Depuis quelques années, les collectionneurs d'objets Apple se tournent vers les artefacts historiques. Personne ne va acheter une chiffonnette pour la garder dans sa boîte en espérant que son prix augmente, mais le premier iPhone encore sous blister se vend parfois pour un prix très élevé. Et les appareils ne sont pas les seuls touchés : les autographes, cartes de visite et autres objets « historiques » liés à Steve Jobs ou à Apple au sens large partent de temps en temps pour des sommes folles, ce qui attise la convoitise des malandrins.
L'histoire racontée par Cabel Sasser, de chez Panic, est édifiante. Il explique avoir remarqué il y a quelques semaines une annonce pour un objet intéressant : le badge de la 10e employée d'Apple, Sherry Livingston. Mais il précise aussi que tout ne semblait pas parfait. Le badge paraissait exagérément sale, les éraflures un peu trop artificielles et — surtout — le texte avait l'air trop uniforme. À l'époque, la publication assistée par ordinateur n'existait pas et les badges étaient donc remplis à la machine à écrire, avant d'être placés dans le plastique, et celui en vente n'avait pas les petites particularités que l'on peut souvent voir avec les appareils très utilisés.
Comme Cabel a de bons contacts, il a pu demander son avis à Chris Espinosa, qui est l'employé numéro 8. Sa réponse est éloquente. Premièrement, ce n'est tout simplement pas Sherry Livingston sur la photo1, et elle n'a pas été prise avec un Polaroid, ce qui était la norme chez Apple. Ensuite, les dimensions ne semblent pas être les bonnes. Enfin, la police employée pour le texte est bien issue d'un ordinateur2 selon lui, et pas de la machine à écrire IBM de l'époque.
Cabel décide donc de contacter le vendeur, qui lui explique que le badge a été acheté vers 2001 à la Croix-Rouge allemande, ce qui semble un peu étonnant. Si les photos paraissent vraies, quelques détails font tache : le classeur qui indique opportunément la date et une précision du vendeur sur le fait que la facture est en Deutsche Mark, la monnaie allemande avant l'arrivée de l'euro. Ce point peut paraître idiot, mais le fait qu'il s'attache à un détail de ce type rend la conversation suspecte. Quelques demandes à des Allemands plus tard, la question est réglée : il s'agit d'une fausse facture, vraisemblablement imprimée par le vendeur.
Et après une seconde demande d'informations, l'escroc fait une erreur : il mentionne qu'il a obtenu le badge sur eBay vers 2003 ou 2004, en ajoutant des détails pour faire pleurer dans les chaumières, étant donné le prix de l'objet (pas loin de 1 000 $). Oui, vous l'avez compris, il s'est contredit. Il y a donc trois hypothèses : il a acheté le badge sur eBay, il l'a récupéré à la Croix-Rouge allemande... ou il l'a fabriqué de toutes pièces, à vous de choisir.
Le principal problème de cette histoire, c'est que le faux badge a visiblement été vendu, pour un peu moins de 1 000 $. Mais ce n'est pas totalement certain : l'annonce n'est plus accessible, ce qui implique généralement qu'elle a été annulée d'une façon ou d'une autre. Enfin, comme l'expliquent les commentaires, il a probablement vendu de nombreux autres faux, comme (a priori) cet autographe de Steve Jobs.
La conclusion de tout ceci ? Il vaut mieux faire quelques recherches avant d'aller mettre un millier de dollars dans un badge des années 70.