
Dans son billet consacré à Final Cut Pro X, Ron Brinkmann commence par cette image en forme de clin d'oeil au film de Luc Besson pour évoquer la façon dont Apple traite sa clientèle professionnelle.
L'homme est bien placé pour parler de la chose, puisqu'il est l'un des inventeurs de Shake. Ce logiciel de compositing a été racheté par la firme de Cupertino en 2002 avant d'être abandonné en 2006. Brinkmann, qui avait rejoint Apple suite à ce rachat, était parti quelques mois avant l'annonce officielle de l'arrêt de Shake (lire : Retour sur l'abandon de Shake).
Pour expliquer la réorientation de Final Cut Pro X, Brinkmann revient sur son expérience personnelle. À la question, "Apple prend-il au sérieux le marché des professionnels ?", il répond par la négative. Ce marché n'est pas assez important pour que la firme de Cupertino en fasse son "activité principale".
Mais l'inventeur de Shake est lucide avançant des données économiques incontestables. Combien y a-t-il de monteurs professionnels de renom au monde ? Selon lui, il y en a 10 000 tout au plus. À l'inverse, combien y a-t-il de personnes qui seraient intéressées par un logiciel de montage vidéo à la fois simple, puissant et vendu à un prix très compétitif ? Pour Ron Brinkmann, il n'y a pas photo.
Apple est d'ailleurs en "parfaite harmonie" avec ce discours. Dans ses briefs de présentation de Final Cut Pro X avant sa sortie, elle avait pour ambition avec son nouvel outil de toucher l'ensemble des utilisateurs créatifs, et plus uniquement les professionnels de la vidéo.
Pour expliquer le changement "brutal" ce cap d'Apple évoque également la manière dont la société fonctionne. Avant que Shake ne soit racheté, l’application dominait son segment. 90 % des fonctionnalités qui étaient intégrées à Shake, provenaient de demandes de clients. Pour une clientèle haut de gamme comme l'était celle de son logiciel, il fallait un lien et un suivi très forts avec ses utilisateurs.
Quand Apple a repris en main le développement de Shake, la stratégie adoptée et présentée par Steve Jobs a été toute autre. L'idée était de proposer un outil puissant à un prix nettement inférieur. En quelque sorte, Apple cherchait d'une part à démocratiser ce type d'applications et de l'autre à pousser les professionnels à s'équiper de Mac. Mais il n'était plus question d'échanger avec sa clientèle afin de discuter des améliorations à apporter au logiciel.
Pourquoi procéder de la sorte ? Ron Brinkmann explique que souvent les fonctionnalités demandées par les professionnels ne sont pas très sexy. Et c'est là tout le problème selon lui. Pour Steve Jobs, lorsque vous faites la présentation d'un nouveau produit, il faut absolument que la démonstration soit spectaculaire. C'est autrement plus efficace que de faire de la pédagogie autour de concepts complexes et difficiles à expliquer.
Reste que selon lui, il serait faux d'affirmer qu'Apple privilégie systématiquement la forme au fond. Mais c'est dans sa logique que de proposer des outils plus simple et plus efficace quitte à ne pas prendre en charge correctement certaines fonctionnalités indispensables aux professionnels. Et selon lui, c'est exactement pour cela que Pages, à défaut d'être aussi complet que Word, est beaucoup plus sympa à utiliser.
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