Interview : Adobe et ses multiples interfaces

Florian Innocente |
Adobe travaille sur la prochaine version de sa Creative Suite et l'interface de ses logiciels amènera quelques franches nouveautés. L'occasion d'aborder le sujet avec John Nack, le chef produit de Photoshop pour en savoir plus sur les pistes suivies par l'éditeur.

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Il semble y avoir deux écoles ces derniers temps chez Adobe pour les interfaces. Le look Creative Suite et le look Lightroom que l'on retrouve dans les applications web mais aussi dans le dernier Photoshop Elements 6.

John Nack : C'est un peu plus compliqué que cela, du fait de la diversité des clients et des tâches auxquels doivent répondre les applications d'Adobe. Les logiciels de vidéo (After Effects, Premiere Pro, Encore DVD et Soundbooth) ont des interfaces très homogènes entre eux, mais différentes de celles de la Creative Suite. C'est pour une partie la conséquence de certains cadres d'utilisation (en vidéo par exemple, vous avez généralement un seul projet ouvert à la fois) et pour une autre partie l'héritage de ces applications où leurs codes ont évolué indépendamment au fil des années.

psexmainPhotoshop Express sur le web



Est-ce qu'une unification est prévue et est-ce que Lightroom est une sorte de laboratoire pour les prochaines interfaces ?

JN : Pour ce qui des styles d'interfaces je pense pas qu'un jour il y en aura une et une seule uniquement. Adobe est une très grosse entreprise avec des douzaines d'applications, vous verrez plutôt un mélange de diversité et de recoupement. Je crois que les applications en Flash/Flex, qu'elles soient déployées en ligne ou sur le bureau au moyen du moteur AIR sont celles qui serviront de berceau aux nouvelles idées. C'est évidemment plus facile de faire des tests sur ces nouveaux outils qu'avec des applications où le changement le plus infime risque de perturber les habitudes de travail de l'utilisateur.

finetunesairadobe

Finetune Desktop, une application fonctionnant avec AIR


Pourquoi les interfaces noires sont si courantes dans les logiciels de photographie (Photoshop Lightroom et Express) tandis que le gris domine dans la retouche d'image (Photoshop) ?

JN : Les gens sont tous différents et ils veulent tous des interfaces différentes, c'est donc difficile de choisir celle qui va fonctionner auprès du plus grand nombre. Les photographes tendent à préférer des environnements très neutres de manière à ce que leur perception de la couleur ne soit pas gênée par des couleurs extérieures ou des tons très vifs. Les spécialistes du "print" créent à destination de suppports papiers où le blanc domine, et ils ne réclament pas véritablement d'interfaces aux tons sombres qui produiraient de forts contrastes avec leur réalisations. Les gens en vidéo préfèrent eux ces interfaces plus sombres, peut-être parce que c'est l'état normal d'un écran.

L'idéal serait qu'on laisse les gens définir leurs propres réglages d'affichage. Certains de nos logiciels, ceux de vidéo, Illustrator ou Bridge, le permettent déjà, mais Photoshop et d'autres pas encore. Ca fait partie de ces choses qui semblent faciles à faire mais qui, en fonction du produit, se révèlent finalement plus complexes qu'il n'y paraît. Vous ne pouvez pas utiliser les éléments d'interface propre au système car ils vont détonner sur une interface très sombre. Du coup vous devez dessiner vos propres boutons et définir leur comportement.


Est-ce qu'on s'approche de grands changements dans les interfaces ? Avec les possibilités offertes par les cartes graphiques ou Flash il doit être possible d'animer des environnements qui sont aujourd'hui assez statiques dans leur comportement ?

Bonne question. Mais "pouvoir" ne signifie pas "devoir". Bien sûr on peut aujourd'hui faire des choses complètement dingues et flashy, mais est-ce que ce sera utile pour autant ? J'ai toujours estimé qu'Apple avait fait un bon boulot dans son utilisation des animations. Elle l'a fait avec goût et de manière utile.

Rappelez-vous dans les anciens Mac OS de l'animation d'ouverture des dossiers. On voyait un effet d'agrandissement progressif de la fenêtre qui permettait de localiser immédiatement l'action. Comparez ça avec le même effet gratuit de fondu qui précède l'apparition de quasiment toutes les fenêtres dans Vista. Dans un cas on a une information pertinente, dans l'autre rien d'autre qu'une dépense pour la carte graphique.

On pourrait faire beaucoup de choses avec des animations en s'appuyant sur les derniers matériels mais il ne s'agit pas de le faire juste pour le plaisir. Je suis plus emballé à l'idée de pouvoir afficher et travailler sur davantage de données à l'écran, c'est à dire passer moins de temps sur des boutons de réglages et plus à observer le résultat. C'est une évolution à laquelle on va assister dans Photoshop, Illustrator et dans d'autres outils d'Adobe. Mais on a bien sûr de plus grandes ambitions encore pour l'avenir.


Est-ce qu'il y aujourd'hui des comportements dans la manière dont on utilise les interfaces qui vous paraissent complètement dépassés au vu de ce la technologie permettrait de faire ?

Je crois que d'être obligé de passer par des tonnes de boites de dialogues est quelque chose de complètement dépassé. Malheureusement c'est encore très courant dans Photoshop et ça donne l'impression d'être dans la "Winchester Mystery House" (ndt : une maison gigantesque en Californie qui fut aménagée pendant 38 ans) - énormément de pièces bâties à des périodes différentes où pas une seule ne ressemble à l'autre. On est bien sûr conscients de ce problème depuis longtemps mais le régler n'est pas une mince affaire.

Comme je l'ai dit précédemment, on va se diriger vers un fonctionnement qui privilégie le travail direct sur votre image plutôt qu'au travers de boites de dialogue. Mais j'en dirai plus à ce sujet prochainement.
avatar nlex | 
perso je prefere les boites de dialogues que les petits fenetres partout

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