Enchère et expertise graphologique, on reparle de l'Apple I

Jean-Baptiste Leheup |

Imaginez : nous sommes en 1976, vous êtes un commerçant californien spécialisé dans les pièces électroniques, et vous recevez la visite de deux types barbus et chevelus, voire pas très propres. Ces deux hippies, qui se prénomment Steve et Steven, vous expliquent qu'ils ont créé trois mois plus tôt une entreprise à laquelle ils ont donné le nom d'un fruit. Ils n'ont pas un sou en poche, car aucune banque n'a accepté de leur prêter de l'argent. Et comme ils bricolent encore dans le garage de la maison familiale, ils louent une simple boîte postale au 770 Welch Road à Palo Alto. Mais, pleins d'aplomb, ils vous demandent de leur fournir 20 000 $ de composants, en vous promettant de régler la facture sous trente jours.

Alors, comment auriez-vous réagi ? Comme la plupart des commerçants sérieux, vous auriez sans doute mis à la porte ces deux importuns, en les invitant à revenir avec un nom d'entreprise un peu plus sérieux, une vraie adresse et un compte en banque qui sonne moins creux.

Bob Newton, le gérant de la boutique Kierulff Electronics de Palo Alto, lui, avait eu l'idée saugrenue de donner leur chance aux deux hippies, et leur avait fourni le matériel demandé, avec un crédit gratuit à trente jours. Sans le savoir, il venait de participer au décollage d'une entreprise qui, 35 ans plus tard, deviendra la plus grosse société au monde par sa capitalisation boursière. Avec cet argent, les deux Steve avaient pu assembler leurs premiers Apple I, pour fournir la boutique Byte Shop de Mountain View, la ville voisine.

Et voici qu'en 2022, l'un des chèques ayant servi à payer cette commande refait surface. La maison RRAuction propose en effet un chèque de 3430 $, signé par les deux cofondateurs d'Apple, et daté du 15 juillet 1976. C'est donc un vrai morceau d'histoire que vous pouvez acquérir aujourd'hui, une occasion à ne pas rater1, d'autant que ce morceau de papier n'atteindra sans doute pas les mêmes sommets que le contrat signé entre Steve Wozniak, Steve Jobs et Ronald Wayne, donnant naissance à leur entreprise le 1er avril 1976, qui avait changé de main pour 1,59 million de dollars il y a une dizaine d'années.

Ce qui est dommage, c'est que la manière dont ce chèque a réapparu n'est pas précisée. N'a-t-il jamais été encaissé ? Ou bien le dossier bancaire de la toute jeune Apple a-t-il été éparpillé par la Wells Fargo Bank ? Plus étonnant encore : en 1976, les chèques utilisés par Apple utilisaient déjà, d'après la discrète mention portée en bas à droite du précieux papier, des matières recyclées.

Et tant qu'on y est, on en profite pour vous informer qu'un mystère aussi vieux que ce chèque a été résolu tout récemment : grâce à Achim Baqué, le chasseur d'Apple I, et comme nous l'a appris 9to5mac, une analyse en comparaison d'écritures a permis de confirmer que c'est bien Steve Jobs lui-même qui a inscrit à la main le numéro de série sur la carte-mère des premiers Apple I. Très soucieux de ne pas donner l'impression d'alimenter un culte de la personnalité à son propre sujet, il avait à plusieurs reprises nié être à l'origine de cette mention manuscrite qui rend encore plus unique chaque carte-mère d'Apple I encore en circulation.


  1. À l'heure de la rédaction de cet article, les enchères se montent à 50 000 $. Pas mal, c'est déjà trois fois plus que l'inflation sur la même période, ou l'équivalent d'un placement à 8 % annuels. ↩︎

avatar brunnno | 

Un employé de la banque qui est tombé là dessus et qui s’est dit qu’il y avait de l’argent à se faire… ?? 🤨

avatar Matlouf | 

Le commerçant a été plutôt sympa, mais il n'a pas eu le nez creux. Imaginons qu'il se soit fait payer en actions de la société Apple, qui, à l'époque, ne devait pas dépasser les 10000 $.

(C'est arrivé à un ami de Henry Ford, auquel il lui avait prêté de l'argent quand il s'était lancé dans la fabrication de voitures. Ford lui avait proposé soit de le rembourser de son prêt, soit de lui donner 1 $ par voiture vendue. N'y croyant pas, l'ami avait préféré être remboursé...)

avatar YetOneOtherGit | 

@Matlouf

Tu as la célèbre anecdote du premier logo de la compagnie qui avait été rémunéré en part sociale (pas en actions, c’est pour les sociétés cotés les actions).

Il a préféré les échangées contres quelques centaines de dollars 😄

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ronald_Wayne

PS : l’estimation de la valeur théorique de ses part est fausse car elle oublie les dilutions des divers tours de ta le puis de l’IPO 😉 Mais ça fait quand même une sacrée somme. (Jobs lui même ne possédait plus que 11% des parts après l’IPO)

avatar jmquidet | 

"N'a-t-il jamais été encaissé ?"
On voit des inscriptions au verso (tampon à l’encre violette etc.), il a bien du être encaissé, puis ressorti des archives quelques mois (années ?) plus tard, non ?

avatar Biking Dutch Man | 

L’analyse graphologique cherche à décrire le caractère du scripteur. Elle n’a pas de fondement scientifique. L’examen forensique d’écriture manuscrite a vocation d’inférer l’identité du scripteur. Cet examen combine le résultat de méthodes d’experts et de méthodes automatiques. Ce type d’approche peut être validé d’un point de vue scientifique.

avatar Ingmar97432 | 

@Biking Dutch Man

👍👍 merci pour la mise au point

avatar Nims | 

En effet.
En tout cas, l'écriture révèle un bel intellect, très rapide, et une belle pointe de "piquant" ! :)

avatar YetOneOtherGit | 

« Pas mal, c'est déjà trois fois plus que l'inflation sur la même période, ou l'équivalent d'un placement à 8 % annuels »

Mais beaucoup moins bon que le rendement d’Apple depuis l’IPO 😄

- Market Cap à l’IPO le 12/12/80 : 1,8 B$
- Market Cap aujourd’hui : 2 730 B$

Soit une moyenne annuelle de 19,4% 🤑(taux moyen d’inflation sur la période 3%)

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