Google a pris un sérieux coup sur la tête. Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, inflige au moteur de recherche une amende record de 2,42 milliards d'euros pour abus de position dominante (2 424 495 000 euros, exactement). Le tort de Google est d'avoir favorisé son propre service de comparaison des prix, Google Shopping.
Google doit cesser ses pratiques anticoncurrentielles dans les 90 jours, sans quoi l'entreprise sera soumise à des astreintes pouvant atteindre 5% du chiffre d'affaires moyen réalisé quotidiennement au niveau mondial par Alphabet. Le précédent « record » était de 1,06 milliard d'euros, infligés à Intel en 2009.
Margrethe Vestager explique dans le communiqué : « Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l'UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d'innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d'un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l'innovation ».
Google Shopping est dans l’œil du cyclone européen depuis sept ans et les premières plaintes des concurrents de Google. En avril 2015, la Commission faisait parvenir sa communication de griefs (l’acte d’accusation, en quelque sorte) à Google. Un document complété l’été dernier par de nouvelles informations confirmant les soupçons du régulateur : Google favorisait « systématiquement » son service de comparaison des prix, au détriment de la concurrence.
La Commission reconnait l'utilité des nombreux produits innovants du moteur de recherche. Mais cela ne lui donne pas pour autant le droit d'abuser de sa position dominante. La réplique de Google, à l'époque, se défendait en expliquant que les allégations européennes étaient « infondées », le service de l'entreprise améliorant le « choix des consommateurs » tout en offrant « des opportunités de grande valeur pour les entreprises de toutes tailles » (lire : Google réplique à la Commission européenne). Ces arguments n'ont pas tenu la route face à la pugnace commissaire européenne à la Concurrence.
Selon l’enquête de la Commission européenne, Google a toujours favorisé son comparateur de prix. Les résultats de Froogle, le nom du service avant qu’il ne soit rebaptisé Google Shopping en 2012, s’affichent « en haut ou dans la première partie des résultats de recherche », explique le régulateur. Ce dernier a également établi que les « les services de comparaison de prix concurrents sont rétrogradés. Il est établi que même le service concurrent le mieux classé n'apparaît en moyenne qu'à la page quatre des résultats de la recherche de Google ».
De fait, Google Shopping est bien plus visible que la concurrence grâce aux avantages significatifs conférés par le moteur de recherche. Une pratique illégale qui a débuté dès janvier 2008 au Royaume-Uni et en Allemagne, et qui a suivi le développement de Froogle/Google Shopping partout ailleurs en Europe (en France en octobre 2010).
Google est loin d'être sorti de l'auberge européenne. Les services de la concurrence de Margrethe Vestager continuent d'instruire deux dossiers brûlants : le premier touche AdSense, la plateforme publicitaire de Google, l'autre Android.
Dans tous les cas, Google joue gros. Et ce n'est pas tellement une question d'argent : l'entreprise a engrangé l'an dernier 80,4 milliards d'euros, pour 17,8 milliards de bénéfices. La régulation que Bruxelles entend imposer sur le service de comparaison de prix (et demain, sur AdSense et Android ?) risque de poser de plus sérieux problèmes à long terme.
En plus de l'amende, la Commission exige de Google la fin de ce comportement illégal dans les trois mois, et le respect de l'égalité de traitement entre les services concurrents de comparaison de prix et son propre service. Les États membres sont libres de demander réparation à leur tour s'ils estiment que cet abus de position dominante leur a porté préjudice. Google, qui fait part de son désaccord « respectueux », envisage de faire appel de la décision devant la Cour de justice européenne
Cette amende intervient alors que les relations commerciales entre les États-Unis de Donald Trump et l'Europe ne sont pas spécialement au beau fixe.