Édito : nous ne sommes que des utilisateurs

Christophe Laporte |

19 milliards de dollars. C’est l’incroyable somme que Facebook a mis sur la table pour s’offrir WhatsApp. Le montant de cette transaction a suscité bon nombre de commentaires. C’est paraît-il 2,8 fois le coût d’un réacteur nucléaire EPR construit en Chine. Tout ça pour s’envoyer des smiley et des selfies…

Mais comparaison n’est pas raison… Et l'on pourrait disserter sur le fait que nous sommes ou non en plein coeur d’une bulle, sur le fait que c’est une bonne ou une mauvaise chose ou encore sur le fait que nous assistons aux conséquences de la politique monétaire de la FED, mais à vrai dire, ce n’est pas l’objet de cet article.

Ce qui nous intéresse, c’est la manière dont ces « apps » ont construit ou plutôt n’ont pas construit leur business. WhatsApp n’est d’ailleurs pas l’objet d’études le plus intéressant.

Viber : un business modèle, mais pour quoi faire ?

Je me souviens de la présentation de Viber, l’une des premières applications de voix sur IP pour iPhone à être vraiment bien faite, au moment où Apple a commencé à autoriser ce genre d’outils. Cela partait d’une idée simple et géniale. Au lieu de créer un pseudo et devoir inviter un à un vos proches, Viber utilisait en quelque sorte votre numéro de téléphone comme pseudo et repérait automatiquement vos amis en « scannant » votre carnet d’adresses et en le comparant aux numéros enregistrés sur ses serveurs.

Si beaucoup étaient enchantés par la simplicité d’utilisation de ce service, d'autres commençaient à se demander comment ce service allait gagner sa croûte. Forcément, le fait que ce Viber jette un oeil à votre carnet d’adresses appelait dans ce contexte à une certaine méfiance. Il fallut attendre de nombreuses versions avant que Viber commence à proposer des services payants, comme la possibilité d’appeler des téléphones fixes ou portables à un coût réduit. Mais c’était sans doute insuffisant pour qu’un tel service puisse envisager d’être rentable.

Pour être le "Valentin" de la Viber, il fallait mettre 900 millions de dollars
Pour être le "Valentin" de la Viber, il fallait mettre 900 millions de dollars

Alors le business modèle de Viber ? La réponse est venue il y a quelques jours lorsqu’on a appris que cette start-up avait décidé de répondre favorablement aux avances de Rakuten pour 900 millions de dollars. À ce prix, on pouvait effectivement offrir la gratuité du service aux internautes qui n’étaient qu’une monnaie d’échange. Ce n’est pas tant la technologie de Viber qui séduit l’acquéreur japonais que les 300 millions d’utilisateurs qui utilisent fréquemment ce service.

Mailbox ou la société qui s’est fait acheter 36 jours après la sortie de son app

Les acquisitions d’apps sont en vogue depuis un certain temps déjà. À sa manière, Mailbox avait défrayé la chronique en début d’année dernière. L’engouement autour de ce client Gmail, qui, par certains aspects, était novateur, était tel que l’éditeur avait dû inventer le concept de file d’attente virtuelle pour pouvoir l’utiliser.

Alors, pendant des jours, on attendait de voir ce petit compteur baisser pour pouvoir commencer à trier de manière différente ses mails. En faisant un simple geste, on peut effacer un mail, l’archiver ou encore reporter sa consultation à plus tard.

Là encore, le logiciel était gratuit, mais à vrai dire, on n’a pas bien eu le temps de se poser longtemps la question du modèle économique tant les choses ont été vite. 36 jours seulement après son lancement, Mailbox annonçait son acquisition par Dropbox pour un montant compris entre 50 et 100 millions de dollars. Facebook était apparemment dans la course, mais le montant ne devait pas être suffisamment élevé pour aiguiser l’appétit de Mark Zuckerberg.

À l’époque, l’éditeur avait expliqué que le passage à Dropbox lui permettrait d’avoir une architecture serveur digne de ce nom et de faire face à l’afflux d’utilisateurs. La vie de Mailbox comme entité indépendante ayant été tellement courte, il est difficile de comparer l’avant et l’après-Dropbox.

Quoiqu’il en soit, et même s’il a trusté de nombreuses récompenses à la fin de l’année dernière, Mailbox n’est pas forcément sur la bonne pente. La version iPad a été bâclée, alors que la prise en charge d’autres services mail s’est faite désirer pendant de nombreux mois et n’est arrivée que très récemment. Les défauts de jeunesse du logiciel n’ont toujours pas été gommés (il serait agréable de pouvoir jeter un oeil à ses spams par exemple, de temps en temps) et les versions pour les autres plates-formes (Android, OS X…) se font attendre. Bref, l’acquisition de Dropbox n’a semble-t-il pas permis (sauf au niveau serveur) à l’équipe de Mailbox de passer à la vitesse supérieure. Mais était-ce là le plus important ?

Des start-up qui ne prennent plus le temps de grandir

La vérité, c’est que les acquisitions ne profitent que rarement aux utilisateurs. Et dans un sens, cela n’a rien de surprenant, puisque l’utilisateur n’est plus forcément au centre du business-modèle, c’est plus souvent une monnaie d’échange.

Mais l’internaute, s’il va souvent de déception en déception, est peut-être tout doucement en train d’en prendre conscience. Encore que l’annonce de l’acquisition de WhatsApp, s’est révélée être un fantastique coup de pub qui a attiré plus de 1,3 million de nouveaux utilisateurs en l’espace de deux jours. Mais en même temps, vous êtes également très nombreux à chercher des alternatives dès l’officialisation d’une annonce de ce genre. Pour preuve, notre sujet sur les alternatives à WhatsApp a connu un certain succès.

Pour les utilisateurs Mac, l’acquisition la plus douloureuse est sans doute celle de Sparrow par Google. Ce logiciel était une petite révolution dans les clients mail. Google a acheté Sparrow pour 15 millions d’euros, puis plus rien. Comme annoncé, le développement du logiciel a été arrêté. Il n’est revu de temps à autre que pour des questions de sécurité. Naïvement, on espérait que les avancées de Sparrow finiraient par rejaillir quelque part. 18 mois plus tard, on attend toujours. Et Gmail sur iOS est toujours une app mal dégrossie, à mi-chemin entre une webapp et une app native, un projet que doivent se passer les stagiaires de passage chez Google.

Ce carton n'annonçait pas un mariage, mais un avis de décès
Ce carton n'annonçait pas un mariage, en fait, c'était un avis de décès

D’ailleurs, même si le montant de la transaction est à mille lieues de celui de WhatsApp, cette opération illustre en quelque sorte la mentalité de l’époque. Kima Ventures qui a investi dans ce projet était complètement opposé à l’idée d’une revente à Facebook ou à Gmail. Ce fonds d’investissement lancé par Xavier Niel et l'entrepreneur/business angel Jérémie Berrebi, rêvait de mettre au point une structure capable de rivaliser avec Gmail. Ce sont les créateurs de Sparrow qui voulaient absolument vendre. Étonnant, non ?

Une culture d’entreprendre qui a changé

De ce point de vue, Nest est également une grosse déception. Son fondateur Tony Fadell répétait à l’envi, lorsqu'il donnait des conseils aux plus jeunes, qu’il fallait d’abord travailler pour ses héros avant de prendre son envol.

Après avoir travaillé un peu moins de dix ans pour son héros (Steve Jobs), il crée Nest et se lance dans une aventure intéressante, qui aurait pu à terme donner naissance à un géant des appareils connectés. En acceptant les 3,2 milliards de dollars de Google, l’équipe dirigeante a fait le choix de la facilité.

Depuis l'annonce de l'acquisition par Google, Tony Fadell (à droite) a dû monter au créneau pour indiquer que rien ne changerait en matière de vie privée pour ses clients. Vous avez dit méfiance ?
Depuis l'annonce de l'acquisition par Google, Tony Fadell (à droite) a dû monter au créneau pour indiquer que rien ne changerait en matière de vie privée pour ses clients. Vous avez dit méfiance ?

Et c’est bien dommage, car finalement peu de nouvelles sociétés dans le domaine des high-tech parviennent à atteindre le statut de «géant». Celles qui connaissent un succès finissent par tomber tôt ou tard dans l’escarcelle de Google, Yahoo, Facebook ou encore Microsoft. Dropbox pour le moment semble être l’exception qui confirme la règle. Après tout, ils ne sont pas nombreux à avoir dit non à Steve Jobs.

Il est fascinant de voir comment Apple fonctionne différemment de ses rivales en matière d’acquisitions. Deux jours après l’acquisition de WhatsApp, on apprenait que le constructeur n'avait probablement dépensé que quelques dizaines de millions de dollars dans Burstly. Les deux sociétés ne boxent pas dans la même catégorie, pourtant ce ne sont pas les moyens qui manquent chez Apple.

Et même si Apple jure qu’elle a songé à faire des chèques à 10 chiffres pour acquérir certaines sociétés, ce n’est assurément pas la même démarche qu’avec Facebook. Si Mark Zuckerberg a jeté son dévolu sur WhatsApp, c’est parce que son produit maison - Facebook Messenger - est à la traîne et qu’il estime que le marché de la messagerie instantanée est hautement stratégique pour son groupe. Cette stratégie, les Américains la résument en une phrase « If you can’t beat them, own them » (Si vous ne pouvez pas les battre, achetez-les).

Et c’est tout le contraire d’Apple qui préfère investir dans des produits, des services ou des technologies qui lui permettent de se développer. Ainsi, le jour où elle a voulu concevoir elle-même ses processeurs pour ses terminaux iOS, elle a acquis un certain nombre de sociétés spécialisées dans le domaine, dont PA Semi.

Est-ce lié au fait que ces sociétés appartiennent à des générations différentes ? Si Apple et Microsoft avaient vécu dans un tel contexte, seraient-elles restées indépendantes ou auraient-elles fini l’escarcelle d’un IBM ou d’un HP ?

Une chose est certaine : la question de l’indépendance était chère à Steve Jobs. Dans sa « première vie » chez Apple, il a pu mesurer quelles pouvaient être les conséquences d’un conseil d’administration qui vous est hostile. Sur le tard, Steve Jobs a voulu rendre ce que la « Valley » lui avait donné. Il s’entretenait fréquemment avec les jeunes entrepreneurs qu’il appréciait et leur donnait des conseils, fût-il aussi en compétition avec eux, comme Larry Page le cofondateur de Google (lire Steve Jobs : nouveaux extraits de sa bio).

En 2010, il avait conseillé à Jeremy Stoppelman, cofondateur et CEO de Yelp, de rester indépendant et l’avait convaincu de ne pas céder aux sirènes de Google, qui avait formulé une offre. Mais finalement, Steve Jobs était également un utilisateur presque comme les autres, qui appréciait beaucoup Yelp. Et en tant que simple utilisateur il se disait peut-être qu’il valait mieux qu’elle reste indépendante !

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avatar lion.mar | 

Merci pour cette article assez intéressant sur le sujet.

avatar Katsini | 

Bravo et merci ! Très bon article.

avatar Tronculaire | 

Et donc, concernant Yelp: où en sont ils après avoir dit non à Google? (Je ne connais pas la boite mais ses dirrigeants sont ils tout de meme devenus millionnaires?...)

avatar denmakesmusic | 

Cette fille ressemble à un poisson.

avatar aldomoco | 

@denmakesmusic :
Celle qui a un nom vernaculaire ambigu ?

avatar benji2227 | 

Essayez l'appli Threema !
Ses serveurs sont basés en Suisse, et elle est hautement cryptée, même ses propriétaires ne peuvent pas lire les conversations !
Elle connait depuis l'annonce Whatsapp une énorme succès en Allemagne, Autriche, Suisse, Hollande, Espagne etc où elle est N.1 des téléchargement App store et Google Play store...
Elle est 1.60€ mais pour la protection des données ça vaut le coup....!

avatar fabienw28 | 

@benji2227 :
Il y a aussi Telegram Messenger, qui a presque le même design que Whatsapp.

avatar benji2227 | 

@fabienw28 :
Oui mais rien que le fait que Telegram soit gratuit, me donne les soupçons...
Les développeurs russes de cette App ont sûrement des projets en tête avec nos données.... Pour moi c'est déplacer le problème ailleurs...

avatar vincentn | 

@benji2227 :
Le code source pour les apps de Telegram est disponible et les concepteurs ont dit qu'ils libéreraient le code du serveur dans le courant de l'année. Bref wait and see… mais c'est prometteur.

avatar Xap | 

J'utilise Threema aussi. L'inconvénient c'est qu'il faut convaincre ses principaux contacts de la télécharger mais c'est clair, pour moi c'est de très loin la meilleure appli du genre.

avatar Mister Ramac | 

Merci.
Exactement le genre d'article que j'aime lire.

avatar iRobot 5S | 

Steve Jobs a conseillé Larry Page ? Lol

avatar Grizzzly | 

"If you can't beat them, own them"

tout est dit !

avatar KilEstBoLeMac | 

La question que je me pose, c'est à quelle moment une application appartient à ces utilisateurs plutôt qu'à son concepteur. On arrive à des cas de monopole du à la fréquentation utilisateurs...

avatar The3DCie | 

En gros nous somme malheureusement passé du "le client est roi" à "cochons de payeurs" !

C'est assez triste mais les sommes évoquées donnent le tournis et je ne suis pas sûr que je ne vendrais pas mon âme au diable s'il me proposait autant d'argent d'un coup, donc je me garderais bien de jeter la pierre à ses entrepreneurs d'un nouveau type...

La mauvaise nouvelle du rachat de WhatsApp (que je n'utilisait pas personnellement) c'est qu'on a l'impression d'être revenu 13 ans en arrière, au moment de l'éclatement de la bulle internet...
Espérons que nous l'éviterons, cette fois, mais ça me semble mal engagé.

avatar John Maynard Keynes | 

@The3DCie

Le client est roi c’est une antienne qui ne tient plus depuis le début de la société de consommation est l’émergence des marchés de marge.

La satisfaction client est une variable d’ajustement, un compromis économique qu’il ne faut surtout pas chercher a porter à des niveaux vertigineux : ce n’est pas rentable.

Et cela n’a pas entendu l’émergence du net pour exister ;-)

avatar misc | 

Je plusoie pour threema. Et merci pour le modèle payant, ca suffit comme ca le "gratuit".

avatar MrSoul | 

Dans cet article, on brosse Apple dans le bon sens, mais on en oubli que le monstre a été en parti crée par eux.
Leur modèle économique est un modèle du genre qui a révolutionné le marché (app à pas chère mais vendu par million), qui a même fait reculé le piratage logiciel, mais qui a oublier que ce même marché est gangréné par les spéculateurs (créer une app pour revendre une base d'utilisateurs), la concurrence déloyal (les capitaux infini des géants), les app gratuite de merde blindé de pub qui rapporte 50000€ par jours, sur-installé par une manipulation des réseaux sociaux, les fausse app gratuite, conçu pour créer une addiction afin de soutier plusieurs centaines d'euros d'achat in-app.

Tout ça, je pense qu'apple ne l'avais pas prévu, mais depuis la disparition du gourou, ce sont les financiers qui ont pris le dessus, donc pas de remise en question puisqu'on gagne énormément en tant qu'intermédiaire, même si on nivelle par le bas.

Pourquoi le rachat de logiciel à des prix inconséquent ?
- Rachat de brevet pour bloquer la concurrence.
- Rachat de base de donnée pour faire du big data, et analyser le comportement des utilisateurs.

avatar svimic@ah-mac.com | 

Une remarque à propos des clients Mail (parce qu'on peut pas commenter l'article (5 clients mail). Il n'était pas fait mention d'une appli IOS bien mieux que Mailbox et les autres présentées dans l'article, ne serait-ce que parce qu'elle prend TOUS les comptes IMAP génériques, sans compter les spams, tâches, Dropbox, etc., il s'agit de Boxer. Et l'équivalent Mac c'est Airmail. Allez-y voir et Macge pourrait en parler.
...
Note: j'avais écrit toute une tartine puis passé dans Safari pour chercher un lien et au retour sur Macge... Rien ! Tout perdu ! Je crois que c'est la seule appli qui garde pas le texte entré quand on switche et qu'on revient ! Allez, une mise à jour SVP

avatar Liena | 

Finalement, le capitalisme déteste la concurrence. Mais pour ne pas créer d'oligopoles, il faut faire comme si. Et racheter ses concurrents, en clamant haut et fort des mots comme " synergies" "intégration" "protections" "respectueux" et bien d'autres, je laisse la novlangue capitaliste en jeter d'autres. Mais le but de tout ça est bien évidemment de créer un ensemble oligopolistique en tuant ceux que l'on rachète. Quitté à créer une bulle.
On verra qui survivra à ces achats à coup d'actions (et avec peu de liquidités, il faut le préciser, donc sur du vent !). Je pense que seuls ceux qui ont un tissu industriel, du concret, du tangible, du dur !!, se sortiront de la bulle une fois celle-ci explosé.
Oui, c'est du grand n'importe quoi.
Alea jacta est.

avatar debione | 

Dommage que l'article fasse l'économie de développer l'autre côté de la chose...

Nous ne sommes que des clients? Qui a dit que le client était roi? Il serait intéressant de savoir pourquoi on est client, pourquoi on se sent obligé d'étaler sa vie via des réseaux sociaux, pourquoi on se sent obligé de prendre en photos sa dernière beuverie, le dernier monument ou musée ou encore son enfant...

Le client veut étaler sa vie, veut montrer comment elle bien ou dure, il ne vit plus pour lui mais pour étaler sa confiture à la face de sa famille, de ses amis et de gens qu'il ne connait même pas...

Le client veut cela, il veut qu'à tout moment ses amis, sa famille sache exactement ce qu'il vit, dans quelle condition photo et vidéo à l'appui...

Le client reste roi, car personne n'est obligé d'avoir un smartphone, personne n'est obligé de rester en contact permanent, personne ne peut pas attendre une semaine avant de voir le visage du nouveau venu dans la famille... Venir se plaindre que des société profitent de cela est prendre le problème à l'envers, le problème n'est pas ses sociétés mais le client, qui est près à tout pour pouvoir étaler sa vie, tellement importante à ses yeux...

La dangerosité de cette période n'est pas ces sociétés qui essaye de remplir leurs chiffres d'affaire au maximum, la dangerosité est dans le fait que bientôt plus personne ne prend le temps de s'emmerder, si tu es seul et que tu ne sait pas quoi faire tu ouvres ton smartphone, parcours Facebook, youtube et autres messageries tu t'abreuves de chose pas très utiles... Cela t'empêche de t'emmerder, mais surtout cela t'empêche de penser... Et la dessus le client est roi... Car ne plus penser c'est ne pas pouvoir remettre en cause certaines choses, le fait de changer de messagerie ne changera rien, les sociétés ont complètement aliéné l'humain, et celui-ci est content... Et il y a peu de chance que cela change, pour cela il faudrait ô sacrilège poser son smartphone pendant quelques mois, vivre sans lui, arrêter de vivre pour exposer mais vivre les choses pour soi...

/Coup de gueule off

avatar patrick86 | 

@debione :

Point de vue fort intéressant.
Ça me fait penser à un extrait du " Meilleur Des Mondes " :

"Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté."

Il y a indéniablement une part de responsabilité qui incombe aux puissants de se Monde, mais, c'est à chaque d'Être maître de sa vie, de savoir penser par lui-même, se protéger de toute forme de manipulation, etc.

"Le client veut étaler sa vie, veut montrer comment elle bien ou dure, il ne vit plus pour lui mais pour étaler sa confiture à la face de sa famille, de ses amis et de gens qu'il ne connait même pas...

Le client veut cela, il veut qu'à tout moment ses amis, sa famille sache exactement ce qu'il vit, dans quelle condition photo et vidéo à l'appui..."

Un récit autobiographique peut être intéressant pour les autres et pour soi-même (ça peut permettre de mieux comprendre des aspect de sa propres vie), mais l'étalage à tout va de futilités me parait toujours aussi étrange.

avatar 8enoit | 

Je plussoie à fond.

Mais le smartphone n'est qu'un révélateur de cet appauvrissement de la Pensée. C'est une tendance qui nait du triptyque contemporain matérialisme-individualisme-consumérisme. La résistance à ce que nous servent les médias baisse, alors même que l'accès à la connaissance est plus facile que jamais. Tout laisse à penser que l'esprit critique a reculé.
Ruptures dans la transmission (familles déchirées, ringardisation de la génération précédente, progrès technique), télévision généralisée (moins de rencontres = affaiblissement du lien social), nivellement par le bas dans l'enseignement… tous ces mouvements s'enchaînent et s'entraînent l'un l'autre.

Mais je pense aussi qu'internet et donc les produits connectés contribueront à la naissance de mouvements de prise de conscience et de résistance. Ce sera long.

avatar Kriskool | 

Lentement mais sûrement big brother se dessine. De fusions en acquisitions il n'est restera qu'un et ce sera lui.
C'est nous qui créons ces montres en tant qu'utilisateurs. Gratuits ou payants ces messageries ou réseaux sociaux n'ont cure des services rendus et n'ont pour seul objectif d'amasser le plus d'utilisateurs possibles pour les monnayer ensuite. Pourquoi nous jetons nous dessus alors que nous n'en avons pas besoin. Par exemple, nos forfaits illimités nous permettent l'envoi de SMS et MMS avec la même finalité ? Comme Waze a mon avis très bientôt, Whatsapp sera discrètement démantelé puis fusionné par le géant acheteur. Et de tous ces services de communication n'en resteront que quelques uns puis plus qu'un seul. Et ce dernier contrôlera tout : nos vies, nos pensées, nos actes. Et là, on y sera ! Georges Orwell, Matrix ... on arrive !...
Oui, je sais tenir ce discours aujourd'hui peut faire sourire...

avatar patrick86 | 

"Pourquoi nous jetons nous dessus alors que nous n'en avons pas besoin. Par exemple, nos forfaits illimités nous permettent l'envoi de SMS et MMS avec la même finalité ?"

J'ajouterai qu'il y a des services de messageries instantanées beaucoup plus neutres et souples, tel que Jabber (qui n'est pas un service mais un protocole que n'importe qui peut utiliser), IRC pour un réseau publique, etc.

Vous voulez communiquer avec un proche éloigné via un réseau neutre ? Faites-vous un serveur Jabber. Au pire, allez en chercher un neutre et respectueux de la vie privée, y'en a plein.

Enorme avantage de Jabber : pas besoin que tout le monde soit inscrit sur un même service !

avatar thierry61 | 

En même c'est le propre des start up de se consolider en de plus grosses structures ou de se faire racheter par de gros groupes. La croissance externe n'est pas un phénomène nouveau et le fait de racheter une boite répond à une logique que tous les grands groupes informatiques (mais pas qu'eux) ont mis en oeuvre à un moment ou un autre.

Les boites peuvent vouloir :
- récupérer de la base installée ou du carnet d'adresse (voir Facebook and co)
- racheter de façon défensive pour contrer la concurrence et ne pas stagner (voir Facebook and co)
- acquérir des technologies pointues qu'il serait vain de vouloir réinventer en interne (un peu comme Apple)
- acquérir plein d'éditeurs et de prestataires de service pour gonfler une activité jugée nécessaire à la stratégie de diversification du groupe (façon IBM Software)
- acquérir des techno et de la base installée pour améliorer sa part de marché et maintenir une taille critique ou conserver sa position dominante (c'est l'histoire de HP qui bouffe Compaq qui bouffe Digital etc, etc)
- acheter à tout va, histoire de passer du statut de pionnier à celui d'acteur dominant et incontournable d'un nouveau marché (toute l'histoire de Google ça)
- se poser comme un nouvelle acteur global, capable de jouer des coudes avec les acteurs en place (Oracle et son rachat de Sun et d'une pléthore d'éditeurs)
- acheter pour moderniser et enrichir les fonctions de ses logiciels coeur de métier (c'est ce qu'on a souvent vu chez les grands éditeurs de progiciels comme SAP).

Bien des produits informatiques que nous utilisons, chez nous ou au boulot, ont ainsi eu une histoire complexe. Ils sont passés de propriétaire en propriétaire ; leur road map technologique a changé avec le temps et les propriétaires; ils ont parfois été proposés en remplacement d'anciens produits rachetés puis abandonnés ou fusionnés avec d'autres produits; etc; etc.

L'opération de rachat n'est pas toujours sans risque pour l'acquéreur : les synergies ne prennent pas, le marché peut être déstabilisé, les bénéfices attendus sont surestimés, le marché se détourne vers d'autres acteurs, etc, etc. Le fait que Facebook soit capable d'aligner des milliards de brouzoufs sur la table ne dit donc a priori pas grand chose sur la viabilité à long terme de cet acteur. Seule l'histoire nous dira si sa dernière acquisition a été bonne et juteuse. Et si le montant payé en valait la chandelle.

avatar patrick86 | 

"Depuis l'annonce de l'acquisition par Google, Tony Fadell (à droite) a dû monter au créneau pour indiquer que rien ne changerait en matière de vie privée pour ses clients. Vous avez dit méfiance ?"

Pour qu'un système de contrôle de chauffage puisse poser un éventuel problème de non respect de la vie privée de ses utilisateurs, c'est qu'il y a un problème inhérent à sa conception.

--

Il est bien dommage de ne donner comme alternatives à WhatApp que des services commerciaux alors qu'il en existe de très nombreux autres.

avatar John Maynard Keynes | 

Pour qu'un système de contrôle de chauffage puisse poser un éventuel problème de non respect de la vie privée de ses utilisateurs, c'est qu'il y a un problème inhérent à sa conception.

détrompe toi la programmation du chauffage peut en dire beaucoup sur les habitudes de vie des habitant d’un foyer, tout comme la consommation électrique.

avatar Mondrian | 

Analyse très intéressante!

Tout de même, je pense qu'il ne faut pas mettre Whatsapp et mailbox, sparrow, et autres, dans le même panier. Si le rachat de Whatsapp inquiète c'est plus par peur que les données des utilisateurs finissent entre de mauvaises mains ou par inquiétude d'une nouvelle bulle, que par peur de ralentissement dans le développement de l'app, celle-ci étant déjà assez élaborée...

avatar _Bluetooth | 

Super article Macgé, continuez !

avatar mabovitch | 

Une app qui semble prometteuse egalement : https://heml.is/

avatar FollowThisCar | 

Je me joins au concert de louanges : super, Christophe, excellent article qui pose des questions pertinentes (au lieu d'asséner des vérités), merci.

Sur le mouvement de fonds, tout cela me fait penser aux années 80 avec l'explosion des médias audio-visuels. Les start-ups pullulaient comme des champignons, et les investisseurs se ruaient sur n'importe quel prospectus, dès qu'il faisait miroiter l'achat de droits vidéos avec des projections de profits fulgurants.

Finalement, il y a eu quelques faillites retentissantes quand la valeur réelle des droits achetés s'est révélée au grand jour : gonflée de manière hyper-surréaliste, la bulle a explosé laissant sur le carreau les petits investisseurs qui avaient rêvé d'argent facile. Les analystes avaient exagéré à outrance les droits estimés et les prévisions de consommation du client final.

Autrement dit, toutes ces boîtes qui croient NOUS posséder aujourd'hui en prenant la liberté de NOUS vendre à des tiers ne font qu'anticiper sur des comportements futurs, mais rien ne garantit que les utilisateurs suivront. Cette spéculation peut s'écrouler comme un château de cartes le jour où les utilisateurs décident d'exercer le pouvoir qu'ils ont : celui de dire NON.

Google est déjà sur la mauvaise pente et Apple résiste de plus en plus mollement à la tentation des financiers voraces qui crient : "cette base de données, j'te l'dis mon frère, c'est de l'or en barre, du diamant liquide, tu les tiens, vas-y presse le citron encore plus fort".

CONNEXION UTILISATEUR