En Chine, la censure d'Apple sur la gravure de ses produits déborde sur Hong Kong et Taïwan

Mickaël Bazoge |

Ce n'est pas un scoop : Apple censure certains mots qui ne peuvent être gravés à l'arrière de l'iPad, sur l'AirTag, ou d'autres produits proposés à la gravure sur l'Apple Store. L'analyse réalisée par CitizenLab dans six boutiques en ligne — Chine, Hong Kong, Taïwan, Japon, Canada et États-Unis — montre une grande disparité dans les listes de mots censurés. Par exemple, graver « NAZI » sur un AirTag est impossible au Canada, mais elle ne pose aucun souci aux États-Unis.

Censuré au Canada, autorisé aux États-Unis.

Dans ces six pays, l'organisation a mis au jour 1 105 règles de filtrage de mots clé (il y en a sans doute davantage) à connotation raciste et politique, mais aussi en lien avec des événements sociaux, des technologies (sites web licencieux par exemple), ou tout simplement en rapport avec des personnalités (comme des dissidents politiques en Chine). La liste des mots testés dans chacun des pays est à consulter ici.

Pour ce qui concerne la censure en Asie, CitizenLab a observé une certaine largesse débordante de la part des censeurs d'Apple. On retrouve sur la liste de mots censurés à Taïwan et à Hong Kong des occurrences chinoises qui n'ont rien à y faire. L'entreprise ne semble pas « comprendre complètement » ce qu'elle censure, explique l'organisation. La censure sur des mots-clé n'est pas le résultat d'un examen attentif, soutient-elle, elle donne l'impression de se baser sur « d'autres sources ».

Nombre de règles de censure de mots clé par pays.
Les règles de censure de mots clé en fonction de thèmes : social, racial, politique, technologique, divers, personnalités.

En Chine, à Taïwan et à Hong Kong, un grand nombre de mots clé bloqués par la censure d'Apple est politiquement motivée : impossible de faire graver 新聞自由 (liberté de la presse), par exemple. En Chine, 43% des mots censurés sont en lien avec le système politique du pays (Parti communiste, dirigeants politiques ou membres du gouvernement) ; 174 de ces mots s'appliquent à Hong Kong (où la censure est beaucoup moins forte que chez l'encombrant voisin), 29 à Taïwan, où la loi ne force pas à la censure politique.

Citizen Lab estime qu'Apple devrait jouer la carte de la transparence, ce qui permettrait d'expliciter pourquoi tel mot est censuré dans un pays et pas dans un autre. « Un ensemble de directives claires, cohérentes et transparentes expliquant pourquoi et comment l'entreprise modère le contenu [à graver] est donc nécessaire de toute urgence », juge l'organisation qui a envoyé un courriel à Jane Horvath lui demandant des explications sur la censure.

La directrice de la confidentialité d'Apple a répondu de manière assez générique. Elle écrit que le processus de gravure se réalise « en accord avec les valeurs [d'Apple] » (des valeurs à géométrie variable, si on comprend bien) : « Nous avons mis en place des directives pour garantir que les lois et coutumes locales soient respectées dans chaque pays et région où nous opérons ».

Techniquement, il n'existe pas de liste de mots censurés globale qui contiendrait un ensemble de termes ou de phrases interdits. Ce n'est pas un processus automatisé, il s'appuie au contraire sur une sélection manuelle et en cas de problème, des corrections peuvent être apportées. Ces décisions sont prises par les équipes locales d'Apple, en fonction de leur évaluation et des sensibilités culturelles. Des décisions qui sont revues « de temps à autre ». Horvath assure qu'« aucun tiers ou organisme gouvernemental n'est impliqué dans ce processus ».

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avatar Calorifix | 

En même temps Apple n'aime pas la liberté.

avatar sachouba | 

Apple récupère les hash des mots-clés dans des bases de données de termes illégaux maintenues par une société privée d'utilité publique.
Il est strictement impossible pour un État totalitaire d'y ajouter un mot-clé qui ne soit pas illégal.

avatar Calorifix | 

"Il est strictement impossible pour un État totalitaire d'y ajouter un mot-clé qui ne soit pas illégal."
Chine : Vous ajoutez ce mot ou vous dégagez du pays.
Apple : Oui, Maitre.

avatar xfce | 

@sachouba

Quelle est cette société ?

avatar sachouba | 

@xfce

C'était une référence à la lutte contre la pédopornographie selon Apple.

avatar macoupc | 

Et est-ce que N A Z I est censuré ? (Bon en même temps est-ce qu’on a envie de graver NAZI sur un airtag ???)

avatar Bigdidou | 

@macoupc

« Bon en même temps est-ce qu’on a envie de graver NAZI sur un airtag »

Si tu es nazi…;)
Y en a un paquet du côté des suprémacistes blancs, par exemple.
Après, si ça les fait kiffer d’appeler leur rat Goebbels et de lui mettre un AirTag gravé NAZI au bout la queue, franchement, je ne vois pas pourquoi Apple les en prive : ils sont de toute façon probablement peu récupérables.

Et quand je rencontre un Nazi, au fond, si c’est marqué dessus, c’est pas plus mal. Ça évite les mauvaises surprises.

Ça me parait tellement débile, ces mots censurés, que je me demande s’il n’y a pas des craintes légales la dessous, quand même. Du genre les mêmes trucs idiots que le café chaud ou les échelles métalliques.

avatar leinuo88 | 

C’est pour sur de l’autocensure et non le gouvernement qui donne une liste.
L’autocensure marche beaucoup mieux que la censure car de peur de ne pas censurer un truc et d’avoir en suite des problèmes avec le gouvernement les gens se censure encore plus que ce qui aurait été demandé par le gouvernement.

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