Tim Cook a donné le discours inaugural de la deuxième journée du cycle de conférences Computers, Privacy, and Data Protection (CPDP) organisée entre autres par le Conseil de l'Europe à l'occasion de la Journée de la protection des données (on célèbre d'ailleurs le 40e anniversaire de la Convention 108 sur la protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel). Un sujet cher au cœur du patron d'Apple : en octobre 2018, il faisait le voyage jusqu'à Bruxelles pour le même sujet (lire : Tim Cook sur la confidentialité : « Nous avons heureusement l'exemple européen devant nous »).
Pandémie oblige, la conférence d'ouverture s'est réalisée en visio. Mais les mots n'ont pas changé : Tim Cook s'en est de nouveau pris au « complexe industriel de la donnée ». Sans citer nommément Facebook, il a brossé un portrait peu amène de ces entreprises qui exploitent les données pour diffuser et promouvoir de fausses informations, pousser à l'insurrection et à l'extrémisme uniquement pour engranger de l'engagement et mieux cibler les publicités.
Si une entreprise est bâtie sur le mensonge aux utilisateurs, sur l'exploitation des données, sur des choix qui ne sont pas du tout des choix, alors elle ne mérite aucun éloge. Elle mérite d'être réformée.
Facebook appréciera certainement ce portrait en creux, alors que les émeutes du Capitole à Washington ont été largement la conséquence du fonctionnement des réseaux sociaux propagateurs de fake news et qui enferment les utilisateurs dans une bulle. Il n'est plus possible de « fermer les yeux sur cette théorie qui dit que tout engagement est bon, et que plus l'engagement est long, mieux c'est ». Le patron d'Apple prévient : « Si nous acceptons que tout dans nos vies puisse être agrégé, nous perdrons bien plus que des données, nous perdrons la liberté d'être humain ».
Tim Cook a de nouveau salué le règlement général pour la protection des données européen (RGPD), qualifié de « fondation importante » pour le droit à la confidentialité « partout dans le monde ». Il appelle au renforcement de ces règles, et demande d'en faire encore plus en coordonnant une réponse unanime contre ceux qui veulent exploiter les données de manière inconsidérée.
Puisqu'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, Tim Cook en a profité pour dérouler tout ce qu'Apple avait fait dans ce domaine, en commençant par la sécurisation des appareils, la protection des données, leur contrôle par les utilisateurs et une information claire et détaillée (les fiches confidentialité de l'App Store). Prochaine étape : l'apparition d'une boîte de dialogue dans les apps qui va demander l'autorisation de suivre l'utilisateur.
Tim Cook convient que la majorité des utilisateurs va refuser le suivi publicitaire (c'est la raison pour laquelle Apple propose une alternative), et qu'il existe un débat autour de cette nouveauté. La technologie n'a pas besoin de ces « coffres de données » qui gonflent au fur et à mesure des pérégrinations de l'utilisateur d'un site à un autre, fait-il remarquer. Le CEO rappelle que l'industrie de la publicité n'a pas eu besoin de ces données pour prospérer pendant des décennies.
« Est-ce que l'avenir appartient aux innovations qui rendent nos vies meilleures, plus épanouies et plus humaines ? », s'interroge Tim Cook. « Ou appartiendra-t-il à ces outils qui attirent notre attention à l'exclusion de tout le reste, qui aggravent nos peurs et agrègent l'extrémisme, pour diffuser des publicités toujours plus invasives au-delà de toute autre ambition ? ».