Voilà une étrange rumeur, venue des allées sombres qui serpentent entre les usines taïwanaises, et attrapée au vol par le blog Patently Apple. Apple, asseyez-vous avant de lire la suite, préparerait « un ordinateur dédié à l’e-sport ». Cet ordinateur, ne vous relevez pas encore, serait commercialisé « l’an prochain » à un prix avoisinant 4 500 €.

Faut-il accorder le moindre crédit à cette rumeur, capable de citer des sous-traitants¹, mais pas de décider entre un ordinateur tout-en-un et un ordinateur portable ? À ce stade, probablement pas. Pourquoi lui accorder un article, alors ? Parce que nous avons entendu des bruits de couloir plus farfelus. Ces derniers mois ont prouvé l’intérêt d’Apple pour le marché du jeu vidéo.

Au moment même où Nvidia clamait sa supériorité dans le domaine des cartes graphiques, et où l’industrie se tournait vers OpenGL/Vulkan et CUDA, Apple a parié sur AMD et présenté sa propre API graphique de bas niveau. Après des débuts difficiles, Metal a été adopté par les principaux moteurs de jeux et les principaux éditeurs d’applications professionnelles. D’année en année, sa présence au cœur d’iOS et de macOS s’étend.

Dans le même temps, AMD a repris du poil de la bête. L’iMac embarquait une carte graphique plutôt banale, il intègre maintenant une carte graphique extrêmement puissante. Apple n’est pas montée en gamme, mais AMD a fait des progrès fulgurants. Le Mac Pro possède quelques-unes des cartes les plus puissantes du marché, qui peuvent affronter n’importe quelle carte Nvidia… sur macOS avec Metal.

Le jeu vidéo reste un moteur puissant de croissance du marché de l’ordinateur personnel. Les cartes graphiques sont un formidable facteur d’obsolescence, et un redoutable vecteur d’acquisition et de renouvèlement. Les gamers sont parmi les clients les plus dépensiers de l’industrie — si vous n’en êtes pas convaincu, passez quinze minutes sur les forums spécialisés ou sur YouTube, puis allez vérifier le prix d’un circuit de refroidissement liquide ou d’un processeur overclockable.

Et ce business ne s’arrête plus avec l’achat d’une carte graphique ou d’un énième DLC. Le jeu vidéo est devenu un sport, le « sport électronique » ou e-sport, avec ses retransmissions télévisées et ses contrats de sponsoring à plusieurs millions de dollars. Intel organisera un tournoi dans les jours qui précèderont l’ouverture des Jeux olympiques de 2020 à Tokyo, et le CIO réfléchit à l’intégration d’une compétition de sport électronique aux Jeux olympiques de 2024 à Paris.

Or cette industrie est en pleine transformation. Une double transformation, même. Shadow et Google Stadia poursuivent le développement du jeu en streaming. Dans le même temps, la future Xbox Series X de Microsoft et la prochaine PlayStation 5 de Sony ne seront rien d’autre que des PC dotés d’une interface spécialisée. Cette tension offre une occasion pour tenter un coup… et rafler la mise.

Apple peut jouer sur plusieurs tableaux. Après avoir passé les dernières années à intégrer des technologies de visualisation 3D et prendre en charge les casques de réalité virtuelle, elle peut rejouer la partition de l’App Store, et présenter le Mac comme la meilleure plateforme de développement de jeux et contenus AR/VR. L’iMac et le Mac Pro possèdent les capacités graphiques nécessaires, et les éditeurs adaptent progressivement leurs applications.

À l’autre bout du marché, elle peut aussi replacer le Mac comme une plateforme vidéoludique, même si Apple Arcade n’a pas encore son Marathon ou son Myst. Entre les deux, les rumeurs d’un casque de réalité virtuelle, voire de lunettes de réalité augmentée, se multiplient. Ces pièces sont encore disparates, mais il est difficile d’imaginer qu’elles ne finiront pas par former un puzzle. Il ne prendra peut-être pas la forme d’« un ordinateur dédié à l’e-sport », mais…