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Le Mac Pro comme sur des roulettes chez les pros de l'image

Nicolas Furno

mercredi 11 décembre 2019 à 20:30 • 84

Mac

Apple n’a pas fait appel aux journalistes habituels pour tester son nouveau Mac Pro en avance. Le constructeur a préféré prêter pendant quatre semaines un exemplaire accompagné de deux Display Pro XDR à quelques professionnels. Outre les trois YouTubeurs que nous évoquions hier, au moins deux professionnels de l’image ont reçu la machine : le photographe et réalisateur Vincent Laforet et le réalisateur James Tonkin de Hangman Studios.

Le Mac Pro en bas à gauche, les deux écrans Pro Display XDR sur les bureaux et un téléviseur de 77 pouces à l’arrière-plan : la salle de travail du studio Hangman (photo FCP.co).

Ce sont deux pros à la pointe de la technologie. Spécialisé dans les prises de vue aériennes, le premier filme régulièrement avec des caméras 8K et prend des photos de 150 mégapixels. Le second travaille notamment avec plusieurs groupes sur des captations de concert ou des clips, également tous en 8K aujourd’hui. Comme on pouvait s’y attendre, ils sont également des utilisateurs de produits Apple. C'est le cas depuis près de trente ans pour Vincent Laforet, tandis que James Tonkin a équipé son studio de Mac Pro et de Final Cut Pro dès le départ.

Avant de recevoir le nouveau Mac Pro, ils utilisaient des iMac Pro pour faire leur travail. James Tonkin ne précise pas sa configuration, mais on suppose que c’était un modèle haut de gamme, à l’image de celui de Vincent Laforet qui travaillait sur un exemplaire équipé de 18 cœurs avec la carte graphique Pro Vega 64 en option. C'était une machine qu’il avait payée autour de 11 000 $ et qui ne lui donnait pas entière satisfaction, à tel point qu’il envisageait même d’abandonner Apple ou de monter un hackintosh. Même son de cloche chez son confrère, qui pensait de son côté acheter une station de travail sous Linux.

L’iMac Pro est une machine très puissante, mais elle ne suffit pas à gérer correctement les flux vidéo ou les photos de ces deux professionnels. Elle ne peut pas lire une vidéo 8K sans réduire sa qualité, ce qui oblige à faire des modifications « à l’aveugle », à partir d’une image de qualité inférieure à celle qui a été enregistrée par les caméras. Les photos aériennes de 150 mégapixels s'affichent bien quant à elles, mais avec une seconde de délai pour chaque image. Cela n’a l’air de rien, sauf quand vous devez trier plusieurs milliers de photos, comme c’est régulièrement le cas de Vincent Laforet.

Le Mac Pro ouvert (image FCP.co).

Dans ces deux cas de figure, le Mac Pro a impressionné ces professionnels. La machine peut encaisser un flux vidéo en 8K sans broncher, en temps réel, sans avoir à patienter qu’une version réduite soit générée. Mieux, James Tonkin explique qu’il a pu lire la vidéo en 8K tout en appliquant en direct des corrections sur les couleurs. Il a même pu ajouter plusieurs traitements, notamment pour réduire le bruit numérique, sans pour autant brider les performances de lecture.

C’est un gain de temps énorme par rapport à une époque pas si lointaine où tout devait se faire étape après étape. Le réalisateur évoque un concert de David Gilmour filmé en 2017. La vidéo de base était en 4K, mais il a fallu créer une copie intermédiaire en 1080p pour travailler dessus. Et encore, les traitements sur le bruit étaient appliqués pendant la nuit et corrigés le lendemain. Le Mac Pro permet de réaliser cette opération en direct et sur le flux original, pas une version inférieure. Même constat pour Vincent Laforet, qui a pu travailler sur les RAW originaux de ses photos au lieu d’avoir à les convertir en JPEG au préalable pour que le tri ne soit pas trop lent.

Cette possibilité prend tout son sens quand on a un écran pour afficher ces images. Et sur ce point, les deux professionnels sont unanimes : le Pro Display XDR est un écran exceptionnel, peut-être encore plus intéressant que le Mac Pro lui-même. Vincent Laforet, qui a testé la version avec verre nano-texturé à 6 499 €, considère que c’est le meilleur écran qu’il a jamais utilisé, battu seulement par du matériel de pointe vendu plusieurs dizaines de milliers de dollars. Il ne manque pas de compliments à propos de la qualité d'affichage du moniteur, indiquant qu’il a redécouvert ses propres photos et vidéos, avec des couleurs et une netteté rarement croisées.

Il a réglé la luminosité à 500 nits au quotidien, mais il le pousse parfois en mode XDR, à 1 600 nits. Une luminosité telle que le Pro Display XDR éclaire non seulement son bureau mais aussi la pièce adjacente, et donne le sentiment de voir des photos avec la même qualité que la meilleure impression papier disponible. Le nano traitement qui permet d’éliminer les reflets aide bien à donner ce rendu, mais le photographe met en garde : c’est un traitement très fragile. Il a rayé l’un des deux exemplaires fournis juste en l’installant. À ce prix-là, ça doit être désagréable… Apple fournit d'ailleurs un chiffon spécial pour le nettoyer.

Les deux Pro Display XDR dans le studio de Hangman (photo FCP.co).

Les deux témoignages saluent aussi la qualité du pied, certes hors de prix, mais extrêmement bien pensé. Il permet de positionner la dalle à peu près n’importe où et de maintenir le moniteur bien en place, ce qui est utile pour mettre deux Pro Display XDR côte à côte et avoir pratiquement un très grand écran. Les bordures étant fines, l’illusion est apparemment très bonne. Autre avantage du pied, la possibilité de basculer en mode portrait, ce qui est utile pour travailler sur du contenu à la verticale, note James Tonkin.

Ce soin apporté aux détails, souvent un point fort des produits Apple, est à nouveau évoqué pour le Mac Pro. Même s’ils s’intéressent avant tout aux performances de l’ordinateur et à la qualité d’affichage des écrans, nos deux professionnels saluent l’exigence d’Apple sur la conception de sa nouvelle tour. Les trous sur la façade avant sont apparemment plus beaux en vrai et ils servent surtout à refroidir efficacement la machine. Sur ce point, l’avis est le même des deux côtés : ce Mac Pro est très silencieux et même quasiment inaudible au quotidien.

Apple a conçu un système de refroidissement composé notamment de trois gros ventilateurs qui tournent lentement pour réduire le bruit. Résultat, même en pleine charge, pendant l’export d’une vidéo par exemple, il se fait tout discret. L’iMac Pro était très bon sur ce point, mais la nouvelle tour fait bien mieux d’après les deux professionnels. Elle est même tellement silencieuse qu’ils ont pensé à plusieurs reprises qu’elle était éteinte alors qu'elle n’était qu’en veille.

Deux Pro Display XDR côte à côte pour ne former (presque) qu’un seul grand écran (image @thomasgcarter).

Ils félicitent aussi Apple pour le choix de poignées confortables — ça change des poignées horriblement coupantes des anciens Mac Pro —, ou encore pour les deux ports Thunderbolt 3 sur le dessus. Vincent Laforet les utilise constamment pour décharger du contenu d’une caméra ou d’un appareil, ou bien pour transférer des données depuis ou vers un volume de stockage.

À propos de données, le SSD de 4 To installé par Apple est très rapide, mais ce n’est pas forcément utile pour ce type de travail. Le réalisateur génère entre 2 et 6 To de vidéo par jour de travail et certains projets peuvent atteindre les 50 To. Quant aux projets musicaux de James Tonkin, ils peuvent atteindre les 20 To et dépassent aussi allègrement ce qu’un Mac Pro peut contenir en interne. Ce n’est pas très grave, le stockage est accessible sur le réseau et les ports Ethernet 10 Gbits incorporés en standard ne sont pas de trop. Il envisage même de tester des solutions en Thunderbolt 3 pour monter à 40 Gbit/s, l’ordinateur n’étant plus un frein dans la chaîne de production.

Ces deux retours d'expérience n'incluent pas de benchmarks en bonne et due forme, même si Vincent Laforet comme James Tonkin promettent des mises à jour de ce côté. En attendant, les quelques chiffres glissés donnent une idée du gain à attendre par rapport à un iMac Pro. Le premier a exporté un projet 8K en 3h30 sur le tout-en-un d’Apple, contre 1h40 seulement sur la tour. Le second évoque un projet en 4K exporté en 1h08 avec l’iMac Pro, contre 35 minutes sur le Mac Pro.

Précisons qu’ils ont tous les deux la même configuration, avec le processeur à 16 cœurs, deux AMD Radeon Pro Vega II avec 32 Go chacune, 192 Go de RAM, 4 To de stockage et une carte Afterburner (prix : 22 819 €). Ce n’est pas le Mac Pro le plus puissant, et la carte Afterburner installée par Apple n’a même pas servi pour ces essais, puisqu’elle ne gère pas encore les codecs de RED utilisés par ces deux professionnels. En théorie, ces performances déjà très bonnes pourraient encore être améliorées à l’avenir1.

Image FCP.co

Au bout du compte, ces deux témoignages vont dans le même sens. Apple a réussi à convaincre ces professionnels avec son nouveau Mac Pro, qu’ils décrivent comme une machine qui se fait oublier par son silence, très facile à vivre et en même temps très puissante. C’est la première fois que ces deux réalisateurs ont pu voir leur travail juste après le tournage sans avoir à faire de compromis sur la qualité. Et pour une entreprise qui doit réagir très vite, comme c’est le cas de Hangman Studios, le Mac Pro va offrir un avantage compétitif indéniable.

Son responsable donne l’exemple d’un concert de Coldplay qui a pu être traité en quatre heures seulement, précisément parce que le Mac Pro n’a nécessité aucun traitement intermédiaire. Ce type de travail extrêmement rapide devient la norme dans le domaine, où il est courant d’avoir à modifier une vidéo et exporter huit versions différentes en quelques heures, parce que le client veut le résultat dès le lendemain.

Le Mac Pro n’est pas le premier ordinateur à pouvoir offrir de telles performances, mais c’est le premier Mac. Contrairement aux anciennes tours modulaires vendues jusqu’en 2012, cette nouvelle machine est beaucoup plus chère, mais c’est pour une bonne raison. Apple n’a pas essayé de créer un ordinateur grand public, c’est une station de travail destinée aux professionnels les plus exigeants, en particulier ceux de l’image.


  1. Depuis le départ, on sait que le format Raw de RED sera optimisé pour Metal, l’API graphique d’Apple. Il était question de septembre au départ, il y a manifestement un peu de retard. Est-ce que cela veut dire que la carte Afterburner du Mac Pro sera prise en charge en même temps ? C’est ce que semble indiquer James Tonkin, mais rien n’a été annoncé.

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