Dans la foulée du keynote de la WWDC, le responsable logiciel d’Apple Craig Federighi et le responsable marketing, Greg Joswiak, ont pour habitude de faire le tour des médias pour prêcher la bonne nouvelle. Cette année, l’exercice est un peu différent et les deux hommes ont voulu régler leurs comptes par rapport à l’affaire Siri qui a secoué Cupertino au printemps.
Petit rappel des faits : en mars dernier, Apple a dû reconnaitre au dernier moment que le nouveau Siri, présenté en fanfare à la WWDC l’année dernière, n’était pas prêt. Cet aveu tardif a ravivé les doutes quant à la capacité d’Apple à se mêler dans la course à l’intelligence artificielle générative, et a suscité de nombreux remaniements en interne, très souvent rapportés par Mark Gurman.

Le nœud du problème vient des présentations faites à la WWDC et à l’occasion de la sortie de l’iPhone 16. Les présentations étaient-elles vraiment fonctionnelles ou était-ce un simple montage vidéo, comme l’expliquait John Gruber, qui rappelait, dans un billet, que personne n’avait pu tester lors des démos organisées pour la presse, le nouveau Siri. Plus ou moins dans le même temps, Mark Gurman insistait lourdement sur le développement chaotique de la nouvelle version de l’assistant d’Apple.

Le nouveau Siri montré en 2024 n'aura été qu'une fable et une fumisterie
Les accusations de John Gruber ont semble-t-il vexé les dirigeants d’Apple. Ces dernières années, Craig Federighi et Greg Joswiak avaient pour habitude de participer la semaine de la WWDC au podcast The Talk Show. Cette émission est enregistrée en public pour l’occasion et est souvent très instructive. Cette année, les responsables d’Apple ont décliné l’invitation, mais ont fait comprendre le motif de ce refus dans une interview donnée à Joanna Stern du Wall Street Journal.

Pour la première fois en dix ans, Apple ne veut pas papoter avec John Gruber après la WWDC
Les dirigeants d’Apple ont été clairs sur le sujet. « Nous avons filmé un vrai logiciel fonctionnel, avec un véritable grand modèle de langage, avec une vraie recherche sémantique, c’est ce que vous avez vu », a déclaré Craig Federighi. « Il y a ce récit qui circule selon lequel ce n’était qu’une démo », a ajouté Greg Joswiak. « Non ! »
Voilà qui a le mérite d’être clair. Les deux hommes ont répété à l’unisson que, si le nouveau Siri n’était pas encore sorti, c’est parce qu’il ne répondait pas aux normes de qualité voulues par Apple. Si on le pouvait, on leur demanderait bien volontiers si le Siri actuel correspond à ces critères.
Craig Federighi a bien reconnu un certain retard d’Apple sur le sujet tout en le minimisant. Ce qui compte pour lui, c’est qu’Apple soit le premier à proposer un assistant personnel intelligent et fiable. Dans une seconde interview, Craig Federighi a donné des explications sur ce retard. « Lors du développement de cette fonctionnalité, nous avons constaté que nous avions deux phases, deux versions de l'architecture finale à créer. Nous travaillions déjà sur la première version à l'approche de la conférence, et nous étions alors très confiants de pouvoir la livrer », a-t-il indiqué à Tom’s Guide.
Et de poursuivre : « Nous pensions que ce serait prêt en décembre, ou sinon au printemps, avant de décider de l’annoncer dans le cadre de la WWDC. Parce que nous savions que tout le monde attendait une vision vraiment complète, une réponse à "que pense Apple des implications d’Apple Intelligence et dans quelle direction va-t-elle ?" »
Durant plusieurs mois, Apple a travaillé sur deux versions différentes du Siri boosté à l’IA. La v1 a servi à créer les premières démos présentées à la WWDC et aurait dû être intégrée à iOS 18, mais les ingénieurs bossant dessus ont fini par se retrouver dans une impasse.
« Nous avons travaillé pendant des mois pour l’améliorer […] Mais au bout du compte, nous avons constaté que les limites de l'architecture v1 ne nous permettaient pas d'atteindre le niveau de qualité attendu par nos clients », raconte Craig Federighi. Plutôt que de s’acharner sur une v1 condamnée à échouer, toutes les équipes se sont alors reportées sur la seconde architecture en préparation.
« Dès que nous avons compris [qu’il n’y avait pas d’autre choix que de passer sur la v2], au printemps dernier, nous avons fait savoir que nous ne pourrions pas déployer [le nouveau Siri] et que nous allions continuer à travailler pour passer à la nouvelle architecture », conclut le responsable de l’ingénierie logicielle.
Les fonctionnalités annoncées l’année dernière seront bien implantées, mais on ignore quand. Les deux dirigeants n’ont pas voulu en dire davantage, mais il ne faut pas s’attendre à des mises en place avant l’année prochaine.

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