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Archos, les limites du « made in France »

Anthony Nelzin-Santos

mardi 14 février 2012 à 14:00 • 78

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Suite à l'annonce des dernières nouveautés de la marque, nous avons demandé à Archos quelques précisions sur son activité. L'identité de la firme de Henri Crohas a souvent été utilisée à des fins politiques : c'est une société informatique oui, mais une société informatique française. À l'heure du « made in France » et de la place incontournable de la Chine dans l'industrie informatique, où se situe Archos ?

Une PME française dans l'ombre des géants de la Silicon Valley
Fondée en 1988 par Henri Crohas, Archos sort de l'ombre avec ses premiers baladeurs numériques en 2000. On considère souvent le Jukebox 6000 comme le premier baladeur MP3, et c'est faux : ce titre revient à l'Audio Highway Listen Up de Nathan Schulhof (1997), qui détient quelques brevets clefs sur cette technologie. Le premier baladeur MP3 produit en grande série est le fameux MPMan de SaeHan / Eiger, présenté deux ans avant le Jukebox d'Archos.

Jukebox 6000
Jukebox 6000


Ce n'est pas non plus le premier baladeur musical à disque dur : le Personal Jukebox de HanGo, conçu par Compaq, et le Nomad Jukebox de Creative utilisaient tous les deux des disques 2,5", deux ans avant le Jukebox 6000. Archos n'a même pas inventé une interface révolutionnant les choses : les menus du Jukebox 6000 étaient tellement complexes, et son micro-logiciel tellement bogué, qu'il a inspiré la création de l'interface open-source Rockbox.

Juxebox Multimedia
Juxebox Multimedia


Non, ce qu'Archos a inventé avec le successeur du Jukebox 6000, le Jukebox Multimedia, c'est le concept même du portable media player, un lecteur capable de faire plus que de lire de la musique. Véritable compagnon numérique, le Jukebox Multimedia était capable d'afficher des images, de lire des vidéos, et même d'en enregistrer grâce à un module externe. Mais il est arrivé trop tard : huit mois avant sa commercialisation, Apple avait présenté l'iPod. Grâce à iTunes, conçu comme le centre du hub numérique, et une politique d'itérations progressives, l'iPod va progressivement devenir le synonyme de portable media player.

Aujourd'hui, l'iPod touch écoute de la musique, lit et enregistre des vidéos, affiche et prend des photos, et exécute des milliers d'applications diverses, dont de nombreux jeux. Il y a dix ans, le Jukebox Multimedia en faisait presque autant : Archos a longtemps été l'archétype même de la société intégrant le plus grand nombre de fonctions possibles, et des fonctions souvent innovantes, dans ses produits. Sans forcément se soucier de leurs interactions et de la facilité d'utilisation, toutes choses qui ont fondé le succès d'Apple, puisque c'est semble-t-il ce qui importe le plus pour le plus grand nombre de clients.

Archos Gmini
Archos Gmini (2004-2005)


Alors que l'iPod a fait exploser la croissance d'Apple, aujourd'hui plus grande société du monde par la capitalisation boursière, Archos est restée une petite société, dans l'ombre des géants de la Silicon Valley. La société, dont le siège social est situé à Igny, emploie environ 200 personnes, dont un peu moins de 100 en France. Il est donc parfaitement faux de parler de « fleuron de l'industrie française » lorsqu'on mentionne Archos : c'est une de ces nombreuses PME qui constituent l'essentiel du tissu économique français, mais dont l'impact, prises une à une, est négligeable.

Le recours à la Chine
La gamme Jukebox a connu un certain succès, notamment grâce à sa grande qualité audio, mais dès 2005, les comptes d'Archos ont pris la pente descendante. En 2009, la firme de Henri Crohas prend la décision de sous-traiter une partie du développement de ses produits pour alléger ses investissements, et d'attaquer le segment du bas de gamme plutôt que de continuer à représenter une certaine idée de l'innovation.

Stratégie Archos
Image Blogeee.


Aujourd'hui, la centaine d'employés français de la société — des ingénieurs, des designers, des communicants — est chargée de concevoir les matériels vendus sous la marque Archos. Tous les produits vendus sous cette marque sont ainsi conçus en France, comme la gamme de tablettes G9 (dont l'OS, Android, est lui fourni par Google).

L'autre centaine d'employés de la société travaille notamment pour la filiale Arnova Technology basée à Hong Kong. La tablette Arnova 10 G2 reprend en grande partie le design de la tablette Archos 101 : Archos conçoit le cahier des charges et conserve l'exclusivité de l'apparence extérieure du produit. Une grande partie du développement de son matériel a néanmoins été réalisé en Chine : pour tirer les coûts vers le bas, les matériaux employés sont de qualité inférieure.

Arnova 10 G2
Arnova 10 G2


Cette stratégie a eu un impact bénéfique sur les comptes d'Archos : alors que son activité ne cessait de se contracter depuis 2005, le chiffre d'affaires de la société est reparti dans le bon sens en 2010 (83,3 millions d'euros, + 21 %), une trajectoire suivie par l'année 2011 (71,7 millions d'euros au premier semestre). Elle a néanmoins eu un impact négatif sur l'image globale des produits Archos, et a donné lieu à quelques quiproquos, comme le netbook Archos 10S Mini qui ressemblait étrangement au netbook chinois Teclast X8… puisqu'il s'agissait de la même machine.

Pour éviter ce genre de mésaventure, Archos s'est elle-même transformée en fabricant OEM : elle n'empruntera plus de matériels sur lesquels elle placera son logo, mais est susceptible de fournir à d'autres ses produits. Des tablettes vendues sous la marque de grands distributeurs français ou destinées au marché américain de l'éducation sont ainsi à l'origine des produits Archos.

Design industriel et choix architecturaux restent donc la prérogative des équipes françaises d'Archos. Dans le cas des produits Archos, ces équipes développent aussi le matériel et les éventuelles briques logiciels manquant à Android. Dans le cas des produits Arnova, le matériel peut ne pas être original, et est souvent développé par des partenaires chinois. La dernière étape, le contrôle qualité, est effectuée en France. Mais les produits Archos n'ont plus le cachet d'antan…

Archos : les limites du « made in France »
L'histoire d'Archos est en quelque sorte l'histoire d'un échec, celui de l'industrie informatique grand public française. Certaines entreprises françaises ont un savoir-faire incontestable dans la conception de microprocesseurs, de MEMS, de systèmes intégrés, et même de logiciels spécialisés. Mais pour des raisons diverses — culturelles, économiques et politiques — la France n'a jamais réussi à développer des produits grand public distribués en masse.

Il est donc difficile de critiquer le choix d'Archos de produire en Asie l'intégralité de ses produits, et d'y développer une partie de sa gamme, dans le contexte industriel et économique actuel. Il serait tout simplement impossible de fabriquer un produit équivalent en France sans une volonté politique forte permettant l'implantation de toute la chaîne de production dans l'Hexagone et la reconnexion des produits du savoir français avec le tissu industriel. Et les euros ne pleuvent plus.

Il est donc particulièrement difficile de ne pas critiquer l'instrumentalisation d'Archos : quand une Nathalie Kosciusko-Morizet, qui est pourtant cliente d'Apple puisqu'elle possède un iPhone, fait vibrer la corde patriotique en appelant à acheter les « équipements » Archos « fabriqués en France » plutôt que l'iPad, elle oublie tout simplement les faits (lire : NKM préfère la tablette Archos à l'iPad). Quand d'autres manipulent les mêmes arguments pour vanter les mérites d'Archos, ils oublient là encore les faits.

NKM
L'iPad n'est pas si lourd, finalement… Image Jérôme Choain.


Quitte à faire vibrer la corde patriotique, on pourrait parler de relocalisation, comme le font d'ailleurs certains aux États-Unis. Ce qui pourrait être possible pour Apple, qui dispose aujourd'hui du budget d'une super-puissance et peut se substituer au pouvoir politique, n'est tout simplement pas possible pour Archos. Qui achèterait une tablette Android deux fois plus chère si elle est produite localement ? On atteint ici les limites du raisonnement du « made in France », qui se heurte à des contraintes systémiques, et rend d'autant plus intolérable le double langage tenu autour de cette société française qui n'a pas su, et n'a pas pu, passer à la vitesse supérieure.
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