Présenté par Steve Jobs le 15 janvier 2008, le MacBook Air fête ses cinq ans. Vous connaissez sans doute l’histoire de cet ordinateur qui a redéfini non seulement la gamme de portables d’Apple, mais aussi l’ordinateur portable lui-même. Laissez-moi plutôt vous conter mon histoire avec le MacBook Air.
Avant le MacBook Air
Le MacBook Air n’est pas le premier ultraportable, loin de là. Il y avait quelque chose d’agaçant à voir une jolie blonde débarquer à la bibliothèque avec son Vaio TX — mon MacBook Pro 15" me semblait alors être un véritable paquebot, et un paquebot qui tenait deux heures de moins sur batterie. Mais un paquebot qui ne me forçait pas à me pencher sur mon écran pour y voir quelque chose et à faire des incantations pour que le curseur suive à peu près les manipulations effectuées sur le minuscule trackpad.
Lors de sa présentation du MacBook, Air, Steve Jobs mentionne le Vaio TZ, successeur du Vaio TX présenté en mai 2007. La formule de Sony était simple : un petit écran 11,1", un clavier et un trackpad tout aussi petit et un processeur ULV peu puissant (Intel Core 2 Duo 1,2 GHz). Le tout valait alors 2 000 € avec un disque dur de 80 Go, 1 Go de RAM et un lecteur optique. La plupart des ultraportables de l’époque, quel que soit le fabricant, suivaient à peu près la même logique.
Le concept Metro d’Intel.
Je me souviens avoir souri lors de la présentation du concept Metro, concomitante à celle du Vaio TZ. Cet ordinateur de 1,8 cm d’épaisseur pour à peine 1 kg, sans lecteur optique et avec seulement quelques ports était une plateforme de développement d’Intel. La même société qui travaillait main dans la main avec Apple. J’allais bientôt avoir ma revanche sur la fille au TX, tant il paraissait évident qu’Apple allait investir le marché. Intuition confirmée le 15 janvier 2008.
Le MacBook Air, donc, n’est pas le premier ultraportable, mais ce n’est pas non plus un ultraportable comme les autres. De la même manière que l’iPod n’était pas le premier PMP mais n’était pas un PMP comme les autres ou que l’iPhone n’était pas le premier smartphone mais n’était pas un smartphone comme les autres. Pour « seulement » 1 699 €, le MacBook Air embarquait un processeur Intel Core 2 Duo 1,6 GHz « normal », un écran 13,3", un clavier et un trackpad pleine taille et 2 Go de RAM.
MacBook Air début 2008 : ça souffle !
« Seulement 1 699 € », car à ce prix-là, vous achetiez non seulement un ordinateur, mais aussi un chauffage d’appoint. La formule d’Apple était tout à fait différente de celle de Sony : elle ne voulait faire de compromis ni sur la taille de l’écran, du clavier et du trackpad, ni sur la puissance. Elle a ainsi développé sa technique de construction en aluminium monocorps, permettant d’affiner une machine sans compromettre son intégrité structurelle. On la retrouve maintenant dans tous les appareils Apple ou presque.
Elle a aussi dû demander à Intel de concevoir une puce spécifique : le fondeur lui donne pas moins de six mois d’avance sur la concurrence en lui proposant un processeur sur base Merom intégrant des technologies de la plateforme Penryn ! Voilà pourquoi le CEO d’Intel monte sur scène le 15 janvier 2008 : sans lui, le MacBook Air n’aurait jamais pu exister. Mais le cahier des charges d’Apple se heurte à la réalité de l’époque et si le premier MacBook Air a marqué ses utilisateurs, c’est avec des brûlures.
L’utiliser sur les genoux constituait un véritable risque sanitaire et il ne serait pas étonnant que quelques Mac-users ne réussissent pas à se reproduire (et pas uniquement parce qu’ils n’ont pas d’autre sujet de conversation qu’Apple). Le processeur n’était ni un ULV (Ultra Low Voltage), ni un LV (Low Voltage), mais une puce tout à fait normale avec un TDP de 20 W. D’où le surplus de puissance par rapport aux autres ultraportables, d’où le dégagement thermique supplémentaire aussi.
Steve Jobs tenant l’Intel Core 2 Duo spécifique au premier MacBook Air.
La puce graphique intégrée, la GMA X1300, n’était quant à elle pas un foudre de guerre. Et Flash n’était à l’époque pas encore correctement optimisé. Il était difficile de regarder une vidéo YouTube dans son lit sans que le MacBook Air ne finisse par se couper par mesure de sécurité.
Le disque dur 1,8" 4 200 TPM, emprunté à l’iPod, finissait de faire de ce MacBook Air un véritable calvaire : après avoir frit des œufs sur le capot brûlant de la machine, on pouvait aller se faire couler un café le temps que Pages ne se lance. Et boire une gorgée après chaque phrase tapée, le temps qu’elle s’affiche sur l’écran (on exagère à peine). Heureusement qu’il n’était qu’une machine de fonction que nous nous partagions avec quelques collègues : il y avait quelque chose d’aussi agaçant que de fascinant dans cette machine d’un genre nouveau.
MacBook Air fin 2008 / mi 2009 : oui, mais…
Apple a néanmoins bien vite corrigé les défauts de cette première génération : la baisse drastique du prix de l’indispensable option SSD ou l’intégration de la bonne puce graphique intégrée Nvidia Geforce 9400M ont fait sortir le MacBook Air de sa niche. Mais pas encore suffisamment pour en faire un produit véritablement public.
Les problèmes induits par Intel réglés, ce sont les défauts de la conception Apple qui se sont en effet révélés à cette époque. Combien de charnières ont faibli, combien de trappes pour les ports ont été arrachées ? Nul ne le sait, mais ceux qui en ont souffert s’en souviennent — sans pour autant réussir à véritablement en vouloir à cette machine attachante.
Le MacBook Air marque sans doute le moment où certains ont arrêté de bidouiller leur ordinateur — où certains ont arrêté de s’en faire, tout simplement. La batterie inamovible ? Elle fournit une autonomie suffisante pour que ce ne soit pas un problème au quotidien. La RAM soudée ? Le SSD, désormais abordable, limite les effets du swap, et toute la machine est suffisamment fluide pour la plupart des usages.
Steve Wozniak n’aimait pas la philosophie du MacBook Air, mais c’est pourtant la machine qui a permis à Apple de réaliser son rêve d’une informatique accessible à tous, aussi facile à utiliser qu’un réfrigérateur : on branche, on allume, ça fonctionne. Le tout dans un excellent confort grâce à son trackpad multitouch, son clavier rétroéclairé et son silence royal. Quelques-uns des Unixiens les plus intégristes parmi mes amis n’osent pas l’avouer, mais ils adorent leur MacBook Air. Pour faire bonne figure, ils collent un autocollant en forme de pingouin sur la pomme et pestent contre la politique d’Apple. Mais on les surprend parfois à sourire devant leur écran, en passant le doigt le long de la tranche de leur machine.
MacBook Air 2010 / 2011 : la maturité
Le rôle du MacBook Air comme prototype de la nouvelle informatique selon Apple n’a jamais été plus évident qu’en 2010, lors de la présentation de son nouveau design. « La nouvelle génération MacBook » disait Apple, « le futur des MacBook » titrais-je alors. La construction monocorps, la batterie inamovible, les composants soudés sont désormais présents dans tous les Mac portables… et même dans certains Mac de bureau !
La gamme 2010 a été une nouvelle occasion pour Apple de se dédire : Steve Jobs critiquait le format 11", mais le format 11" fut justement la principale nouveauté. Il faut croire qu’il s’était trompé : le modèle d’entrée de gamme a été ma machine principale pendant deux ans et m’a permis d’écrire des milliers d’articles sur MacGeneration et iGeneration, de couvrir plusieurs salons et de traiter des centaines de photos et des dizaines de vidéos.
Son seul défaut ? L’absence de clavier rétroéclairé (et encore), d’ailleurs résolue dès la génération suivante. La nouvelle construction est plus solide, notamment grâce à la suppression de la trappe à ports. Plus personne ou presque ne regrette le lecteur optique, et plus personne ou presque d’ailleurs n’utilise la fonction permettant d’« emprunter » le lecteur optique d’un autre Mac : le Mac App Store est passé par là.
Il manquait encore quelque chose au MacBook Air pour tout à fait s’imposer, une sorte de déséquilibre induit par une certaine avance des idées d’Apple par rapport aux technologies. C’est d’ailleurs en quelque sorte le grand drame du MacBook Air : il n’a jamais été tout à fait vraiment équilibré. Lentement mais sûrement, mon 11" s’est révélé assez poussif : la gamme fin 2010 a par exemple énormément souffert de sa stagnation à la plateforme Core 2 Duo.
MacBook Air 2012 : mieux vaut être suivi que suivant
La dernière gamme, au contraire, a représenté une sorte d’alignement des planètes : une machine aboutie aux composants à la fois très économes et très puissants. Avec la disparition du MacBook et la montée en gamme du MacBook Pro, le MacBook Air est désormais la machine grand public par excellence.
Moins proche d’Apple qu’il y a quelques années et sans doute libérée de clauses d’exclusivité, Intel n’a pas hésité à mettre au point sa plateforme « ultrabook ». Pour les fabricants de PC, le cahier des charges est simple : puisque le MacBook Air a réussi a tuer le netbook alors qu’il est cinq fois plus cher, faites un MacBook Air avec Windows ! Il faut croire que cela ne suffit pas puisqu’il s’est vendu en 2012 environ 10 millions d'ultrabooks, soit autant que de MacBook Air, alors qu’il aurait dû s’en vendre deux fois plus.
Certains n’auront pas manqué de remarquer nos doutes quant à certains choix opérés par Apple sur le MacBook Pro Retina ou le nouvel iMac, qui souffrent de leur statut de première génération d’un nouveau modèle. Mais ils n’auront pas non plus raté notre enthousiasme pour cette cinquième génération de MacBook Air, la génération de la maturité :
« Au final donc, ce nouveau MacBook Air 11" d’entrée de gamme est une franche réussite : il est silencieux, économe et puissant. À vrai dire, on atteint désormais des niveaux de puissance qui devraient convenir à tous : dans un sac à dos il sera un ultraportable, branché à un écran il sera une petite station de travail. Ne reste à l’iMac que sa puissance et au Mac Pro que son évolutivité. Le MacBook Air est sinon la machine la plus aboutie d’Apple, et il est parfaitement logique que le MacBook Pro s’en inspire. »
En cinq ans, le MacBook Air a changé la définition du portable chez Apple, et même dans le reste de l’industrie. Et aujourd’hui, comme tant d'autres utilisateurs de cette machine, je me vois mal utiliser un autre Mac. Pas mal pour une machine que certains avaient reléguée au rang de simple gadget en 2008.
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