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Safari est-il le nouvel Internet Explorer ?

Nicolas Furno

Thursday 02 July 2015 à 13:30 • 73

Logiciels

Nolan Lawson, développeur chez Squarespace, a publié un article sur Safari qui fait polémique. Selon lui, Apple est en retard sur un grand nombre de nouveautés déployées dans les autres navigateurs et le constructeur a perdu tout intérêt à faire avancer Safari. Résultat, Safari serait le nouvel Internet Explorer pour ce développeur, un navigateur dominant, mais à la traine par rapport aux standards du web.

Icône originale de fardouk

Plusieurs arguments sont avancés pour appuyer cette thèse, la majorité sont très techniques. Mais Nolan Lawson commence par noter l’absence d’Apple à EdgeConf, une conférence dédiée aux technologies du web qui rassemble les plus grands acteurs du secteur. Safari n’était pas officiellement représenté, mais le navigateur le plus utilisé sur les appareils mobiles était sur toutes les lèvres.

Certes, Apple n’a pas envoyé d’ingénieur pour parler de Safari à cette conférence. Mais faut-il y voir vraiment un signe ? Comme le rappelle iMore, l’entreprise n’a pas l’habitude d’être présente officiellement et de présenter des conférences. Ce qui ne veut pas dire toutefois qu’elle est absente : on y trouve souvent des employés Apple parmi les spectateurs. L’entreprise se tient au courant, elle ne tient pas toujours à le faire savoir en revanche.

Quant aux arguments techniques cités par Nolan Lawson, ils sont indéniables : Safari est effectivement en retrait sur plusieurs technologies nouvelles, comme Service Workers, Web Components, Shadow DOM et Manifest. Sans rentrer dans les détails, on note un point commun entre tous ces éléments : ils sont utilisés pour faire de sites web des web apps plus proches des applications natives. Les Service Workers, par exemple, permettent de lancer des tâches à l’arrière-plan, même si une page n’est pas ouverte.

Qu’Apple ne les intègre pas n’est pas une vraie surprise. Faut-il y voir une volonté d’avantager l’App Store au détriment du web ? Peut-être, mais il y a sans doute une raison beaucoup plus simple. Les priorités de l’entreprise ne sont pas les mêmes et Safari évolue, mais sur d’autres points. Les versions livrées avec iOS 9 et OS X El Capitan le prouvent bien : le navigateur ajoute des fonctions pour les utilisateurs et améliore sa vitesse de fonctionnement tout en étant bien mieux optimisé.

Côté utilisateur, on peut évoquer les vues web qui reprennent toutes les fonctions de Safari et que les applications peuvent intégrer avec iOS 9. On pourra ainsi, sans quitter une app, disposer d’un navigateur complet, avec ses mots de passe et toutes ses données habituelles. Côté moteur, Apple optimise son logiciel pour consommer moins de mémoire vive et de batterie et le blocage de contenus en est un bon exemple. Cette fonction très populaire sur Mac exploitait jusque-là des technologies gourmandes en énergie.

Les bloqueurs de publicité sont connus pour consommer beaucoup de ressources. En intégrant une fonction similaire à son navigateur, Apple offrira une solution techniquement plus élégante.

Les bloqueurs de publicités si populaires prennent la forme d’extensions lourdes qui consomment beaucoup de mémoire vive et ralentissent le chargement des pages. À la clé, des performances en berne et surtout une utilisation plus accentuée de la batterie. Avec la fonction native ajoutée à OS X 10.11 et iOS 9, les utilisateurs auront un moyen beaucoup plus simple et surtout efficient d’obtenir le même résultat.

Et c’est probablement la même chose pour les technologies évoquées par ce développeur : les Web Components, par exemple, sont un chantier ouvert depuis plusieurs années et qui n’a toujours pas vraiment abouti. Et ce n’est pas la faute d’Apple : Mozilla, par exemple, a publié un long article technique expliquant pourquoi cette nouveauté n’était toujours pas dans Firefox.

Sans entrer dans les détails, Google est à l’origine de cette idée, mais le géant de la recherche l’a proposée sans consulter les autres acteurs. La mise en place complexe ainsi que des choix techniques pas toujours appréciés ont ralenti la mise en place des Web Components dans Firefox. Microsoft, de son côté, a été occupé par son nouveau navigateur et on sait qu’Apple a bien travaillé sur le sujet, mais sans l’adopter pour le moment. Au printemps dernier, l’entreprise a soumis ses idées pour améliorer ces nouvelles fonctions, ce qui montre bien qu’elle suit l’actualité des technologies pour le web.

À une époque, Internet Explorer était le navigateur par défaut de Mac OS.

Alors, Safari est-il le nouvel Internet Explorer ? Si l’on en juge par les technologies dépassées, la comparaison est injuste : à son heure de gloire, le navigateur de Microsoft était beaucoup plus fermé sur lui-même que ne l’a jamais été Safari. Apple a soutenu des standard du web au détriment de solutions propriétaires : que l’on se souvienne de l’absence de Flash sur iOS.

Mais il est aussi vrai que la part de marché de Webkit, le moteur de rendu, incite les créateurs de sites à le privilégier. Si l’on envisage le cas des CSS, beaucoup de propriétés nécessitent d’utiliser un préfixe spécifique à un navigateur. Certaines propriétés sont exclusives à un moteur de rendu, d’autres sont notées différemment en fonction du navigateur. Et comme Webkit a une telle part de marché, surtout si on compte Blink, la variante de Google, certains pourraient se passer des propriétés spécifiques aux autres navigateurs.

Au-delà des CSS, le fait que Webkit soit dominant implique que l’adoption des nouvelles technologies passe nécessairement par lui. Et même si le moteur est open-source, Apple reste son principal développeur et si l’entreprise ne veut pas d’une technologie, il est probable qu’elle ne se retrouvera jamais dans Safari, et sans doute même qu’elle échouera à s’imposer.

Pour activer le lissage des polices, il faut prévoir deux éléments différents, un pour les navigateurs Webkit (Safari, Chrome…) et un pour les navigateurs Mozilla (Firefox).

Même si le web aujourd'hui est un petit peu le web de Safari, la situation reste bien meilleure qu’à l’époque où Internet Explorer était le navigateur ultra-dominant. Et puis même si Apple n’est pas toujours à la pointe du progrès en matière de technologies web, l’entreprise n’est pas aveugle. On sait qu’elle est souvent représentée, discrètement certes, aux conférences. Et les discussions publiques permettent aussi de savoir que des ingénieurs à Cupertino travaillent sur tous ces sujets.

On en revient, au fond, à la question des objectifs. Safari ne dispose peut-être pas des dernières nouveautés pour les développeurs, cela ne veut pas dire que le logiciel n’évolue pas. Il progresse, mais sur d’autres points, sans doute plus centrés sur les utilisateurs. Est-ce une si mauvaise chose ?

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