Open Transport ne vous dit sans doute pas grand-chose sauf si vous avez eu le malheur de l’utiliser avec le Système 7.5.2. Si c’est le cas, cette technologie réseau vous a sans doute causé bien des tourments : il s’agit d’un des plus grands ratés en matière de lancement de l’histoire d’Apple.
Open Transport, une catastrophiquement bonne idée
Open Transport était à son lancement autant une bonne idée qu’une véritable catastrophe. Cette technologie partait d’un bon sentiment : elle devait, entre autres choses, faciliter la connexion à internet. Malheureusement, elle rendait aussi le Mac extrêmement instable et se connecter pendant plus de quelques minutes était une vraie performance.
Si certains pouvaient faire machine arrière, ce n’était pas le cas des premiers acheteurs de Power Mac avec ports PCI, qui étaient condamnés à utiliser le Système 7.5.2. Et pour certains, le calvaire dura longtemps : sortie en juin 1995, cette version du système ne fut remplacée par 7.5.3 qu’en janvier 1996.
Si parfois, on s’énerve d’un bogue, c’est bien peu de choses comparées à l’époque. Faute de mémoire protégée, une application qui plante était alors souvent synonyme de redémarrage forcé. Et des redémarrages forcés, il y en avait avec Open Transport…
Alors que Microsoft lançait en fanfare Windows 95, c’est à ce moment qu’Apple s’est véritablement rendu compte de l’impasse dans laquelle elle était. Non seulement elle était incapable de mettre au point un système d’exploitation moderne doté d’un multitâche préemptif et de la mémoire protégée, mais son système commençait sérieusement à accuser le poids des années. À défaut de véritable solution à court terme, Apple entama un toilettage de son système qui donna naissance au Système 7.6, puis à Mac OS 8 et 9.
AppleTalk/LocalTalk ou le plug&play des réseaux
Pourtant, durant ses premières années, le Mac brillait par sa simplicité d’utilisation en matière de réseau, grâce à son duo AppleTalk/LocalTalk. Il suffisait de connecter un petit boîtier au dos de chaque Mac et le tour était joué.
Un kit LocalTalk coûtait 200 / 300 francs, alors qu’à l’époque des cartes Ethernet ou TokenRing coûtaient beaucoup plus cher. Il comprenait ce fameux boîtier de connexion, un câble de deux mètres environ, et un adaptateur (appelé aussi Extender) pour créer une rallonge de câble.
Le boîtier, qui se connectait sur le port imprimante de l’ordinateur, permettait de constituer des réseaux de manière très simple, comme le montre cette illustration. L’Apple IIGS permettait également d’accéder à ces réseaux LocalTalk. Vitesse maximum de transfert : 230 kb/s !
Son pendant logiciel s’appelait AppleTalk. Ce protocole propriétaire permettait d’imprimer et/ou d’échanger des fichiers en un clin d’œil. Tout était entièrement plug & play. Si ce protocole ne faisait pas des excès de vitesse, il a fallu des années avant que sa simplicité soit égalée.
Une couche TCP vendue 2 500 $
Mais avec l’éclosion d’internet, Apple a dû s’ouvrir et n’avait pas d’autres choix que d’offrir une prise en charge du protocole TCP/IP digne de ce nom pour permettre à ses utilisateurs d’accéder au réseau des réseaux. À l’époque, pour se connecter à internet, les utilisateurs sous Mac avaient recours principalement à Mac TCP, une pile TCP conçue par Apple vendue lors de son lancement en 1988 au prix de 2 500 $ pour une licence de site.
Apple baissa progressivement son prix (60 $ dans les années 90), avant de finalement l’inclure gratuitement dans le Système 7.5. MacTCP était la première implémentation d’une pile TCP sur une plate-forme non-UNIX.
Mais cette implémentation était imparfaite. De plus, lorsqu’internet commença à entrer dans les foyers au milieu des années 90, MacTCP était codé en 68k, alors qu’Apple avait déjà bien entamé sa transition vers le PowerPC. La pile TCP était par conséquent émulée.
Avec Open Transport, Apple décida de repartir de zéro. Le logiciel d’Apple proposait à la fois de nouvelles interfaces de programmation (API), un nouveau modèle d’intégration dans le système d’exploitation, et de nouveaux éléments d’interface utilisateur.
Sur le papier, Open Transport n’avait que des avantages. Apple gérait directement le PPP (protocole point à point), protocole qui était utilisé pour la connexion à internet et le transfert des données.
Open Transport permettait de se charger dynamiquement en mémoire en fonction des besoins. Il offrait la possibilité aux utilisateurs de changer de configuration réseau sans avoir à redémarrer. Sur Macintosh, il introduit également la notion de multihoming qui permet à un Macintosh de s’enregistrer simultanément sur plusieurs réseaux lorsqu’il comporte plusieurs interfaces.
Comment l’acquisition de NeXT changea la donne
Si à l’époque, Open Transport était promis à un bel avenir, son envol fut rapidement stoppé par l’acquisition de NeXT. Le système d’exploitation du NeXT, du fait de sa base Unix, était bien mieux doté en matière de réseaux.
Pour des raisons de compatibilité, Apple intégra toutefois Open Transport à OS X. Les API d’Open Transport furent dépréciées dans Tiger. Ce statut chez Apple pour une API signifie qu’elle est encore incluse provisoirement dans le système, mais qu’Apple ne compte plus dessus et s’en débarrassera prochainement, chose qu’elle a faite avec OS X Mavericks.
Douze ans après la sortie commerciale d’OS X, cette technologie réseau n’était présente que dans un nombre très restreint de programmes. Ce qui fait que contrairement à sa naissance, sa disparition est passée quasiment inaperçue. Parmi les rares éditeurs à être embêtés par cette décision, on notera CTM Dev qui a dû récemment entièrement revoir la couche réseau de son logiciel PowerMail.
En ce qui concerne les boîtiers LocalTalk, ils ont été remplacés au fil du temps par Ethernet. Si les technologies ont évolué, Apple a toujours tenu à conserver la simplicité d’utilisation. La seule véritable différence, c’est qu’elle s’appuie quand c’est possible sur des technologies ouvertes.
Afin de conserver le côté plug & play, Apple a intégré dans son système, à partir de Jaguar, la technologie Rendezvous, qui fut renommée Bonjour par la suite. Mettant en œuvre la technologie Zeroconf de l’IETF, Bonjour permet de trouver facilement un ordinateur ou un périphérique sur un réseau local.
Mais Bonjour n’est pas une technologie isolée, elle fait partie d’un faisceau de technologies mises au point par Apple pour faciliter les échanges. AirDrop et AirPlay ont été créés dans la même optique.