Le téléviseur qu'Apple doit inventer
La rumeur d'un téléviseur frappé d'une pomme risque d'être la rumeur de ces prochains mois/années, un peu comme celle de l'iPhone lors de la décennie précédente. Si le premier téléphone d'Apple a vu le jour en 2007, les premières rumeurs datent de 2001. Il est évident qu'Apple travaille sur un tel objet depuis des années. Il s'agit d'un marché trop important et trop stratégique pour que la marque à la pomme en reste à l'écart.
La problématique est sans doute encore beaucoup plus complexe pour Apple dans ce domaine que celle de l'iPhone. Elle doit prendre compte les différentes normes et moyens employés dans le monde. Rien que cela, c'est un joli casse-tête. Mais surtout, elle doit parvenir à convaincre les principaux médias de la suivre dans son initiative. Or, ces derniers n'ont sans doute pas envie de connaître le même sort que les majors ou les opérateurs de téléphonie mobile.
Quand ils évoquent l'iTV, les sites de rumeurs ainsi que les analystes manquent souvent de discernement. Pour la plupart d'entre eux, il s'agit la plupart du temps d'une fusion de l'Apple TV et d'un moniteur Apple (lire : Télé Apple : une rumeur trop belle pour être vraie ?).
Pour percer sur ce marché à la fois hautement concurrentiel et très complexe, cela sera sans doute trop peu pour la société californienne, si elle veut réussir et peser comme elle le fait depuis plusieurs années sur le marché de la téléphonie mobile.
Dans un autre contexte, un tel concept fait penser à un autre appareil que la marque à la pomme s'est bien gardée de commercialiser directement. Il s'agit du ROKR E1, un téléphone signé Motorola et qui offrait une interface similaire à celle des iPod de l'époque. Le téléphone était estampillé comme étant compatible iTunes. Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est que dès la fin de sa présentation, Apple a renié ce produit, et fait pratiquement comme s’il n’avait jamais existé.
L'appareil a d'ailleurs fait un joli flop et ne s'est jamais imposé. Il illustrait parfaitement à l'époque le challenge qui s'offrait aux constructeurs pour faire du téléphone un appareil réellement polyvalent. C'était l'époque où cohabitaient dans nos poches téléphones, lecteurs MP3 et PDA. Les plus courageux utilisaient déjà des smartphones, mais ces derniers étaient loin d'être parfaits. À l'époque, la philosophie ambiante ne croyait guère à un appareil unique capable de tout remplacer.
Plus tard, Apple n'a jamais caché que ce produit avait toutefois été une expérience précieuse afin de mieux appréhender le monde tout particulier des télécoms.
Quelles ruptures pour son téléviseur ?
Autrement dit, si Apple veut lancer son téléviseur, il doit être à la concurrence, ce que l'iPhone était aux autres smartphones lors de sa sortie. À ne pas en douter, il doit redéfinir les usages et s'appuyer sur une ou deux technologies "révolutionnaires". Révolutionnaires, pas tellement en tant que telles, mais de la façon dont elles sont utilisées.
Avec l'iPhone, ce qui a fait la différence, c'est le multitouch. Et le fait que l'on manipule entièrement le smartphone au doigt alors que tout le monde s'entêtait soit à utiliser un stylet sur les appareils tactiles soit à employer un clavier qui réduisait considérablement la taille de l'écran.
Pour son téléviseur, beaucoup imaginent que Siri jouera un rôle important. C'est peut-être vrai, mais il ne sera pas le seul. Il est bien difficile d'imaginer piloter un téléviseur uniquement à la voix. De nombreuses contraintes techniques rendent cette hypothèse difficile à envisager. Par contre, il faut espérer que son intelligence soit mise à la disposition de la télévision d'Apple. Un moteur de recherche évolué permettrait à l'utilisateur d'accéder plus facilement au contenu de son choix.
L'indispensable mariage avec Internet
Comme les téléphones avant l’iPhone, la problématique de l’internet n’est toujours pas réglée. Ces deux univers restent inconciliables. Et c’est sans doute l’un des points où est le plus attendu Apple. À l’image de l’Apple TV, cela se résume souvent à une intégration minimaliste de la plupart des services en vogue du moment : YouTube, Flickr, Vimeo… Il y a sans doute matière à faire beaucoup mieux. L’intégration des réseaux sociaux est très certainement un enjeu majeur. Régulièrement, sur Twitter, figurent les émissions de télévision dans les tendances (les sujets les plus évoqués sur ce service).
Pour forcer le mariage de ces deux univers, la notion d’apps est également souvent évoquée. Google s’est engouffré dans cette voie. Aux dernières nouvelles, Apple pourrait également faire un pas dans ce sens à l’occasion de la conférence des développeurs (WWDC) qui a lieu la semaine prochaine (lire : Rumeurs : des plans d'iPhone et une API autour de l'Apple TV).
La mort de la télécommande ?
Avec son Kinect, Microsoft a montré d'autres manières d'interagir avec son écran de télé. On pourrait imaginer également de simples gestes pour communiquer avec son écran. Monter légèrement le bras permettrait d'augmenter le volume alors qu'un mouvement vers la droite permettrait d'aller sur la chaîne suivante. Ce ne sont bien entendu que de simples hypothèses.
Mais elles permettent de savoir où se situe précisément le nerf de la guerre. Il s'agit de la télécommande, qui doit être repensée de fond en comble. Les plus audacieux diront qu'Apple doit faire en sorte de l'éliminer. Sans trop se mouiller, on peut penser que tous ceux qui sont parvenus à en faire un objet aussi complexe qu'un ordinateur, ont fait fausse route.
Pour être précis, il faudrait d’ailleurs dire les télécommandes. Un vrais fatras entre celle du téléviseur, de la box, du graveur DVD… A l’image de l’iMac, on attend d’Apple qu’elle propose un appareil tout-en-un qui regroupe toutes les principales fonctionnalités et bien plus des différents appareils qui se greffent à nos écrans : console de jeux, VoD, accès à Internet…
Lorsque Steve Jobs a présenté l’iPhone, il l’a présenté comme un appareil trois-en-un : un iPod grand écran avec contrôle tactile ou la promesse enfin de pouvoir regarder des vidéos avec un terminal mobile, un téléphone mobile révolutionnaire, et un appareil de communication Internet. Étonnamment, c’est lorsque Steve Jobs a énoncé cette dernière fonctionnalité que les applaudissements ont été les moins nourris. Pourtant, c’était peut-être le plus gros changement apporté par l’iPhone.
Si l’on reprend l’approche de Steve Jobs pour l’iPhone, que serait une iTV ? Un téléviseur tout en un (console de jeux, intégration d’internet), un écran intelligent qui étend considérablement le champ d’utilisation d’un téléviseur et qui la rapproche d’un outil informatique par certains aspects et une facilité d’utilisation sans pareille.
Un objet à redéfinir
Le téléviseur a ces dernières années occupé une place centrale dans nos foyers. Mais plus que jamais, sa position dominante est menacée par les différents écrans qu’Apple et ses concurrents ont inventés ces dernières décennies et mis dans les mains des utilisateurs, du micro-ordinateur à la tablette en passant par les smartphones et autres consoles portables…
Son déclin, l'appareil le doit également à une certaine stagnation. L’objet en lui-même n’a finalement quasiment pas évolué, le téléviseur de 2012 est plus fin que ceux qu’on trouvait il y a vingt ans, offre une meilleure qualité d’image ainsi qu’un meilleur son, mais ils sont toujours aussi bêtes et finalement assez peu évolués. Imaginez un Apple II dans un iMac, c’est un peu cela…
Plus qu’une télévision, ce qu’Apple doit inventer, c’est l’écran intelligent, cet écran que l’on trouve souvent dans les vidéos futuristes, notamment celles de Corning. Un écran sur lequel les différentes personnes d’un foyer peuvent échanger des informations, consulter le planning des uns et des autres, se rappeler des tâches à faire… Un écran qui doit être capable de communiquer et de faire des conférences vidéo… Bref, être le centre numérique d’un foyer… C’est sans doute cela qui donnera envie à monsieur tout le monde d’échanger son téléviseur contre un nouveau.
Et si Apple ou quelqu’un d’autre parvient à mettre au point un tel objet, il y a fort à parier que celui-ci ne se limite pas au salon, il pourrait être fort intéressant dans une cuisine ou une chambre à coucher. Un marché considérable s’ouvre à celui ou ceux qui parviendront à trouver la bonne formule.
Pages