WWDC : l'embouteillage annuel des applications Mac

Christophe Laporte |

Le Mac existe, il est bien vivant ! Du moins est-ce le sentiment que l'on peut ressentir au vu du tsunami de nouvelles applications et de mises à jour majeures de gros logiciels qui viennent d'arriver. Les éditeurs se rappellent au bon souvenir des ordinateurs Apple lorsque la WWDC approche.

Cela se bouscule au portillon avec en l’espace de quelques jours les sorties remarquées de grands ténors comme 1Password 7, Tweetbot 3, Spark 2, Path Finder 8, ainsi qu'iA Writer 5 et Ulysses 13 dont les sorties sont imminentes. On constate cette frénésie également sur iOS, mais à un degré nettement moindre.

Autrement dit, à quelques encablures de la WWDC qui débute le 4 juin, l'écosystème macOS se montre particulièrement dynamique. Qui peut s'en plaindre ? Certainement pas les utilisateurs de Mac qui se languissent à longueur d'année d'être les laissés-pour-compte de l'industrie du logiciel, qui se tourne volontiers vers les plateformes mobiles. Mais il y a un revers de la médaille à cette avalanche de nouveautés.

Pour faire parler d’eux, les éditeurs et fabricants de matériel ont toujours (à tort ?) la volonté de vouloir coller à la roue de l’actualité d’Apple. Mais est-ce toujours la bonne approche ? À une époque, les événements Apple étaient nombreux entre les différents Macworld, la WWDC et les keynotes spéciaux. Résultat, l’actualité logicielle autour du Mac était beaucoup plus lissée sur l'ensemble de l'année. Maintenant, tout se concentre entre la WWDC et la sortie du nouveau macOS, généralement à l'automne.

Finir un logiciel pour la WWDC, cela peut se comprendre d’une certaine manière. Mieux vaut finir un gros chantier avant les annonces annuelles d’Apple qui vont demander aux développeurs de se former, de repenser leurs produits et les doter de nouvelles fonctionnalités. Autant avoir l’esprit libre pour se lancer dans un tel exercice. De plus, à l’occasion de sa grand-messe des développeurs, la Pomme organise les Apple Design Awards, des trophées qui récompensent les meilleurs logiciels sur ses différentes plateformes. Un formidable coup de projecteur, mais encore faut-il décrocher le Graal avec quelque chose de neuf à présenter.

Mais n’est-ce pas une fausse bonne idée ? Le premier souci, c’est que la fenêtre de tir est relativement petite. Une fois la WWDC passée, les yeux seront tournés vers les nouveautés d'Apple, notamment les successeurs de macOS et iOS. Les fonctions nouvelles et les changements apportés par la firme de Cupertino peuvent même dans certains cas dissuader les utilisateurs d’acheter tel ou tel logiciel. 1Password 7 pourrait par exemple perdre une partie de son intérêt et de ses clients si Apple faisait une avancée significative autour de la gestion des mots de passe. Après tout il semblerait qu’Apple a dans les cartons une solution pour simplifier cette problématique, qui pourrit souvent le quotidien des utilisateurs les moins aguerris. On connait tous une personne qui utilise « azerty » comme mot de passe…

Et puis, il y a cet effet bouchon, qui peut paraitre accessoire, mais qui ne l'est pas tant que cela. Toutes ces sorties qui se suivent ont tendance à se télescoper. Résultat, médiatiquement, elles n’obtiennent que des miettes, alors qu’elles auraient pu bénéficier d’un meilleur accueil si elles n’étaient pas tombées aux heures de pointe. Les sites d'actualité (comme MacGeneration !) n'ont pas de ressources illimitées pour tester à fond tous ces nouveaux logiciels, ce qui peut provoquer une certaine frustration de notre côté bien sûr, mais aussi pour vous : nous préférons de loin vous livrer un avis complet et nuancé sur une application, plutôt qu'un simple descriptif. L'effet d'accumulation peut également décourager les clients potentiels : quel utilisateur aura les moyens de débourser les dizaines, voire centaines, d'euros nécessaires pour refaire en quelques jours sa logithèque de fond en comble ?

Enfin, la volonté coûte que coûte de tenir les délais au risque de rendre une copie imparfaite voire bâclée n’est pas sans risque. On comprend volontiers Ken Case, le patron d’Omni Group, qui déclare vouloir absolument en finir avec OmniFocus 3 pour iPhone (il est en précommande), car s’il laisse passer la WWDC, il sera peut-être tenté de revoir entièrement l’interface de son gestionnaire de tâches, et perdre plusieurs semaines, si ce n’est des mois, pour le mettre en accord avec les derniers canons esthétiques d’Apple.

Mais surtout, c’est un gros danger si les choses venaient à mal se passer. Comment gérer une application qui traîne deux trois gros bogues au moment où il est temps de faire ses valises pour San Francisco ? De plus, la réactivité d’Apple par rapport à ses plateformes de distribution peut être moindre, du fait qu’elle concentre ses efforts et son attention sur sa conférence.

Pour apporter un peu d’eau à ce moulin, les sorties récentes ne sont pas forcément rassurantes. La peinture est encore très fraîche sur Spark 2.0. L’application pour Apple Watch a été repoussée. Ce n’est sans doute pas le plus grave, mais le module calendrier (l’une des grandes nouveautés de cette version) est loin d’être mûr. On ne peut pas, par exemple, ajouter un compte CalDAV dissocié de son compte e-mail.

Autre exemple : Tweetbot 3. La nouvelle version pour Mac est prompte à des bogues et à des ralentissements. Pire, il lui manque un paquet de fonctionnalités qui étaient présentes dans la version précédente, comme la possibilité de choisir facilement la durée pendant laquelle on veut mettre sous silencieux un utilisateur, ou encore la manière dont on souhaite afficher sa timeline (sans image, sous forme de vignettes, grande image). Le cas de Tweetbot est encore encore plus complexe. Non seulement il y avait la WWDC comme deadline, mais les développeurs étaient d’autant plus pressés qu’ils craignaient, à juste titre, le changement de politique de Twitter vis-à-vis des clients tiers qui étaient dans l’air depuis un certain temps (lire : Le coup de poignard de Twitter dans le dos des logiciels tiers) .

Avec Tweetbot 3, on scrolle toujours plus !

On s'en voudrait de faire des généralités, bien sûr. Et on peut comprendre l'intérêt qu'ont les développeurs à « rusher » de la sorte pour obtenir les faveurs d'Apple avant la WWDC, rendez-vous incontournable de l'année qui braquent les projecteurs des médias sur leur travail. Mieux vaut donc qu'ils aient quelque chose à leur présenter. Néanmoins, on peut trouver cocasse d'entendre parfois ces mêmes développeurs se plaindre du rythme que leur impose Apple et de la qualité des versions finales des logiciels du constructeur… alors que leurs propres productions ne sont pas exemptes de petits soucis.

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avatar C1rc3@0rc | 

«Si Apple arrive à gérer les mots de passe et autres éléments comme 1Password je me passerai bien de payer de 35€ par an.»

«Pour cela il faudrait :
- avoir un accès depuis un navigateur web à ses mots de passe.
»

Ben Safari tu permet d'avoir acces au mot de passe des sites via le Trousseau qui est deja utilise comme un service

«- ajouter des champs sur les mots de passe pour rentrer des infos supplémentaires.
»

A ce niveau la marge d'amelioration du Trousseau est monumentale en effet. On est limité au mot de passe pour compte et aux notes.
Avoir une vraie base de donnees avec des recherches, des filtres et des exports serait effectivement une tres grande avancée.

L'autre truc qui manque cruellement c'est d'avoir un fichier unique qui puisse etre localisé ou l'on veut et pas enfoui dans la "Bibliotheque" et reparti entre plusieurs fichiers. On peut certes creer un fichier specifique a posteriori en cherchant bien, mais c'est vraiment pas intuitif...

Un manque problematique c'est le backup et la restauration, voire l'import d'une partie des mot de passe depuis un fichier. Aujourd'hui c'est une gynastique infernale.

«- pouvoir rentrer des informations sur des licences logiciels que l’on possède (tout le monde n’a pas que des applications du Mac App store)
»

Apple voulant supprimer la possibilité d'obtenir des soft hors des App Store, je crois que c'est rapé :(

«- avoir une intégration aussi importante que 1P dans les applications.
»

C'est en partie possible, le Trousseau est un service de MacOS. Apres, il y a des limites a poser par rapport aux questions de securite. Il faut que l'acces a l'identifiant et au code reste quelque chose d'explicite et bloquant tout les risques de détournement. A ce niveau les gestionnaires commerciaux soulevent beaucoup de questions.

«N’oublions pas que 1P est multi plateformes et cela peut s’avérer pratiques.
»

Et dangereux.
L'idee d'avoir un gestionnaire de mot de passe doit reposer avant tout sur la securité. DIsposer d'un format d'export ouvert permet de resoudre tous les problemes. Mais c'est pas dans l'interet commercial qui tient en otage ici des données a hautes valeurs.

On voit avec la stagnation du Trousseau d'acces encore un des symptômes de l'abandon du Mac par Apple. Cela est relativement logique entre le mantra du remplacement de celui-ci par l'iPad et une PDM de 7% sur le marché du PC qui confine le Mac a 15 a 18 millions d'unités par an. Par rapport a 250 millions d'iPhone et iPad, on comprend vite ou sont les priorités d'Apple, helas.

avatar 2mac | 

En effet, et pour compléter l'effet tunnel, les budgets n'étant pas illimités sur une période donnée, les utilisateurs sont obligés de faire une priorisation dans leurs achats, puis le temps passant, on finit par ne plus acheter ceux qu'on n'a pas priorité (arrivée d'un concurrent entre temps, perte d'intérêt…).

Si les logiciels sortaient plus espacés, il y aurait moins de concurrence entre eux.
Merci pour cet article.

avatar C1rc3@0rc | 

@2mac

« le temps passant, on finit par ne plus acheter ceux qu'on n'a pas priorité »

Quel est l'interet pour l'utiisateur d'acheter un soft dont il n'a pas besoin et qui est tout en bas de sa liste de priorités?

Lorsqu'on cherche un soft c'est par rapport a un besoin ou le soft apporte une fonction specifique.
On va donc chercher une fonction.
Et il y a plusieurs maniere de realiser une fonction et plusieurs interfaces possibles repondant a des style de comportement, de façon de s'organiser, de faire...

On peut avoir besoin d'ecrire des rapports et pour cela on va chercher le soft qui nous facilite le plus la tache, seulement ce qui facilite la tache pour les uns est un cauchemar pour les autres.

Il y a des gens organisés qui vont structurer leurs données d'une certaine maniere, proceder par phases. Ils auront besoin d'un soft ou de plusieurs soft qui fassent selon leurs methode.

Il y a des gens plus globaux qui vont proceder par retouches successives, changements progressifs, fonctionner a "l'instinct",... il leur faut une ensemble de soft tres different des premiers.

La recherche d'un soft commence par definir son besoin, puis on passe a une selection et on compare a l'usage.
Et la il n'y a pas de secret il faut des versions d'evaluation suffisantes pour reelement estimer l'adequation avec le besoin.

Le probleme avec les app store, c'est qu'a cause du cout bas des soft les editeurs doivent tenter de vendre le plus possible, le plus vite possible meme si le soft est totalement inadapté et finira a la poubelle. C'est bien le drame des app store, c'est que majoritairement les developpeurs travaillent pour remplir les poubelles :(

Et pourtant entre les versions "lite" et les achats In-App il y a vraiment tout ce qu'il faut pour offrir une experience d'evaluation satisfaisante a l'utilisateur.

Certes il y a un tres gros probleme de visibilité avec les app store (le meilleurs moyen de trouver une app reste de passer par Google...), mais il y a aussi un probleme de modele economique.
Pour rentabiliser les mois de travail sur un soft a 5€ il faut en vendre des container complets et cela sur une periode tres courte (moins de 3 mois semble-t-il)...

L’abonnement est une mauvaise solution a un problème mal posé

avatar Bigdidou | 

Pour une machine soit disant moribonde, ça représente bien des efforts.
Le mac serait-il finalement dans un état de santé honorable ?

avatar reborn | 

@Bigdidou

Faut demander à c1r...

avatar Bigdidou | 

@reborn

"Faut demander à c1r..."

Je connais sa réponse.
Et je sais que ce n'est pas la réponse :D

avatar Yacc | 

@Bigdidou

Ce n’est pas une réponse mais un Mantra

avatar Yacc | 

@Bigdidou

Bien plus qu’honorable : Il a unes des plus haute PDM de son histoire, des volumes de ventes parmi les plus haut de cette même histoire et capte la plus grande part des profits du secteur.

Mais certains restent nostalgiques du temps où Apple faisait 2% de PDM qui était pour eux un âge d’or ?

avatar bradepitre | 

Finalement ces mises-à-jour, qu'apportent-elles ? 1Password est un bon exemple. Quoi de neuf à part l'interface, le numéro 7 de la version, les problèmes avec Dropbox, et le prix ? On nous pousse à être à jour, à prendre des abonnements ou payer le prix fort. A mon sens, seules les mises à jour de sécurité ont un sens. Le reste, c'est du marketing.

avatar Pascal-007 | 

Excellente analyse de Christophe Laporte. Espérons que les éditeurs en prendrons connaissance.

avatar Jacti | 

Cette course aux pseudo nouveautés est ridicule. Je me tiens soigneusement éloigné de cette "course à l'échalote". Les développeurs, y compris chez Apple, feraient mieux de stabiliser leurs logiciels plutôt que d'introduire des bogues à chaque nouvelle version. Et je répète pour la n-ième fois que nous n'avons pas besoin d'une nouvelle version de système tous les ans, ce qui semble être le souhait de la majorité des utilisateurs !

avatar C1rc3@0rc | 

@Jacti

« Les développeurs, y compris chez Apple, feraient mieux de stabiliser leurs logiciels plutôt que d'introduire des bogues à chaque nouvelle version.»

Le probleme est le modele commercial et la domination du secteur par les interets financiers.
Apple est championne de la rentabilité... de ses actions. Cela implique d'avoir une croissance financiere, donc d'augmenter les revenus. Le meilleur moyens d'augmenter les revenus face a une stagnation des ventes c'est d'augmenter le benefice par unité, et pour cela il faut bien pousser les gens a renouveller leur machine par une plus chere.

Et la il n'y a pas 36 solutions, soit il faut innover reelement, soit il faut rendre obsolete articifiellement les produits existants.

Apple a choisi le voie de l'obsolescence.
Les developpeurs sont contraints de suivre le meme modele et le fait de rendre l'app store de plus en plus obligatoire, impose aussi un modele economique.

Le developpeur est en concurrence avec de plus en plus d'autres developpeurs - souvent mal ou meme pas formés - devant vendre un soft pour moins de 10 euros.
Et sachant que les outils de developpement n'ont pas progressé depuis plus de 15 ans, le temps de realisation d'un soft est toujours le meme, mais le tarifs de vente a ete divisé par 10 a 60...

Sachant qu'Apple impose un nouvel OS chaque annee, ne respecte pas ses API, ça veut dire que la fenetre de rentabilité d'un soft c'est moins de 10 mois. Apres faut le mettre a jours, le reecrire ou en pondre un aute.

On rajoute a ce tableau que la visibilité d'une application en store est tres faible et que le pic de vente de se fait entre 3 jours et un mois, on comprend mieux le probleme pour avoir du soft stable, fiable, optimisé et durable...

avatar Yacc | 

@C1rc3@0rc

« Le probleme est le modele commercial et la domination du secteur par les interets financiers. »

Et oui le monde serait tellement beau s’il était au mains des techniciens de base, ou pas ?

De tous tes propos dégouline une possible frustration d’avoir à subir le pouvoir dans l’entreprise des non techniciens de base ?

Un très grand classique ?

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