Au contraire de ses récentes acquisitions ces dernière années, Apple pourrait bien permettre à Beats de mener une existence autonome, un peu de la même manière que FileMaker. L'investissement de 3,2 milliards de dollars pour acquérir le constructeur de casques ne signifierait donc pas la fin de la marque Beats, explique Bloomberg, souvent bien renseigné.
Malgré les apparences — et des cultures d'entreprises bien différentes —, Apple et Beats ne sont pas si éloignés l'une de l'autre : Steve Jobs et Jimmy Iovine, le co-fondateur de l'entreprise, étaient amis, le meilleur du créateur d'Apple dans l'industrie de la musique, rapporte l'ancien président de MySpace. Iovine a aidé l'iPod à apparaitre dans les vidéos de 50 Cent, Eminem et Mary J. Blige, ce qui l'a sans doute aiguillé pour ses casques Beats, devenus la coqueluche des artistes hip-hop.
Plus largement, le créateur d'iTunes est bien connu dans l'industrie de la musique — les dirigeants d'Apple et ceux de Beats « se connaissent très bien, ils sont dans leur zone de confort ici », déclare un avocat spécialiste de l'industrie du divertissement. La semaine dernière, Jimmy Iovine et Dr Dre ont été aperçus du côté de Cupertino, sans doute pour finaliser le projet d'acquisition. Si les deux fondateurs de Beats doivent devenir des cadres dirigeants d'Apple, Iovine deviendrait lui une sorte de conseiller spécial de Tim Cook, et pourquoi pas la tête pensante derrière le business musical de l'entreprise.
Un tel rapprochement approfondirait les liens entre Apple et le secteur de la musique, au moment où la boutique de téléchargement « en dur » rencontre de sérieuses difficultés face aux service de streaming musical (lire : Musique : Apple a t-elle perdu son mojo ?). « L'abonnement aux services de streaming musical est culturellement inadéquat », déclarait Iovine en 2012, avant le lancement de Beats Music. « [Cette activité] a besoin de sensation. Elle a besoin de culture. Ce qu'a fait Apple dans le monde du téléchargement est très, très bien. Mais il y a un énorme trou dans l'abonnement, et ce n'est pas satisfaisant ».
Les dirigeants d'Apple auraient ainsi été impressionnés par le taux de conversion des utilisateurs de Beats Music, le service lancé en début d'année réussissant à convertir les auditeurs gratuits en abonnés payants plus rapidement que les autres. Une vraie gageure : là où les « forfaits » tout illimité gratuits des Spotify et consorts ont des difficultés à convaincre les consommateurs à passer au modèle payant, les deux petites semaines offertes par Beats sont suffisantes pour les faire passer à la caisse.
Même si Beats Music ne fait pas recette, cette capacité de transformer le plomb en or pourrait satisfaire non seulement Apple mais aussi une industrie qui gagne encore peu avec les services de streaming musicaux. Ce d'autant que le taux de conversion d'iTunes Radio (l'achat d'un morceau après son écoute gratuite) ne serait pas non plus mirobolant.
L'activité casques, celle qui rapporte de l'argent, ne serait pas non plus oubliée. Apple voudrait ainsi travailler avec Beats afin d'améliorer la qualité du design dans les futurs modèles. Rappelons qu'à l'origine, l'entreprise avait fait appel au constructeur Monster pour le matériel, Beats apportant son expertise qui permet de « changer le son d'un composant avec du logiciel », nous rappelait le patron de Monster, Noel Lee. Certes, le « son » Beats peut ne pas plaire à tous, mais il est la signature caractéristique de la société.
Toute la richesse de Beats tourne autour de cette capacité à « améliorer » le son : les casques fabriqués par Monster qui ressemblent à du matériel Beats ne sonnent pas comme des Beats, tandis que les casques conçus par Beats sans Monster sont moins réussis au niveau matériel. L'apport d'Apple, sa compétence reconnue en matière de conception et de fabrication, est ce qui manque au tableau de Beats. Quant à Apple, Iovine a toujours estimé que les écouteurs de la Pomme se contentaient d'une qualité moyenne. « Apple a vu juste partout, excepté pour les écouteurs », avait déclaré le producteur à succès l'an dernier. Retrouvera t-on le « son Beats » dans les futurs écouteurs Apple ?