Online va concurrencer les serveurs virtuels avec de l’ARM

Nicolas Furno |

Traditionnellement, l’hébergement de sites web se découpait en deux grandes catégories. Il y avait d’un côté les hébergeurs mutualisés, où un même serveur était partagé entre un grand nombre d’utilisateurs avec des accès limités aux ressources matérielles. L’autre solution, beaucoup plus coûteuse, consistait à utiliser un serveur dédié, c'est-à-dire une seule machine avec un accès complet aux ressources matérielles. Depuis quelques années, une troisième voie est apparue et elle est vite devenue très populaire : le « cloud hosting ».

Une armoire de serveurs

Derrière ce nom très à la mode, une idée au fond assez simple : ce type d’hébergement ne dépend pas directement d’un matériel, mais vous utilisez des ressources en fonction de vos besoins. D’un clic, on peut augmenter les ressources de son site et ainsi répondre à une demande plus élevée, sans pour autant payer un serveur supplémentaire. En général, ces offres reposent sur des VPS, c'est-à-dire des serveurs dédiés virtuels. Il s’agit en fait de machines virtuelles installées sur un serveur, avec des ressources garanties en théorie, mais partagées dans les faits.

Parmi toutes les offres basées sur ce modèle, celles de Digital Ocean ont particulièrement la cote. Il faut dire qu’avec ses offres qui commencent à 5 $ par mois et qui sont largement suffisantes pour un petit site dynamique, voire un gros site statique, l’entreprise est très intéressante face à la concurrence des hébergeurs traditionnels. Ces derniers s’adaptent toutefois, y compris en France : OVH a lancé plusieurs offres dans le nuage, dont RunAbove, une offre qui vient concurrencer directement celle de son concurrent américain.

Dix huit serveurs se cachent sur cette image !

De son côté, Online, l’hébergeur de Free, prépare depuis quelques mois une offre sensiblement différente, malgré l’objectif commun. Online Labs (du moins, c’est son nom provisoire) propose un hébergement de type cloud, mais avec des serveurs physiques et dédiés. Comme chez Digital Ocean, on peut créer une instance en quelques secondes et on peut payer pour quelques heures d’utilisation sans avoir à s’engager ne serait-ce que sur un mois. La différence toutefois, c’est que vous n’avez pas un serveur virtuel (VPS), mais un vrai serveur physique.

Pour parvenir à un tel résultat, Online n’a pas utilisé les technologies déjà disponibles, car il fallait une plateforme matérielle plus souple et surtout meilleur marché. L’entreprise française s’est tournée vers les architectures ARM pour y parvenir et le résultat est un serveur de toute petite taille, puisqu’il est aussi gros qu’une carte de visite. Dans un « rack » , Online case pas moins de 912 serveurs, à raison de 18 par plaques. Une densité extraordinaire et un tout petit prix qui permettent à l’entreprise de déployer un nombre très important de serveurs dans ses datacenters.

La technologie ARM, connue jusque-là surtout pour alimenter nos appareils mobiles, a le vent en poupe aussi dans le monde des serveurs. On parlait déjà en 2010 de processeurs ARM pensés pour les serveurs et depuis les plus grosses entreprises se sont tournées vers cette technologie pour créer leurs serveurs. Il faut dire qu’elle ne manque pas d’avantages : les serveurs consomment beaucoup moins d’électricité et ils chauffent également moins, tout en coûtant beaucoup moins cher que les modèles avec processeurs x86.

Et côté performances, les processeurs ARM n’ont pas à rougir. Le modèle conçu par Online par exemple tourne avec un SoC ARMv7 fourni par Marvell qui dispose de 4 cœurs à 1,3 GHz. Avec ses 2 Go de mémoire vive et ses 20 Go de SSD associés, on peut compter sur des performances tout à fait correctes et largement suffisantes pour la majorité des sites ou services web (CPUMark annoncé de 12K). Et si cela ne suffit pas, cloud oblige, vous pourrez très rapidement ajouter un deuxième serveur pour augmenter la puissance de votre installation.

En conception depuis deux ans, Online Labs n’est pas encore lancé, mais on peut l’essayer en bêta dès aujourd'hui. C’est sur invitation seulement et vous pouvez en demander une sur le site officiel ou, plus efficace, sur Twitter (suivez le compte @online_en et demandez une invitation). Pour l’heure, tout est gratuit et le prix du service finalisé reste encore la grande inconnue, mais on imagine que l’entreprise de Xavier Niel s’alignera sur ses concurrents, avec un prix d’appel autour de 5 $ par mois.

Par rapport à Digital Ocean, cette nouvelle offre promet d’être beaucoup plus souple : on peut, par exemple, ajouter autant de stockage que l’on veut, en SSD ou en disque dur. Autre particularité, une adresse IP qui n’est pas fixe par défaut (une nouvelle est assignée à son serveur à chaque démarrage), mais on pourra « réserver » une IP, sans doute en payant un supplément. En revanche, on retrouve la même souplesse que toutes les autres offres de cloud, notamment en matière de sauvegarde : vous pouvez créer une image à tout moment et la dupliquer sur un autre serveur, ou la restaurer en cas de besoin, par exemple.

Online Labs n’est pas un hébergement adapté aux débutants, ne serait-ce qu’en raison de la première étape qui nécessite de générer une clé SSH sur son ordinateur. Toutefois, à condition de ne pas avoir peur du terminal, on peut s’en sortir rapidement et l’entreprise a même prévu des installations clé en main. La création d’un blog WordPress est d’une simplicité désarmante par exemple et on peut apprécier les choix techniques modernes, parfaitement adaptés au serveur ARM moins puissant (nginx et php-fm plutôt que le gourmand Apache). De fait, l’installation de base est solide et, sans aucun module de cache, le blog est très rapide (exemple).

En attendant d’en savoir plus, vous pouvez aussi essayer le service gratuitement et sans invitation en utilisant ce lien. Vous aurez alors accès, pendant 15 minutes, à l’un des serveurs mis en place par l’entreprise, via une console dans le navigateur. Ce n’est pas aussi intuitif qu’un contrôle graphique à la CPanel, mais c’est plus puissant : en agissant via un terminal, on a un contrôle complet sur le serveur, comme avec un vrai serveur dédié. Online Labs propose par ailleurs une API qui permettra d’automatiser la gestion de ses serveurs.

Ce nouveau service ajoute un peu de nouveauté dans le monde de l’hébergement, et c’est une excellente nouvelle. En faisant le pari de serveurs physiques plutôt que de la virtualisation, Online est aussi le premier hébergeur à démocratiser les serveurs ARM dans ce domaine. Est-ce que le Français sera suivi par les poids-lourds du marché ? Cela dépendra probablement du succès de cette première offre, mais la bêta est incontestablement encourageante.

avatar fornorst | 

Oui extrêmement intéressant en complément d'autres solutions. Ca peut être sympa pour déployer des clusters hadoop de faible puissance à des fins de test (cluster) ou pour mettre une sonde externe pour du monitoring de site (single server). Bravo pour l'initiative en tout cas !

avatar fornorst | 

La majorité des distribs Linux sont aujourd'hui pleinement compatible ARM. Pas trop d'inquiétude là dessus je pense. Par contre toutes les applis ne sont pas proposés dans des paquets compatibles ARM. Il faudra passer par des installs via les sources de temps en temps je pense.

avatar Darth Philou (non vérifié) | 

Sauf erreur de ma part, ce ne seront pas les premiers à proposer du provisionning sur machines physiques : IBM SoftLayer se différencie entre autre justement de ses concurrents par ce type d'offres.

avatar Giloup92 | 

Pour ma gouverne, quelqu'un peut-il expliquer ce qu'est un "petit site dynamique" et "un gros site statique"? Merci

avatar iapx | 

Pour RunAbove d'OVH, un hébergeur dont le site web de gestion présente une vulnérabilité immédiatement visible, le TLS 1.0, alors qu'elle est connue, ne devrait tout simplement pas exister.

Je déconseille de travailler avec ces broches à foins, tout simplement!

Pour les hébergeurs pour ARM, ils ne s'adressent qu'à ceux qui utilisent des framework légers ou des sites statiques (ça se faisait il y a 20ans! lol). En effet, les ARM sont très loin des actuels x86 en terme de performance par thread, ça signifie que les temps de réponses vont être 2X à 4X plus élevés sur une architecture ARM (peu importe le nombre de coeur tant que la machine est pas saturée), et par exemple sur un site construit avec Drupal vous allez rapidement être au-dessus d'une seconde en temps de réponse. Inacceptable.

avatar Nicolas Furno | 
@ iapx : je ne peux pas vraiment en juger, mais le blog WordPress que j'ai créé avec leur outil est très réactif, en tout cas côté interface d'administration. Pour les visiteurs, si tout est caché, on s'en fiche, non ?
avatar fornorst | 

@iapx : les sites statiques reviennent de plus en plus à la mode avec des outils type Jekyll par exemple. Pour héberger ce type de site, ces micro hébergement sont vraiment tops !

avatar Ambobo25000 | 

Pas d'IP fixe par défaut ? Quel est l'intérêt pour un serveur ? Je ne trouve les offres de Digital Océan pas forcément plus avantageuses qu'un VPS cloud de chez OVH.

avatar Nicolas Furno | 
@ Ambobo25000 : comme le dit fornost, certains serveurs n'ont pas à être accessibles autrement que par son utilisateur, et dans ce cas, il suffit de se connecter avec la bonne URL en SSH par exemple. À part ça, le service permettra de réserver une IP et donc d'avoir une IP fixe. Ou bien, on peut toujours utiliser un service qui envoie au démarrage la nouvelle IP à un service qui fait le lien (DynDNS ?).
avatar bitonio | 

@nicolasf :
Dyndns sur un serveur, mouais, autant faire du hosting chez soit à ce niveau! Pour faire des sondes pourquoi pas, mais franchement je vois pas l'intérêt du truc. Je trouve les idées comme Docker au final bcp plus intelligente pour optimiser des ressources.

avatar yvesyle | 

@bitonio :

avatar fornorst | 

Tous les serveurs n'ont pas besoin d'avoir une IP fixe ;) si tu n'as pas besoin que ton serveur soit joignable par le public, aucun souci à ce que l'IP fluctue au gré des reboots.

avatar françois bayrou | 

Ni par le public, ni par une API / webservice quelconque qui a besoin d'accéder à ce serveur : notifications, messaging, pub/sub, ...
Ca limite quand même beaucoup le champ d'action
D'ailleurs à chaque connexion SSH après un reboot on va se taper l'alerte sur le serveur inconnu, yes/no ?
C'est quand même ballot ! Ok on n'est pas censés rebooter un serveur 3x par jour mais quand même, ne pas proposer une IP fixe ca fait très cheap

avatar bitonio | 

Je vois pas trop le rapport avec le Mac à vrai dire.

Une offre de plus qui contrairement à la concurrence en vps va être dur à intégrer dans une infra à cause de ses binaires spécifiques. Sans compter que la footprint d'online, c'est FR uniquement. Bref, un truc qui ressemble à un pétard mouillé, un peu comme les SDK sur les box du groupe.

avatar Un Type Vrai | 

Et FreeBSD ? (Sans parler de RHL...)

Je ne comprends pas l'intérêt d'avoir sa machine physique en cloud si on ne peux pas y installer ce qu'on veut, comme on veut, configuré comme on le souhaite.
Une machine virtuelle fait la même chose non ?

A moins qu'on puisse comme sur les Dedibox installer TOUT ce qu'on souhaite (ARM compatible) à condition d'être un poil barbu... Ca et je change de crémerie pour mes tests...

PS : Ca fait des années que j'ai quitté Apache pour Lighttpd puis Nginx... Mais justement, cette année, j'aimerai tester un truc plus moderne ...

avatar Obaran | 

Bonjour,

Pour information Ikoula propose des vps pas plus chers et sur lesquels on peut installer n'importe quel os, des releases officielles sont dailleurs disponibles depuis l'interface mais on peut aussi importer ses propres ISO.

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