Steven Sinofsky a travaillé chez Microsoft de 1989 à 2012 et il a même dirigé la division Windows à partir de 2009 et c’est lui qui a supervisé le développement de Windows 7. Autant dire qu’il connaît bien le monde de Microsoft et qu’on ne peut pas l’accuser d’être spécialement fan d’Apple… et c’est pourtant à une défense en règle qu’il a consacré une série de tweets hier soir :
En prenant du recul, il est important de reconnaître que le travail qu’Apple a réalisé au total, en termes de matériel, de logiciel, de services et même d’intelligence artificielle et de machine learning est à couper le souffle et sans précédent par son étendue, son échelle et sa qualité. Je ne dis pas ça à la légère ou pour troller. C’est un fait.
Pour prouver que tout ne va pas si mal dans l’univers d’Apple, il remonte jusqu’aux années 1990 et l’acquisition de NeXT qui signe aussi le retour de Steve Jobs aux commandes. Cela fait à peu près vingt ans que le constructeur innove constamment, indique-t-il, d’abord pour créer un système d’exploitation moderne avec macOS, puis en adaptant ce système à une plateforme mobile qui a réussi à conquérir le monde, l’iPhone bien évidemment. Pendant tout ce temps, l’entreprise de Cupertino n’a jamais cessé de sortir des mises à jour, souvent tous les 12 à 18 mois.
Steven Sinofsky concède que toutes ces mises à jour n’ont pas été aussi importantes les unes que les autres (c’est un euphémisme si on parle de macOS), mais il ajoute que Microsoft n’a jamais été capable de faire aussi bien. Les mises à jour d’Office sont sorties au mieux tous les 18 à 30 mois et avec souvent moins de nouveautés, précise-t-il. À ses yeux, le seul cas similaire dans l’histoire de l’informatique serait à chercher chez IBM et les débuts des 360 et 370, les premiers ordinateurs programmables conçus dans les années 1960. Pour résumer sa pensée, Apple a réussi pendant au moins vingt ans à sortir des mises à jour régulières de ses produits et à le faire avec une qualité constante et un rythme jamais vu.
Mais alors, pourquoi est-ce que tant d’observateurs et d’utilisateurs se plaignent depuis plusieurs mois d’une qualité en baisse chez Apple ? D’après l’ancien responsable de Windows, c’est avant tout une question de perception et la qualité des produits conçus par Apple est exceptionnelle en soi :
La qualité de macOS, iOS et du matériel est vraiment à un niveau de qualité que notre industrie n’avait jamais vu auparavant. Pensez à l’échelle de la sortie de l’iPhone X. De zéro à 30 millions en quelques mois. C’est incroyable. Et il marche mieux et il est plus fiable qu’à peu près tout ce que je peux acheter par ailleurs.
Selon Steven Sinofsky, le problème de perception sur la qualité d’Apple est lié au nombre de ses utilisateurs. Même si un bug ne touche que 0,01 % des utilisateurs d’iPhone, cela concerne quand même quelques dizaines, voire centaines de milliers de personnes. Et il suffit à nouveau d’un pour-cent de ces utilisateurs concernés pour voir quelques centaines, voire quelques milliers de messages sur les réseaux sociaux. On peut alors avoir l’impression que rien ne va plus chez Apple, quand dans l’absolu, une part infime des utilisateurs était concernée à la base.
Il le dit lui-même : ne travaillant pas chez Apple, il n’a pas accès aux données complètes et ne peut pas prouver cet argument. Il appuie néanmoins son hypothèse sur son expérience chez Microsoft et nous pouvons le constater aussi à notre échelle. Les utilisateurs qui ont des problèmes sont toujours les plus actifs sur les réseaux sociaux, dans les forums ou dans les commentaires des sites d’actualité, mais on n’entend jamais tous ceux qui ne se plaignent pas.
Cela n’empêche qu’il reste de vrais bugs dans les systèmes et logiciels conçus actuellement par Apple, mais Steven Sinofksy soutient que bon nombre de problèmes évoqués ces derniers temps relèvent davantage de changements qui ne passent pas, plutôt que de vrais bugs problématiques. Les vrais bugs, de ceux qui empêchent d’utiliser un appareil ou même qui suppriment des données, sont devenus plus rares qu’à une époque.
Tout cela pour dire que, d’après lui, Apple va bien et que les changements de stratégie évoqués hier ne sont pas aussi importants qu’on pourrait le croire. Pour rappel, une rumeur publiée par Bloomberg évoque une réorganisation au sein d’Apple et une priorité plus grande accordée aux corrections de bugs et à la stabilité, au détriment parfois de nouveautés. D’ailleurs, plusieurs fonctions prévues pour 2018 à l’origine seraient repoussées à 2019 d’après ces informations.
Steven Sinofksy pense que ces changements ne sont pas aussi importants qu’on veut bien le croire. Il explique qu’on ne travaille pas à l’échelle d’Apple en choisissant les nouveautés ou la stabilité ou le respect d’une date de sortie. Les trois paramètres sont toujours envisagés en permanence et essayer de se concentrer sur un seul élément est la clé de l’échec, indique fermement l’ancien responsable de Windows. Tout en se rappelant de réunions au sein de Microsoft, où les mêmes débats se répétaient :
- les développeurs ne veulent rien faire d’autre que de corriger leurs bugs ;
- le marketing veut des nouveaux produits tous les ans ;
- les relations presse voudraient une nouveauté chaque mois ;
- les geeks veulent une toute nouvelle interface et plein de nouvelles options ;
- les responsables informatique en entreprise ne veulent aucun changement, jamais.
Conclusion de l’intéressé ? Même en tant qu’observateur extérieur, il se sent suffisamment sûr de lui pour dire que les changements au sein d’Apple évoqués par la rumeur ne sont ni une crise, ni une réponse aux critiques récentes. Il s’agit encore moins d’un changement de direction, c’est une « évolution prévisible et méthodique d’un système extrêmement robuste et qui a fait ses preuves ».