Schmidt : une réorganisation sur fond de lassitude

Florian Innocente |
Est-ce qu'Eric Schmidt a été poussé à l'écart de la gestion quotidienne de Google ou a-t-il lui-même choisi cette nouvelle position ? Les deux mon général, explique The New Yorker à travers les informations internes reçues par Ken Auletta, auteur d'une biographie sur l'ex-CEO.

Une nouvelle organisation a été annoncée hier, qui voit le duo fondateur se répartir les rôles, Page comme CEO à la place de Schmidt et Brin pour la technologie et les développements stratégiques (lire Eric Schmidt quitte son poste à la tête de Google)

Schmidt aurait été mécontent l'année dernière de la décision de Page de soutenir Brin dans sa volonté de cesser de fournir des résultats censurés sur la version chinoise du moteur. Les deux garçons l'auraient décidé sans tenir compte de son avis, opposé, sur la question.

Depuis 2001 et son arrivée sur la pression des investisseurs de Google, Schmidt était la caution "adulte" de ce trio singulier. Mais l'homme, selon des collaborateurs, aurait perdu en dynamisme et en implication après sa défaite chinoise.

À cela se sont ajoutés toutes sortes de problèmes pour Google, passant de l'offensive à la défensive. Échec à trouver une place sur le marché des réseaux sociaux face au succès de Facebook, un Facebook qui attirait par ailleurs les ingénieurs de Google. Une certaine bureaucratie se serait aussi installée, sans parler des contentieux avec des gouvernements ou organismes et les débats sur la gestion des données privées. Il faut dire que Schmidt n'a pas ménagé sa peine sur ce dernier point pour offrir le flanc à ses détracteurs… (lire Polémique : Google et la vie privée). Toutes choses qui ont effrité le slogan “Don't be evil” et agité les deux fondateurs.

Sur les conseils d'un ami au conseil d'administration, Schmidt pensa qu'après un peu de repos à l'occasion du Labor Day (le 5 septembre) il pourrait en quelque sorte recharger les batteries et partir d'un nouveau pied. Mais en vain explique The New Yorker. À la fin de l'année dernière, il était prêt à prendre ce poste de président exécutif pendant un an, puis s'en aller.

Dans le même temps, Larry Page, influencé par des lectures passées, dont une biographie de Nikolas Tesla, en avait retenu qu'un brillant scientifique se devait aussi d'être un excellent homme d'affaires pour pérenniser ses inventions. Il avait aussi davantage le profil pour un poste de CEO que son camarade Brin, plus versé dans la technologie. Une répartition des rôles remontant aux premiers jours de leur association.

Pour autant Page va devoir forcer sa nature pour endosser son nouveau costume et les charges qui vont avec : apparitions publiques, rencontres avec les journalistes, des représentants gouvernementaux et des analystes ; agenda tiré au cordeau. Sans omettre de prendre en compte des sujets qui ne relèvent pas de la technique pure et dure : questions de copyright et de respect de la vie privée, craintes sur le poids de Google sur le marché… "Les ingénieurs sont vraiment mauvais sur les sujets qu'ils ne peuvent mesurer” estime Ken Auletta.

C'est donc un nouveau chapitre qui s'ouvre chez Google où le duo fondateur reprend pleinement les rênes, maintenant que "l'apprentissage" est terminé. Avec un territoire qui s'est considérablement accru depuis les débuts : YouTube, applications en ligne, succès dans la téléphonie mobile et une santé toujours insolente dans la publicité.
avatar albert einstein | 
Article bien écrit et intéressant à lire... Bravo Florian
avatar eTeks | 
Trop sympa ce Ken Auletta de mettre tous les ingénieurs dans le même panier...
avatar Florian Innocente | 
@ albert einstein : C'est surtout le New Yorker à la base. Je ne fais que porter leur article à connaissance :-)
avatar Macuserman | 
Je ne sais pas vous, mais personnellement, je suis pas sûr que cette décision fasse du bien à Google. La CA risque d'être TRÈS vigilant...
avatar Merwyn | 
Le New Yorks Time troll ?
avatar Almux | 
Schmidt a peut-être eut peur de se faire attaquer pour position dominante! lol Google se met en position de monopole publicitaire avec, en plus, ses propres OS et autres moyens de mainmise (bien au-delà de ce que Apple pourrait atteindre!).
avatar canola | 
Schmidt est multimiliardaire depuis longtemps. Moi, ça ferait longtemps que je me serais poussé de là.
avatar Macandide | 
Et ensuite, savoir si ça ira dans la lignée Wozniak-Jobs, Allen-Gates-Ballmer, ou celle d'Intel, d'Oracle... s'ils sauront perdurer comme L'Oréal, Général Electric et tant d'autres... En fait, ça étonne tujours, de voir à quel point d'aussi énormes succès, d'aussi énormes machines, reposent sur le facteur humain: des personnes, et leurs relations... Ca donne de l'espoir... J'ai pas dit de l'ambition, ok?!
avatar tap | 
De toute évidence, là ou la prise de décision d'un nouveau CEO est intelligente, c'est que Schmidt n'est pas un gourou, il est l'homme droit et pragmatique qui a su consolider Google, sans pour autant dépendre de lui à 100%. Google reste lié à Eric Schmidt, mais elle est structurée de manière à lui survivre sans problème. Bien sûr tout ça est pur spéculation, à mon avis Schmidt savait très bien qu'un jour les 2 fondateurs reprendraient le flambeau quand ils auront mûris, très certainement même que ça devait être su depuis le début. C'est un peu la raison pour laquelle Brin et Page ont fait appelle à Schmidt : s'occuper d'une société qui explose car Brin et Page se savaient trop jeunes pour ce genre de tâche. Décision très intelligente et mature. Larry Page aura 38 ans quand il deviendra CEO, il n'est plus le jeunot et a beaucoup appris aux côtés de Schmidt. Ce triumvirat était une excellente façon pour Google de s'assurer un avenir sans dépendre à 100% d'un CEO. De plus, Schmidt jusqu'à nouvel ordre (et hors spéculation) reste conseillé de Larry Page.
avatar Switcher | 
C'est un peu comme si Jobs et Wozniack avaient écarté John Sculley, non ?
avatar Rufus | 
On sait en effet depuis longtemps que les fondateurs tentent de préserver l'esprit des débuts autant que possible. On pouvait se demander si leur influence au sein de leur propre entreprise était en déclin. Cette décision, qui arrive selon moi au bon moment, confirme que non, ils sont bel et bien maîtres à bord. Il semble que chez Google on ait retenu la leçon apprise chez Apple : laissez les fondateurs commander.
avatar Rufus | 
Macandide, tu oublies HP dans la liste, avec un binôme plus ressemblant à celui de google. Sinon, le couple Page/Brin reste à part. Ils sont tous les deux hors du commun et ont travaillé en binôme. Ce n'est pas forcément le cas des autres exemples que tu cites. En particulier le couple Wozniak-Jobs qui est assez déséquilibré avec Jobs qui écrase littéralement son comparse. C'est d'ailleurs le type de relation professionnelle qu'ils ont eu, Jobs dominant Wozniak.
avatar Mithrandir | 
Pour avoir lu une interview de Page sur Le Monde ici: http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/05/21/larry-page-president-de-google-notre-ambition-est-d-organiser-toute-l-information-du-monde-pas-juste-une-partie_1361024_651865.html, il me semble avoir suffisamment acquis de langue de bois pour faire un bon CEO. Peut-être un peu trop de langue de bois d'ailleurs...
avatar ipascm | 
il y a eu aussi le fameux Waves...
avatar Almux | 
Monsieur Schmidt est peut-être milliardaire... ce qui ne va pas l'empêcher de vite vendre plus d'un demi-million de d'actions Google, au cas où!... source: http://www.nasdaq.com/aspx/stock-market-news-story.aspx?storyid=201101211523dowjonesdjonline000522&title=schmidt-plans-to-sell-more-than-half-million-google-shares
avatar BitNic | 
L'affaire Schmidt... une belle cuisine tout ça !!!

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