu cette idée d'un écran de verre multitouch sur lequel on pourrait taper. Six mois plus tard, ses ingénieurs lui ont montré cet écran. Un des spécialistes en interface s'est penché dessus et il a notamment mis au point ce système de défilement avec inertie. Et là, Jobs de réaliser qu'ils pourraient en faire un téléphone, du coup le projet de tablette a été mis de côté.
NDR : John Markoff, dans le New York Times, écrivait en 2008, qu'Apple travaillait sur produit de la taille d'un petit portable et baptisé "Safari Pad", avec déjà l'utilisation du multitouch. Et ce n'est que petit à petit, sous l'intuition de Steve Jobs, que le projet évolua vers l'iPhone (lire : Safari Pad précéda l'iPhone).
L'ère mobile expliquée
Dans sa lettre adressée à Adobe, Steve Jobs avait affirmé que nous étions entrés dans l'ère mobile, qui était en train de se substituer à l'ère du PC. Le cofondateur d'Apple a précisé son idée à l'aide d'une analogie "Quand nous étions une nation agraire, toutes les voitures étaient des camions. Mais à partir du moment où la population a commencé à migrer vers les villes, les gens ont commencé à utiliser des voitures. Je pense que les PC vont connaître le même sort que les camions. De moins en moins de monde en aura l'utilité."
Il ignore combien de temps la transition durera, si elle sera achevée dans un an, cinq ans ou dix ans et si l'iPad sera la voiture de monsieur tout le monde ou si ce sera un autre objet. Une chose est sûre, la tablette d'Apple est loin d'avoir montré tout son potentiel. Steve Jobs a évoqué quelques pistes comme la création de contenus ou l'édition de vidéos. Plus que jamais, pour Jobs, la clé c'est le logiciel…
Deux plates-formes : le HTML5 et l'App Store
Steve Jobs a également apporté des précisions intéressantes sur la politique d'Apple concernant l'App Store. Pour lui, les choses sont simples, Apple supporte deux plates-formes : l'App Store et le HTML5.
Il estime qu'Apple est en pointe concernant la prise en charge du HTML5. Sur cette plate-forme, les développeurs sont libres de faire tout ce qu'ils veulent. La seconde, plus contrôlée, c'est l'App Store, pour lequel il y a trois règles majeures en ce qui concerne la validation : que l'application soit conforme à la présentation qui en est faite, qu'elle n'utilise pas d'APIs privées et qu'elle soit stable.
Jobs a rappelé que 95 % des applications soumises étaient approuvées en moins d'une semaine. Il a également expliqué qu'Apple est confrontée fréquemment à de nouveaux cas et adapte ses règles en permanence. Dans ce domaine, il reconnait qu'Apple a pu faire des erreurs par le passé, mais met tout en oeuvre pour améliorer son système de validation.
Apple : la plus grosse start-up au monde ?
"J'ai l'un des meilleurs jobs au monde". Steve Jobs estime travailler avec "les plus brillantes au monde" et "jouer dans le meilleur bac à sable". Si l'on se fie à son témoignage, Apple est organisée comme une start-up, la plus grosse start-up au monde. Sans comité, sans lourdeur, une société divisée en petites équipes avec des objectifs bien définis. Steve Jobs passe son temps à les rencontrer, à échanger avec elles. Une fois par semaine, tout le monde se réunit pour aborder tous les sujets du moment.
Incapable de se projeter dans le futur (à 5 ou 10 ans), Jobs a affirmé que les valeurs et les ambitions d'Apple n'avaient pas changé : faire les meilleurs produits possible. Et c'est cela qui le motive et il n'y a rien de plus motivant pour lui que de recevoir un courriel d'un client lui affirmant à quel point il trouvait l'iPad génial.
Jobs s'est également brièvement exprimé sur iAd, certains craignant qu'Apple compte éliminer la concurrence en concentrant fourniture des pubs et des statistiques. Steve Jobs a répondu par une anecdote : la régie de statistiques Flurry a réussi à détecter un nouvel appareil utilisant l'iPhone OS, une tablette utilisée majoritairement à Cupertino. Cela l'a mis dans une colère noire : Flurry fournit en fait aux développeurs une solution qui envoie les données d'utilisation vers leurs serveurs, avec profil de l'appareil et géolocalisation.
Au-delà de l'anecdote et du fait que Steve Jobs ne parlera plus avec des firmes spécialisées dans les statistiques avant de « s'être calmé, ce qui ne sera pas tout de suite », le patron d'Apple explique que ce qui le met particulièrement en colère est le fait que Flurry ne prévienne pas l'utilisateur de l'utilisation de données personnelles. D'où l'intégration d'un plus grand degré de contrôle sur les données personnelles dans l'OS 3, et sur la géolocalisation dans l'OS 4. Apple ne fermera cependant pas la porte à la concurrence tant que les choses se font en bonne intelligence.
Apple : la tête dans les nuages
À la fin de la conférence, Steve Jobs a répondu à quelques questions de l'assistance. Il a assuré que le réseau AT&T allait connaître de grosses améliorations prochainement, que les protections mises au point par Hollywood pour protéger ses contenus étaient une catastrophe. Il s'est également dit surpris par la qualité de certains jeux sur iPhone et iPod touch. Un nouveau marché s'est créé et Apple va tout faire pour qu'il se développe. D'où l'intégration du Game Center dans iPhone OS 4. Il a par ailleurs indiqué que certaines limitations d'iPhone OS (l'accès au système de fichiers par exemple) pourraient sauter à l’avenir.
Enfin, Steve Jobs a eu l'occasion de s'exprimer sur deux points qui font beaucoup parler en ce moment : la synchronisation de médias et l'Apple TV. Il a clairement indiqué qu'Apple travaillait sur une solution permettant de synchroniser ses médias sans fil. Aucune information bien entendu concernant le lancement d'une telle solution : "nous travaillons dessus" a-t-il affirmé.
L'Apple TV : toujours un hobby
Le mot de la fin était pour l'Apple TV. Il a expliqué que l'industrie de la télévision avait pour stratégie de subventionner l'achat du terminal. Celui-ci est souvent gratuit ou presque. Selon Steve Jobs, cela a considérablement nui à l'innovation dans ce domaine. La seule façon de changer les choses selon lui, c'est de proposer au grand public un produit payant que les gens ont vraiment envie d'acheter. Mais il le reconnait, ce n'est pas simple et c'est pour cela que l'Apple TV reste pour le moment un hobby pour Apple.
L'interview de Jobs est disponible en (vidéo).
Apple/Microsoft
Jobs ne s'est pas étendu sur le fait qu'Apple avait dépassé la capitalisation boursière de Microsoft "C'est surréaliste, mais ça ne veut absolument rien dire". Mossberg lui a rappelé qu'Apple était au bord du gouffre lorsque Jobs est revenu aux commandes "C'était épique, on était à 90 jours d'une banqueroute. Je pensais que tous les gens compétents étaient partis, puis j'ai trouvé ces gens étonnants et je leur ai demandé pourquoi ils étaient toujours là. Ils m'ont dit qu'ils croyaient en Apple et en ce que cet endroit représentait. C'est ce qui nous a poussés à travailler plus dur".
Flash et la lettre ouverte
Mossberg a abordé la question de la lettre ouverte sur Flash et du choix de Jobs de priver les utilisateurs de Flash de manière aussi abrupte. Jobs a répondu qu'Apple, du fait de ses ressources moindres que celles d'autres entreprises, devait choisir les technologies qui avaient un avenir "Nous essayons de sélectionner celles qui sont dans leur printemps. Et si vous choisissez bien, vous avez des chances de bien réussir". Jobs a dressé un parallèle avec d'autres abandons qu'elle a fait par le passé et qui lui avaient été reprochés : la disquette, le port série sur l'iMac au profit de l'USB, le lecteur optique intégré avec le MacBook Air. Pour lui, Flash "a fait son temps et HTML5 est en train d'émerger. La vidéo est de meilleure qualité, ça marche mieux et vous n'avez pas besoin d'un plug-in. Et bien que 75% des vidéos sur le web soient en Flash, beaucoup sont aussi disponibles en HTML5".
Jobs d'estimer également les utilisateurs ne se rendent pas compte de cette absence de contenus "sauf quand il y a un vide à la place" a rétorqué Mossberg "Ces vides sont en train d'être remplis… et ce sont principalement des pubs" lui a retourné Jobs.
Relancé par Mossberg sur les conséquences de cette décision auprès des développeurs, Jobs en a appelé à un autre environnement de développement : "Hypercard était énorme à son époque" et de suggérer que les milliers d'applications sur l'App Store prouvaient l'implication des développeurs.
Pour le patron d'Apple, cette affaire avec Flash se résume à un choix "Notre objectif est très simple - nous avons juste pris une décision technologique. Nous n'allons pas faire un effort pour le [Flash] mettre sur notre plate-forme. Nous avons demandé à Adobe de nous montrer quelque chose de mieux, et ils ne l'ont jamais fait. Ce n'est que lorsque nous avons lancé l'iPad qu'Adobe a commencé à rouspéter. On n'a jamais voulu se battre avec eux, on a juste décidé de ne pas utiliser un de leurs produits. Ils en ont fait toute une histoire, c'est pour ça que j'ai écrit cette lettre. J'ai dit maintenant ça suffit, on en a assez que ces types nous flinguent dans la presse.".
Mossberg l'a alors relancé sur le volet utilisateurs "Et si les gens réclament Flash, s'il disent que l'iPad est handicapé sans Flash ?"
Jobs : "Les choses forment un ensemble. Certaines choses dans un produit sont bonnes, certaines sont mauvaises. Si le marché nous dit que nous faisons de mauvais choix, nous ferons des changements. Nous essayons simplement de faire de bons produits, nous ne pensons pas que Flash constitue un bon produit, donc on le laisse de côté. À la place on se concentre sur des technologies qui sont en phase ascendante. Et on va se faire engueuler parce que nous voulons proposer à nos clients les meilleurs produits au monde ? Si on réussit, les gens en achèteront [des iPad], sinon ils n'en achèteront pas. Jusqu'à présent, je dois dire que les gens semblent aimer l'iPad. On en vend quelque chose comme un toutes les trois secondes."
Les emails de Steve Jobs
Jobs a confirmé qu'il avait bien échangé plusieurs mails avec un journaliste de Gawker Media et qu'il fut étonné de les voir publiés (lire Steve Jobs : "Vous avez fait quoi de si génial ?") "Il ne s'est jamais identifié comme journaliste. Il était tard, j'étais en train de travailler et ce type commence à m'envoyer des e-mails désagréables ... et j'ai voulu le remettre d'aplomb".
L'iPhone égaré
Mossberg a fait un résumé de l'affaire de l'iPhone égaré et notamment posé la question de la pertinence de la saisie du matériel informatique d'un journaliste. Jobs "Il y a une enquête en cours. Mais je peux vous dire ce que je sais. Pour fabriquer un produit, vous devez de le tester. Vous devez l'emmener à l'extérieur. Un de nos employés en avait un. Il y a débat pour savoir s'il l'a laissé dans un bar, ou s'il a été volé dans son sac. La personne qui l'a trouvé a essayé de le vendre, ils ont appelé Engadget, ils ont appelé Gizmodo."
"La personne qui a pris le téléphone l'a branché sur l'ordinateur de son colocataire. Et ce gars essayait de détruire des preuves… et son colocataire a appelé la police. C'est une histoire étonnante - il y a eu vol, il y a eu recel, il y a eu extorsion, je suis sûr qu'il y a aussi eu du sexe [rires] il faudrait en faire un film ! Toute cette affaire est très pittoresque. La justice s'en occupe, et à ma connaissance il y a une personne qui s'assure qu'ils ne s'intéressent qu'aux éléments liés à cette affaire. Je ne sais pas comment tout cela finira."
Les suicides chez Foxconn
Jobs a réitéré ses propos déjà formulés dans l'un de ses e-mails envoyés à un utilisateur (lire Mails de Steve Jobs : Foxconn et App Store) : "Ce sujet a toute notre attention. Nous faisons attention à tout dans ces entreprises. Et je peux vous dire une ou deux choses que je sais. Foxconn n'est pas un sweatshop ("atelier de misère"). C'est une usine - mais mon dieu, ils ont des restaurants et des cinémas… mais c'est une usine. Mais ils ont eu des suicides et des tentatives de suicides - et ils ont 400 000 personnes là-bas. Le taux [de suicide] est inférieur à celui des Etats-unis, mais ça reste préoccupant."
Jobs a ensuite dressé un parallèle avec une vague de suicides qui avait touché sa localité, Palo Alto, puis de conclure "on a envoyé des gens à nous là-bas ainsi que d'autres, pour essayer de comprendre, c'est une situation difficile".
Nouvelles plateformes, nouvelles batailles
Chrome OS, Android, Facebook… pour Mossberg ces nouvelles plateformes sont l'occasion de nouvelles batailles pour Apple.
"Non, nous ne nous voyons pas dans une guerre de plateformes" a répondu Jobs. "Nous ne nous sommes jamais vus dans une guerre de plateforme avec Microsoft non plus... C'est peut-être pour ça qu'on a perdu d'ailleurs. Mais nous ne nous sommes jamais considérés comme étant dans une bataille de plateformes, nous voulons simplement faire de bons produits."
Mossberg s'est intéressé au changement de relations entre Apple et Google depuis l'arrivée d'Android. Jobs a de nouveau indiqué que Google avait décidé de venir les concurrencer sur les mobiles, alors qu'Apple n'avait jamais essayé de les concurrencer sur l'activité de la recherche "Donc vous vous êtes réveillé un matin et vous avez entendu parler d'Android ?" a demandé Mossberg "en quelque sorte" a répondu Jobs. Et pressé de dire s'il s'était senti trahi et de commenter l'état de sa relation avec Google, Jobs a esquivé "Ma vie sexuelle est excellente, comment va la vôtre ?"
S'agissant de Chrome OS, Jobs a surtout rappelé qu'il s'appuyait sur WebKit, le fruit de travaux d'Apple. Un WebKit utilisé par Android, Nokia, Palm, RIM "Nous avons conçu un véritable concurrent pour Internet Explorer, et c'est le premier dans le monde du mobile".
Jobs a ensuite affirmé qu'Apple n'avait aucune intention d'aller sur le marché de la recherche "On n'est pas intéressés, d'autres le font très bien". Ainsi, l'acquisition de Siri (lire Apple rachète l'application de recherche Siri) aurait d'autres motifs "Ils ne sont pas dans la recherche, ils sont dans l'Intelligence artificielle" s'est défendu Jobs.
Jobs a aussi répondu qu'Apple n'allait pas retirer Google de son iPhone (lire Bing : Microsoft aimerait une place dans l'iPhone).
AT&T
Le patron d'Apple a renouvelé sa confiance à AT&T- souvent critiqué pour la qualité de son réseau - décrit comme un partenaire qui a osé miser gros sur l'iPhone alors qu'Apple arrivait avec un nouveau modèle économique pour un téléphone. À la question de savoir s'il ne serait pas dans l'intérêt d'Apple d'avoir au moins deux opérateurs aux États-Unis, Jobs n'a pas démenti, mais il n'a pas plus développé sur ce sujet.
La création de l'iPad
Jobs : "Je me souviens vous avoir dit que je pensais que l'écriture manuelle était la méthode de saisie la plus lente qui soit. Nous avons réinventé la tablette, nous n'avons pas fait comme Microsoft. Ils avaient une approche complètement différente. Et c'est ce qui a guidé tout le reste. Leur tablette était basée sur un PC. Elle en avait le poids, l'autonomie et elle avait un curseur comme un PC. Mais dès l'instant où vous prenez un stylet, vous vous retrouvez avec une précision équivalente à celle d'un doigt, vous ne pouvez pas utiliser le système d'exploitation d'un PC. Vous devez le concevoir de zéro"
Jobs a ensuite expliqué que l'idée de l'Pad avait précédé l'iPhone. Il avait eu cette idée d'un écran de verre multitouch sur lequel on pourrait taper. Six mois plus tard, ses ingénieurs lui ont montré cet écran. Un des spécialistes en interface s'est penché dessus et il a notamment mis au point ce système de défilement avec inertie. Et là, Jobs de réaliser qu'ils pourraient en faire un téléphone, du coup le projet de tablette a été mis de côté.
NDR : John Markoff, dans le New York Times, écrivait en 2008, qu'Apple travaillait sur produit de la taille d'un petit portable et baptisé "Safari Pad", avec déjà l'utilisation du multitouch. Et ce n'est que petit à petit, sous l'intuition de Steve Jobs, que le projet évolua vers l'iPhone (lire : Safari Pad précéda l'iPhone).
L'ère mobile expliquée
Dans sa lettre adressée à Adobe, Steve Jobs avait affirmé que nous étions entrés dans l'ère mobile, qui était en train de se substituer à l'ère du PC. Le cofondateur d'Apple a précisé son idée à l'aide d'une analogie "Quand nous étions une nation agraire, toutes les voitures étaient des camions. Mais à partir du moment où la population a commencé à migrer vers les villes, les gens ont commencé à utiliser des voitures. Je pense que les PC vont connaître le même sort que les camions. De moins en moins de monde en aura l'utilité."
Il ignore combien de temps la transition durera, si elle sera achevée dans un an, cinq ans ou dix ans et si l'iPad sera la voiture de monsieur tout le monde ou si ce sera un autre objet. Une chose est sûre, la tablette d'Apple est loin d'avoir montré tout son potentiel. Steve Jobs a évoqué quelques pistes comme la création de contenus ou l'édition de vidéos. Plus que jamais, pour Jobs, la clé c'est le logiciel…
Deux plates-formes : le HTML5 et l'App Store
Steve Jobs a également apporté des précisions intéressantes sur la politique d'Apple concernant l'App Store. Pour lui, les choses sont simples, Apple supporte deux plates-formes : l'App Store et le HTML5.
Il estime qu'Apple est en pointe concernant la prise en charge du HTML5. Sur cette plate-forme, les développeurs sont libres de faire tout ce qu'ils veulent. La seconde, plus contrôlée, c'est l'App Store, pour lequel il y a trois règles majeures en ce qui concerne la validation : que l'application soit conforme à la présentation qui en est faite, qu'elle n'utilise pas d'APIs privées et qu'elle soit stable.
Jobs a rappelé que 95 % des applications soumises étaient approuvées en moins d'une semaine. Il a également expliqué qu'Apple est confrontée fréquemment à de nouveaux cas et adapte ses règles en permanence. Dans ce domaine, il reconnait qu'Apple a pu faire des erreurs par le passé, mais met tout en oeuvre pour améliorer son système de validation.
Apple : la plus grosse start-up au monde ?
"J'ai l'un des meilleurs jobs au monde". Steve Jobs estime travailler avec "les plus brillantes au monde" et "jouer dans le meilleur bac à sable". Si l'on se fie à son témoignage, Apple est organisée comme une start-up, la plus grosse start-up au monde. Sans comité, sans lourdeur, une société divisée en petites équipes avec des objectifs bien définis. Steve Jobs passe son temps à les rencontrer, à échanger avec elles. Une fois par semaine, tout le monde se réunit pour aborder tous les sujets du moment.
Incapable de se projeter dans le futur (à 5 ou 10 ans), Jobs a affirmé que les valeurs et les ambitions d'Apple n'avaient pas changé : faire les meilleurs produits possible. Et c'est cela qui le motive et il n'y a rien de plus motivant pour lui que de recevoir un courriel d'un client lui affirmant à quel point il trouvait l'iPad génial.
Jobs s'est également brièvement exprimé sur iAd, certains craignant qu'Apple compte éliminer la concurrence en concentrant fourniture des pubs et des statistiques. Steve Jobs a répondu par une anecdote : la régie de statistiques Flurry a réussi à détecter un nouvel appareil utilisant l'iPhone OS, une tablette utilisée majoritairement à Cupertino. Cela l'a mis dans une colère noire : Flurry fournit en fait aux développeurs une solution qui envoie les données d'utilisation vers leurs serveurs, avec profil de l'appareil et géolocalisation.
Au-delà de l'anecdote et du fait que Steve Jobs ne parlera plus avec des firmes spécialisées dans les statistiques avant de « s'être calmé, ce qui ne sera pas tout de suite », le patron d'Apple explique que ce qui le met particulièrement en colère est le fait que Flurry ne prévienne pas l'utilisateur de l'utilisation de données personnelles. D'où l'intégration d'un plus grand degré de contrôle sur les données personnelles dans l'OS 3, et sur la géolocalisation dans l'OS 4. Apple ne fermera cependant pas la porte à la concurrence tant que les choses se font en bonne intelligence.
Apple : la tête dans les nuages
À la fin de la conférence, Steve Jobs a répondu à quelques questions de l'assistance. Il a assuré que le réseau AT&T allait connaître de grosses améliorations prochainement, que les protections mises au point par Hollywood pour protéger ses contenus étaient une catastrophe. Il s'est également dit surpris par la qualité de certains jeux sur iPhone et iPod touch. Un nouveau marché s'est créé et Apple va tout faire pour qu'il se développe. D'où l'intégration du Game Center dans iPhone OS 4. Il a par ailleurs indiqué que certaines limitations d'iPhone OS (l'accès au système de fichiers par exemple) pourraient sauter à l’avenir.
Enfin, Steve Jobs a eu l'occasion de s'exprimer sur deux points qui font beaucoup parler en ce moment : la synchronisation de médias et l'Apple TV. Il a clairement indiqué qu'Apple travaillait sur une solution permettant de synchroniser ses médias sans fil. Aucune information bien entendu concernant le lancement d'une telle solution : "nous travaillons dessus" a-t-il affirmé.
L'Apple TV : toujours un hobby
Le mot de la fin était pour l'Apple TV. Il a expliqué que l'industrie de la télévision avait pour stratégie de subventionner l'achat du terminal. Celui-ci est souvent gratuit ou presque. Selon Steve Jobs, cela a considérablement nui à l'innovation dans ce domaine. La seule façon de changer les choses selon lui, c'est de proposer au grand public un produit payant que les gens ont vraiment envie d'acheter. Mais il le reconnait, ce n'est pas simple et c'est pour cela que l'Apple TV reste pour le moment un hobby pour Apple.
L'interview de Jobs est disponible en (vidéo).