Ordinateur, mobile et services : la bataille des écosystèmes se prépare

Anthony Nelzin-Santos |


Le Mobile World Congress 2012, qui a fermé ses portes il y a quelques jours, a été moins l'occasion d'annonces fracassantes que de paradoxes éclatants. Un fabricant incontournable comme Samsung a présenté des produits décevants, alors qu'une société en difficulté comme HTC a surpris son monde. Il ne fait pourtant nul doute que les produits du fabricant coréen se vendront mieux que ceux du fabricant taïwanais : la clef n'est plus la seule fiche technique, mais l'écosystème de logiciels et de services qui gravitent autour.

Les acteurs traditionnels

« Quietly brilliant ». Ironie du sort, le slogan de HTC, censé fonder son image de marque, ne fait que décrire sa situation inconfortable. Brillant, ce fabricant taïwanais l'est sans aucun doute, mais il est toujours resté dans l'ombre de ses clients : c'est un pionnier du PDA… de Palm, et des smartphones… des opérateurs mobiles comme Orange. Il ne s'est lancé sous sa propre marque que très récemment, certes avec quelques-unes des plus belles réussites industrielles de ces dernières années, mais sans parvenir à marquer durablement le paysage.

La gamme One, présentée à l'occasion du MWC, est ainsi particulièrement ingénieuse — c'est un parfait exemple du savoir-faire de HTC, qui n'a certainement rien à envier à Apple sur ce terrain-là. L'innovation est d'abord matérielle, avec des appareils photo à double obturateur électronique qui permettent de réellement prendre des photos en rafale ou de prendre une photo tout en filmant. Elle est ensuite logicielle, avec une interface qui permet justement de prendre des photos tout en filmant, ou de lancer rapidement un enregistrement sans devoir changer de mode. Mais de ces bonnes idées, on entendra sûrement pas beaucoup parler.

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HTC souffre clairement d'un problème d'identité provenant de son passé de sous-traitant, et d'un certain complexe d'infériorité face aux chaebols coréens et aux zaibatsu japonais. Incapable de rivaliser en matière d'image de marque avec ses clients et leurs concurrents, il est aussi systématiquement opposé aux grands groupes asiatiques qui ont su s'établir durablement sur les marchés américain et européen. Il est aujourd'hui isolé, et peine à se faire entendre malgré des propositions intéressantes.

Les « nouveaux » entrants

À l'inverse, Sony et surtout Samsung, qui développent des écosystèmes intégrés et tirent parti de leur très forte image de marque, sont beaucoup plus audibles que HTC, sans pour autant être fondamentalement meilleurs. Au Mobile World Congress, Sony ne présentait pas que sa nouvelle gamme Xperia — le fabricant japonais présentait sa gamme Xperia communicant avec ses tablettes, la PS Vita, les téléviseurs Bravia, et les ordinateurs de la marque.

L'acquisition par Sony des parts d'Ericsson dans leur joint-venture participe d'une stratégie systématique de développement d'un écosystème intégré : Sony vend désormais les appareils indispensables que sont les smartphones et tablettes sous sa propre marque. Ces appareils ont accès à la PlayStation Suite, autre marque phare du groupe, et ont accès aux mêmes offres de contenus que les consoles, téléviseurs et ordinateurs de la société. On retrouve les logos Bravia (écrans) et Exmor (capteurs photo) sur tous les produits de la marque ou presque.

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Équivalent coréen de Sony, Samsung n'a pas encore aussi bien fermé son écosystème, mais sa stratégie procède de la même logique. Ses smartphones et tablettes sont équipés du même système, et partagent le même nom : Galaxy pour les modèles standard, Galaxy Note pour les modèles à stylet. Ces appareils commencent à communiquer avec les téléviseurs de la marque, mais aussi avec ses ordinateurs par le biais de Kies, une sorte d'iTunes. Il manque néanmoins une pièce au puzzle de Samsung, l'offre de contenus… qui ne l'empêche pour le moment pas d'être le deuxième fabricant mondial de téléphones grâce à une image sans faille et une stratégie de saturation du marché.

Microsoft elle-même s'est réinventée non pas en suivant le modèle des acteurs traditionnels du téléphone, mais en marchant dans les pas des nouveaux entrants. La Xbox lui a permis de se faire une place dans le salon, sous les téléviseurs de Sony, Samsung et les autres. Elle offre Xbox Live, l'interface Metro, l'accès à un catalogue de contenus… que l'on retrouve désormais dans Windows Phone 7 et Windows 8, qui communiquent via les services Internet de la société.

Et Apple

Ni Samsung, ni Sony ni Microsoft ne sont réellement des « nouveaux » acteurs du marché du mobile, contrairement à Apple, qui y a fait son entrée en 2007. La firme de Cupertino est certainement l'une des premières sociétés à avoir compris l'importance des logiques d'écosystème : iTunes a fait de l'ordinateur personnel et notamment le Mac le hub numérique autour duquel gravitent iPod, puis iPhone et iPad — un hub numérique renouvelé pour la prochaine décennie par iCloud.

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iCloud et les différentes boutiques d'Apple fournissent contenus et services aux appareils de la marque, tout en les faisant communiquer de manière transparente. Avec la sortie de Mountain Lion cet été, un rappel dicté à Siri sur l'iPhone sera retrouvé sur le Mac, une note prise sur le Mac pourra être éditée sur l'iPad, et l'on pourra même jouer ordinateur contre tablette. Ne manque qu'un quatrième écran : pour contrôler le salon, Apple doit-elle lancer son téléviseur, ou le concept actuel de l'Apple TV suffit-il ? Dans sa promotion d'AirPlay en vidéo, la firme de Cupertino affiche pour le moment sa set-top-box au pied d'un écran anonyme, quoiqu'on reconnaisse les traits caractéristiques de Vizio.

Une chose est sûre, même si on a tendance à l'oublier : on ne choisit aujourd'hui plus un système contre un autre, comme du temps de la bataille entre Mac OS et Windows. On choisit aujourd'hui un écosystème intégré et fermé, duquel on ne pourra de fait plus sortir sans changer l'intégralité de la chaîne : les DRMs ont disparu, mais l'investissement dans des applications empêchent de changer facilement de plateforme, et les services dans le nuage, qui contiennent des données qui ne sont pas portables sont les nouveaux verrous décourageant toute velléité d'indépendance. C'est aujourd'hui les parts de marché de la décennie à venir qui se jouent.

Dans cette bataille qui se profile, des fabricants comme HTC ont déjà perdu, et sont condamnés à ne jouer que le rôle du sempiternel aiguillon : ce n'est pas une prise de participation dans Beats pour l'audio ou un partenariat avec Dropbox pour mettre un pied dans le nuage qui changera les choses. L'éternelle opposition entre Apple et Microsoft va reprendre de plus belle, avec d'un côté iOS, OS X, iTunes et iCloud et de l'autre Windows Phone, Windows 8, Xbox et Live. Reste la place des autres fabricants Android comme Sony ou Samsung, ceux qui maîtrisent une grande partie d'un écosystème, mais ne peuvent totalement le fermer, Sony parce qu'elle utilise Android, Samsung pour la même raison, mais aussi parce qu'elle n'intègre pas encore ses propres services : à la fin de cette décennie, le choix de l'OS de Google aura-t-il été une chance ? Ou aura-t-il été un cheval de Troie pour faire in fine triompher l'offre de services et les publicités de la firme de Mountain View, ne laissant que des ruines derrière lui ?
avatar Marc-Alouettes | 
@clem95: "Perso le l'écosystème fermé c'est pas pour moi...et avoir le contrôle de comment je distribue tout ça sur mon matos." Donc, tu préfères pas d'écosystème (Androîd en a autant que de FAI) et privilégier ton confort (qui ne va durer que quelque mois ) au détriment de la synchronisation de tes données et de ta sécurité ?
avatar clem95 | 
Niveau secutité, je ne me sens moins en danger que quelqu'un qui synchronisé tout chez une seule boite, Google Apple ou autre. aucun service en ligne n'est à l'a bris d'une attaque. Donc je préfère.ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier. Perso je ne synchronise que ce qui est vraiment nécessaire. Je n'ai pas besoin d'avoir toutes mes 10aines de milliers de photos, ni tous mes films, documents ou musiques sur tous les pc que je touche. Je préfère ne pas apartenir à persone. Moi je trouve ça fou de confier toute sa vie à une boite.
avatar Marc-Alouettes | 
@clem95: "Je préfère ne pas apartenir à personne" Je n'ai pas le sentiment d'appartenir à quelqu'un car mes données importantes ne sont pas dans le Cloud mais je te comprends.

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