Al Gore rejoint Apple

bferran |
Après le départ de Larry Ellison, on savait qu'il y avait du mis en ligne mercredi soir a de quoi surprendre. Al Gore, l'ancien vice-président de Bill Clinton, candidat malheureux aux élections de l'an 2000, vient en effet de rejoindre Steve Jobs, Bill Campbell, Millard Drexler, Arthur D. Levinson et Jerry York au sein du conseil d'administration d'Apple, après une élection. Déjà présent aux côtés de Google comme conseiller, sans en être administrateur, Al Gore, qui salue "le travail incroyable [de Steve et son équipe] pour faire à nouveau d'Apple l'une des meilleures [entreprises] du monde," déclare apprécier Mac OS X et "l'investissement d'Apple aux côtés du mouvement Open Source", et espère "apprendre beaucoup aux côtés des autres membres du conseil d'administration". De son côté, Steve Jobs retourne la politesse en louant "l'énorme savoir et la sagesse" que son ancien Vice-Président, et nouveau collègue va apporter à Apple fier d'avoir réussi à le faire entrer, pour la première fois, dans le CA d'une entreprise privée.


En remplaçant Larry Ellison, PDG d'Oracle, par Al Gore, le conseil d'administration ne joue à l'évidence pas la stratégie du poste pour poste, et l'orientation qu'il prend, radicalement différente, recouvre un nombre très important d'enjeux. Même s'il ne faut pas minimiser l'intérêt que porte Al Gore pour l'informatique (il a popularisé l'expression d'autoroute de l'information), et si, selon Steve Jobs, il est un utilisateur de Mac et de Final Cut Pro fidèle, il ne possède pas la même légitimité que son prédécesseur dans le milieu. De plus, la collaboration entre l'informatique et la politique peut être mal perçue, autant par les utilisateurs que par les milieux économiques. D'une part, Apple s'engage peut-être trop ouvertement, en rendant indirectement hommage dans son communiqué de presse au bilan des démocrates, qui ont "dirigé les États-Unis pendant la plus longue période de croissance de l'histoire" du pays. D'autre part, ce lien fait resurgir les démons des réseaux d'influence, et les différentes affaires qui ont secoué les entreprises américaines en 2002, valant justement au conseil d'administration d'Apple d'être classé fin septembre par Business Week, parmi les pires CA des États-Unis. Al Gore est-il l'homme dont Apple a besoin ?


Au-delà des rivalités versatiles de partis, et des réseaux d'influence (quel pourrait être le rôle de l'ancien vice-président, qui n'a pas abandonné la politique, dans les prochains développements des procès anti-trust ?), Steve Jobs trouve en Al Gore un ambassadeur de choix pour son entreprise. Rarement les administrateurs s'expriment sur la société (d'où le peu de connaissance et les méfiances du public), même si l'on est tenu au courant, parfois, du rôle qu'ils peuvent jouer (on pense à la relation entre Sun et Apple), et c'est justement cette influence considérable d'Al Gore que le conseil d'administration d'Apple a pris en compte aujourd'hui. Crédible en politique et dans les milieux de la finance, médiatique, écouté dans les sphères de l'éducation, il a pu constituer, tout au long de sa carrière un carnet d'adresses et des réseaux importants qui, en plus de l'image droite et sérieuse qu'il véhicule dans les media, pourront être utiles à Apple. Le nombre impressionnant des réactions sur les sites économiques, quelques instants après cette annonce, en est déjà un premier signe favorable. Une chose est sûre en tout cas, Steve Jobs vient une nouvelle fois de surprendre tous les observateurs.

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