Quelques jours après PayPal, Visa et Mastercard quittent à leur tour le projet Libra. En l’espace d’une semaine, Facebook a perdu le soutien de six des sept acteurs1 du monde du paiement qui auraient dû se réunir dans quelques jours à Genève, pour fonder l’association du même nom. Malgré ces défections, et alors que la pression politique ne cesse de monter, Facebook veut croire dans la réussite de son projet de cryptomonnaie.
« Nous ne pouvons pas autoriser le développement de la Libra sur le sol européen » : la déclaration de Bruno Le Maire, au cours du dernier sommet de l’OCDE dédié aux blockchains le mois dernier, a fait l’effet d’une bombe. Le ministre de l’Économie et des Finances assure que « la souveraineté monétaire des États est en jeu », comme l’eurodéputé allemand Markus Ferber, qui craint la constitution d’une « banque fantôme ».
Lors de la dernière réunion des ministres des Finances et des gouverneurs de Banques centrales du G7, Bruno Le Maire avait déjà soulevé « les risques associés » à Libra, « notamment en matière de stabilité financière, de transmission de la politique monétaire, de protection des consommateurs et de blanchiment et de financement du terrorisme ». Des arguments repris par les sénateurs démocrates Sherrod Brown (Ohio) et Brian Schatz (Hawaii), dans un courrier adressé en début de semaine à Visa et Mastercard.
Facebook « n’a pas expliqué clairement comment elle comptait empêcher Libra de faciliter le financement d’activités criminelles et terroristes, déstabiliser le système financier mondial, interférer avec les politiques monétaires », dénoncent les sénateurs. Avec la défection de PayPal, le 4 octobre, une digue a sauté. En quelques heures le 11 octobre, cinq partenaires ont quitté le navire : les Américains Visa, Mastercard, Stripe, et eBay, ainsi que l’Argentin Mercado Pago.
Ce timing n’a rien du hasard. Les « membres fondateurs » du projet Libra doivent se réunir ce lundi 14 octobre, à Genève, pour jeter les bases des statuts de l’association qui agira comme une caisse d’émission de la cryptomonnaie. Autrement dit, c’était le moment ou jamais. « Nous attendons avec impatience la réunion inaugurale du conseil d’administration et l’annonce des membres fondateurs », déclare Dante Disparte, responsable de la communication de l’association Libra.
David Marcus, dépêché par Facebook pour tenir les rênes du projet2, tient à remercier « Visa et Mastercard d’avoir tenu bon jusqu’au dernier moment ». « La pression a été intense », ajoute-t-il, « et je respecte leur décision d’attendre que le cadre légal ait été clarifié ». Les cadres de Facebook peuvent se consoler avec la tribune de Xavier Niel publiée chez Les Échos, dans laquelle le milliardaire écrit :
Libra existera comme les 1 600 autres monnaies virtuelles d’ores et déjà disponibles en France, c’est inéluctable, avec ou sans nous, que les États le souhaitent ou pas. La redouter ne l’empêchera pas d’arriver. La priorité est donc d’accompagner le changement, le rendre possible et accessible. Nous devons anticiper, pour ne pas nous retrouver dépendants et fragilisés. Le progrès technologique peut coïncider avec le progrès sociétal et celui de l’humanité.
« Libra est un projet fiable, constructif, exigeant et conforme aux intérêts de notre pays », dit Niel, qui assure que « ce n’est pas la monnaie de Facebook », alors même que le portefeuille numérique de référence du projet — Calibra — appartient à Facebook. Contrairement à Visa et Mastercard, Iliad restera donc partenaire du projet.