Test de l'iMac Pro 2017 (8 cœurs à 3,2 GHz, Vega 56)

Anthony Nelzin-Santos |

Promis, juré, craché, « Apple travaille à la conception d’un nouveau Mac Pro entièrement repensé pour les clients professionnels à la recherche des meilleures performances ». Sans attendre ce futur successeur du Mac Pro, qui n’a pas été révisé depuis près de 1 500 jours, une machine convient pourtant aux « clients professionnels à la recherche des meilleures performances ». Cette machine, c’est l’iMac Pro.

L’iMac Pro aurait dû remplacer le Mac Pro, avant qu’Apple ne recule face à la fronde d’une partie de sa clientèle. De fait, il tient temporairement le rôle du Mac Pro, celui de la station de travail débordant de puissance. Mais peut-il totalement faire oublier le Mac Pro, l’ancien comme le futur ? À qui s’adresse cette machine puissante mais fermée ? En somme, faut-il l’acheter ? Éléments de réponse.

Avant de commencer

Cet article conclut notre première série de tests de l’iMac Pro, sans toutefois épuiser le sujet. Faute d’avoir pu tester plusieurs configurations, il nous est impossible de nous prononcer définitivement sur les différents processeurs et les différentes cartes graphiques, et sur les différents usages qu’ils autorisent. Faute d’avoir pu entourer l’iMac Pro de certains périphériques, il nous est impossible d’émettre des conclusions sur l’Ethernet 10 GbE ou le bien-fondé de certains choix.

Nous continuerons à tester l’iMac Pro, notamment dans sa configuration avec un processeur Intel Xeon W décacœur à 3 GHz et une carte graphique AMD Radeon Pro Vega 64, dans les prochaines semaines. En attendant, voyez cet article comme un point d’étape suffisant pour juger la configuration « de base », mais qui ne peut pas être complètement généralisé à l’ensemble des configurations.

Nous ne reviendrons pas en détails sur les aspects que nous avons déjà abordés :

Un iMac pour les pros

L’iMac n’est plus le cœur de la gamme d’Apple, cette machine bonhomme et bon marché qui s’écoulait à des millions d’exemplaires à la fin des années 1990. Il reste l’ordinateur de bureau le plus vendu de la gamme, mais Apple écoule maintenant dix fois moins d’ordinateurs de bureau que de portables. Il faut dire qu’à 2 099 €, l’iMac 5K n’est pas une machine particulièrement accessible.

Les supports de vente internes d’Apple mentionnent toujours la clientèle aisée qui veut s’offrir un petit bijou d’informatique, mais ils parlent de plus en plus des prosumers, ces « amateurs éclairés » qui utilisent des applications professionnelles, et des professionnels, que nous définirons simplement comme ceux qui gagnent leur vie avec ces mêmes applications. C’est un fait, l’iMac est conçu pour une niche.

Et l’iMac Pro est conçu pour une niche dans la niche, celle de la clientèle qui veut la puissance d’un Mac Pro dans le format d’un iMac. Que vous le vouliez ou non, elle existe bien, et attire même les fabricants de PC, mais c’est peut-être la première fois qu’une machine lui est explicitement dédiée. L’iMac Pro est un iMac pour les pros, qui aurait pu remplacer le Mac Pro.

Un iMac pour les pros, c’est un iMac qui utilise des composants conçus pour les stations de travail, donc des processeurs Intel Xeon et de la mémoire à code correcteur d’erreurs. Depuis le Power Mac G5 de la fin 2005, Apple coordonne le statut de « station de travail » à l’utilisation de mémoire ECC, qui intègre des mesures contre la corruption des données par les interférences électromagnétiques.

Des composants de station de travail

Voilà qui explique (en partie) que l’iMac Pro utilise des processeurs Xeon W plutôt que des processeurs Core i9. Intel a conçu les processeurs Core i9 pour un public très précis, celui des « créateurs de contenus » et des « joueurs », et a donc privilégié la fréquence et le coût au détriment du nombre de cœurs et de lignes PCIe, de la consommation, et de la fiabilité dans les usages intensifs et prolongés…

…qui sont précisément les aspects recherchés dans une station de travail. La protection de la mémoire contre les effets négatifs des rayons cosmiques peut sembler totalement ésotérique, mais les utilisateurs d’applications scientifiques ou financières savent qu’une vingtaine d’erreurs peuvent toucher les 32 Go de RAM de l’iMac Pro chaque heure, avec de potentielles conséquences sur leur travail.

Le surcoût entraîné par l’utilisation de composants conçus pour les stations de travail n’est pas négligeable, mais il n’est pas aussi élevé qu’on pourrait le croire. Configuré avec 32 Go de RAM et 1 To de stockage, l’iMac 5K doté de l’option Core i7 quadricœur à 4,2 GHz vaut 4 279 €, « seulement » 1 220 € de moins que l’iMac Pro que nous testons.

Ce n’est pas rien, mais ce surcoût de 28 % offre 100 % de cœurs processeur supplémentaires et 42 % de puissance de calcul graphique en plus. Ainsi qu’un port Ethernet 10 GbE, deux fois plus de ports Thunderbolt 3 et quatre fois plus de micros, un lecteur de carte SDXC compatible UHS-II, une meilleure caméra FaceTime et de meilleurs haut-parleurs, et bien sûr de magnifiques accessoires tout de noir vêtus.

Une machine conçue pour les tâches parallélisées

Encore faut-il avoir l’usage de ces huit cœurs, qui peuvent grimper jusqu’à 4,2 GHz grâce au Turbo Boost, et traiter seize instructions par cycle grâce à l’Hyper-Threading. Si les applications que vous utilisez ne sont pas optimisées pour le parallélisme ou ne peuvent pas l’être, tournez-vous vers la machine au processeur le plus rapide, c’est-à-dire vers l’iMac 5K doté de l’option Core i7.

Si les applications que vous utilisez sont optimisées pour le parallélisme, tournez-vous vers la machine au processeur possédant le plus grand nombre de cœurs, c’est-à-dire vers l’iMac Pro. Reste à savoir si vos applications sont vraiment optimisées. Prenez le cas de Final Cut Pro — une application très largement utilisée par les professionnels du montage, quoique de moins en moins dans les studios hollywoodiens, développée par Apple elle-même, et revue le jour de la commercialisation de l’iMac Pro.

Si vous vous contentez de lui donner des rushes 1080p ou 4K et d’exporter en H.264, elle refusera d’exploiter toute la puissance de l’iMac Pro, au point d’être parfois plus rapide sur l’iMac 5K. Il faut l’alimenter en fichiers 5K voire 8K bruts, ou faire travailler Compressor au difficile encodage de fichiers HEVC, pour clairement creuser l’écart avec l’iMac « pas pro » en faisant pomper les huit cœurs à fond.

L’iMac Pro n’est pas seulement un iMac pour les pros, mais un iMac pour cette catégorie de pros qui ont un besoin absolu de puissance, et possèdent les outils et les workflows capables de la dompter. C’est en utilisant des applications comme Keyshot pour la modélisation 3D, DaVinci Resolve pour la correction colorimétrique, Autopano pour la réalisation de panoramas de plusieurs centaines de millions de pixels, OsiriX pour la visualisation d’images médicales, ou encore Gephi pour l’exploration de jeux massifs de données, que l’on révèle le potentiel de l’iMac Pro.

Le silence avant tout

Et, surtout, que l’on réalise à quel point l’iMac Pro est silencieux. C’est aussi cela une station de travail : une machine capable de tourner 24 heures sur 24, sept jours sur sept, sans forcer. Quand l’iMac souffle à la moindre montée en charge, de manière certes supportable, l’iMac Pro est imperturbable. Ses ventilateurs tournent, mais il faut tendre l’oreille pour les deviner.

En concevant les entrailles de l’iMac Pro, organisées autour de son système de refroidissement, Apple a donné la priorité au silence. Ce choix participe à l’extrême agrément de cette machine, mais il y a un mais — voire plusieurs. L’évacuation de l’air chaud par la large grille cachée sous le pied impose de réfléchir au placement de l’iMac Pro sur le bureau : placez-le trop près du mur, et vous aurez l’impression de travailler devant un convecteur électrique.

Apple a clairement fait le choix, pour les processeurs huit et dix cœurs, de déclinaisons sous-cadencées des modèles au catalogue public d’Intel. Autrement dit, l’iMac Pro n’est pas aussi rapide qu’il pourrait l’être, parce qu’Apple a préféré les décibels aux gigahertz. Le niveau sonore a présidé au choix des composants et au dimensionnement du système de refroidissement. Un système qui encaisse sans peine le dégagement thermique du processeur.

Un extrait de 75 minutes de notre relevé de températures, alors que le processeur (en bleu) et la carte graphique (en rose) sont saturés par de multiples opérations concurrentes (rendu 3D avec OpenCL, calcul de nombres premiers, exécution en boucle d’une démonstration d’un jeu vidéo en définition native, génération de polygones). La température monte rapidement, et se stabilise autour de 90 degrés, 12 degrés de plus que la température maximale d’un iMac Retina 5K. La modulation de la fréquence du processeur intervient assez rapidement : Turbo Boost est désactivé fréquemment, mais la machine n’est pas brûlante au point qu’il ne puisse pas être réactivé, comme le montrent les fortes variations de la température du processeur, qui correspondent aux coups de boost. Une fois les applications quittées, la machine retrouve sa température de base après quelques minutes. Cliquer pour agrandir

Il faut saturer les huit cœurs pendant plus d’une heure avant d’observer les premières modulations du Turbo Boost, qui ne durent pas plus de quelques secondes pendant quelques minutes, pendant lesquelles les performances sont réduites d’environ 2,5 %.

Cette modulation est plus régulière lorsque la carte graphique est mise à contribution : Turbo Boost est désactivé beaucoup plus fréquemment, et le processeur tourne alors à sa fréquence de base, la température des composants atteignant alors 90 degrés. La machine n’est jamais brûlante ni bruyante, et la température retombe rapidement à la fin du travail, mais on voit clairement les limites du système de refroidissement.

La question du long terme

Qu’en sera-t-il dans trois ans, lorsque la machine sera pleine de poussière ? Cette inconnue plane sur l’iMac Pro — et, au-delà, les questions de son intégration dans un environnement de travail et de sa prise en charge à long terme. Apple accroît son contrôle sur le matériel comme sur le logiciel, certes pour de bonnes raisons de sécurité et de qualité, mais en contribuant à compliquer et renchérir les mises à niveau et les réparations.

Ce dernier point peut être résolu par la souscription d’un contrat AppleCare, qui garantit l’intervention sur site, mais les DSI des grandes entreprises (et les bricoleurs) préféreraient sans doute pouvoir intervenir directement sur la machine. Surtout, dans sa version « grand public » comme dans sa version entreprise, cette couverture est limitée à trois ans.

Pour une telle machine et un tel investissement, Apple devrait probablement offrir un contrat de cinq ans aux garanties renforcées. Il représenterait une dépense supplémentaire, mais une dépense que l’on pourrait intégrer à un plan d’amortissement, contrairement à l’imprévu d’une panne ou d’un problème plus insidieux.

Avec l’iMac Pro, et plus tard le nouveau Mac Pro, Apple veut reconquérir le cœur d’une clientèle professionnelle désabusée par les errements des dernières années. Mais les machines seules ne suffisent pas : c’est toute la politique commerciale, avant et après la vente, qui doit suivre ce mouvement. Pour le moment, le compte n’y est pas tout à fait.

Acheter l’iMac Pro ou attendre le Mac Pro ?

Voilà qui donne une pointe d’amertume à une recette autrement réussie. L’iMac Pro possède toutes les qualités que l’on attendait d’un iMac survitaminé : des composants de station de travail, un système de refroidissement à la hauteur, du stockage et des ports très rapides, un superbe écran, et même un prix relativement raisonnable (plus encore si vous connaissez vos interlocuteurs de la Briefing Room et pouvez négocier un rabais).

En l’état toutefois, il est impossible d’ignorer les questions sur sa fiabilité à long terme. Oui, il utilise des composants conçus pour durer. Oui, Apple semble avoir retenu les leçons du Mac Pro. Oui, l’iMac 5K dont il dérive est maintenant fiable. Mais il faudra quelques mois de recul pour commencer à juger de la robustesse de cette machine — en attendant, il faut espérer que le service après-vente d’Apple prenne en charge les éventuels problèmes de manière irréprochable.

Surtout, il est impossible d’ignorer la concurrence distante que lui fait le futur Mac Pro, qui promet d’être modulaire. Mais un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, et l’on ne sait rien du Mac Pro, alors que l’on sait tout de l’iMac Pro. Et ce que l’on sait, c’est qu’il s’agit de la machine la plus puissante du catalogue pour les tâches parallélisées, là, maintenant, tout de suite. Si c’est exactement ce que vous recherchez, et que vous le recherchez maintenant, alors…

Note

Les plus :

  • Un Mac Pro dans un iMac
  • Composants de haute qualité
  • Silence de fonctionnement
  • Prix compétitif

Les moins :

  • Limites du système de refroidissement clairement visibles
  • Politique commerciale et SAV pros déficients

Prix :

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